AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

François Kérel (Traducteur)
EAN : 9782234022683
170 pages
Stock (06/06/1990)
4.35/5   10 notes
Résumé :
Quel est donc le drame de celui qui se prétend "le compositeur Foltyn" ? D'être en réalité incapable d'écrire une note, ou presque. Pendant des années, il va abuser son entourage avec Judith, l'opéra qu'il affirme avoir en chantier, alors qu'il s'agit d'une monstruosité faite de pièces et de morceaux, plagiats, contrefaçons et vols. Mais il faudra bien un jour reconnaître que cette oeuvre n'a jamais existé et que depuis le début de sa "carrière", il a progressé sur ... >Voir plus
Que lire après La vie et l'oeuvre du compositeur FoltynVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (5) Ajouter une critique
La signature des accords de Munich (29-30 septembre 1938) est un choc terrible pour Karel Čapek. Malade, épuisé, harcelé par les pro-nazis mais refusant l'exil, il se réfugie dans l'écriture de la Vie et l'oeuvre du compositeur Foltýn, une biographie fictive. Il meurt d'une pneumonie le 25 décembre 1938 avant d'avoir pu terminer son roman. Les dernières pages ont été complétées par son épouse Olga d'après ses notes et leurs conversations. le livre est publié en 1939. Il fait réfléchir sur la vérité et le mensonge dans la vie et dans l'art, sans jamais ennuyer.

Qui était Bedrich Foltyn ? Un génie incompris ? Un poseur vantard ? Un malade mental ? Un escroc ? Un merveilleux imbécile ?
Cette biographie fictive posthume est construite chapitre après chapitre, comme une instruction judiciaire. Sont appelés à témoigner tous ceux qui l'ont connu.
Dès le premier chapitre, constitué du témoignage d'un ancien camarade de lycée, devenu juge et qui refuse de le juger, on comprend que Béda Folten (nom qu'il s'est choisi) voulait de toutes ses forces être reconnu comme un artiste. Il est très timide, s'effondre quand il lui faut réciter quelque chose en public et en même temps il prend la pose de l' artiste romantique avec ses longs cheveux blonds flottant sur ses frêles épaules et ajuste un lorgnon, pour se distinguer du troupeau. Il s'imagine alors sous les traits du dieu Dionysos et son camarade, un rustaud qui écrit des vers, sous ceux d'Apollon. Et ils parcourent la ville «  pour entrevoir, le coeur battant, par une fissure de la porte, la lueur rouge de l'antre de Vénus ». Tout au long de sa vie, Foltyn restera obsédé par l'idée d'être le compositeur d' un opéra, musique et livret, avec le personnage biblique de Judith, la femme fatale, comme héroïne. Et il fera tout pour y arriver. le récit tragi-comique est truffé d'allusions à un romantisme échevelé wagnérien, plein de nymphes farouches et de ménades déchainées.
Les neuf narrateurs ont tous une opinion. Elles se recoupent, divergent et complexifient la propre opinion du lecteur. On s'amuse beaucoup car chacun des témoins à son petit caractère, sa façon de parler, de se comporter. Et chacun a son point de vue sur l'art et les artistes. Les témoignages sont parfaitement réalistes avec des détails savoureux et une légère ironie. le point de vue de Čapek lui-même est introduit tel le cheval de Troie dans un des neuf témoignages.

A la fin les mots d'Olga Scheinpflugová, la veuve de Čapek, sont inestimables. Derrière son texte, apparaît un homme qui parle de ses personnages comme s'il s'agissait d'êtres vivants « avec des yeux brûlants et avec cette expression particulière qui embellissait son visage dès qu'il parlait de l'art. ».
Commenter  J’apprécie          518
« La vie et l'oeuvre du compositeur Foltýn » est un roman court de Karel Čapek (1890-1938). En seulement 120 pages, il nous conte la vie d'un gamin pragois d'origine modeste, qui n'est pas doué pour un sou pour les études, et qui pour exister et faire illusion, se prétend être un Artiste avec un grand « A », pianiste de talent et compositeur de génie, qui montrera un jour ce dont il est capable.
Au début du roman, on croit avoir droit au portrait caricatural d'un personnage factice, stérile et névropathe, mais non. Čapek joue comme à son habitude avec la nuance, et son écriture est pleine de subtilité. J'ai trouvé ce roman assez original, et singulier à bien des égards.

C'est un roman polyphonique. La vie du compositeur Foltýn y est reconstituée grâce à différents témoignages de personnes qui l'ont bien connu, ou simplement fréquenté. Chacun, tour à tour, -un ami de jeunesse devenu juge, sa logeuse, une ancienne camarade de lycée, un ancien voisin de pension, etc., brosse un portrait de Foltýn. Il apparaît comme étant flamboyant pour certains, et beaucoup moins brillant pour d'autres. Cette multiplicité de points de vue est intéressante, car elle nous permet petit à petit de cerner sa personnalité complexe, et nous amène à penser qu'il n'est pas quelqu'un de sympathique !

J'ai bien aimé le portrait qui est dressé de ce héros picaresque ! « C'était un jeune homme au long nez et à l'abondante chevelure, au menton rentré et faiblement dessiné, au cou de girafe, et avec une expression de suffisance peu commune dans ces yeux pâles. ».
Foltýn est ce qu'on appelle un « beau parleur » …
« Il pérorait sur l'art, il avait appris une douzaine de grands mots tels qu'intuition, subconscient, substance originelle et je ne sais quoi, et il en avait plein la bouche. » de plus, il se plaît à déclamer très fréquemment cette phrase, pour éblouir les personnes qu'il rencontre : « le compositeur doit vivre à chaque minute dans l'angoisse de la création… »
Ces passages du roman prêtent vraiment à rire !

Foltýn se dit habité par une force créatrice terrible et irrésistible, mais ce qui lui manque gravement c'est l'inspiration. Il a envie de transcender son origine modeste pour devenir une personne de grande renommée, mais on va découvrir au fur et à mesure des témoignages toute l'étendue de son indignité ! Foltýn ne va pas hésiter à soudoyer nombre de personnes et à plagier plus talentueux que lui ! Son but dans la vie est de créer un grand opéra, « Judith », et il veut à n'importe quel prix exister aux yeux des autres pour un talent qu'il n'a pas, en privilégiant les apparences aux qualités réelles.

Et Karel Čapek nous amène avec ce roman à réfléchir sur l'art, et sur la notion du bien et du mal.
Pour lui, l'art est infiniment respectable, il est quasi d'origine divine, il demande le plus profond respect et une totale implication. Il donne une véritable leçon d'art à tous ceux qui veulent composer ou écrire.
« Foltýn était visiblement de ces artistes pour qui l'art n'est qu'une forme d'auto-expression et d'auto-accomplissement, une manifestation effrénée du moi. Je n'ai jamais pu admettre cette conception et je ne puis cacher que tout élément individuel constitue plutôt, selon moi, une profanation de l'expression artistique. »
« le diable aussi se mêle de l'art et y fait ses contrefaçons. (…) Il tire son orgueil de la matière, de l'originalité ou du tour de force ; il n'est pas d'excès, pas d'exubérance qu'il n'attise de son souffle vénéneux, tout gigantisme et toute grandiloquence s'enflent de son orgueil impur et convulsif ; tout ce qui dans l'art est facilité, clinquant, complaisance, ce sont là les paillettes de sa vanité simiesque. Tout ce qui est imparfait, inachevé n'est que la trace hâtive de sa fébrile impatience et de son éternelle négligence ; toute forme fausse et prétentieuse est le masque emprunté sous lequel il dissimule vainement sa désespérante nullité… »

Au travers d'autres témoignages, que j'ai trouvés plus marquants encore, ceux d'un professeur d'université et de plusieurs musiciens, on en vient à comprendre combien Foltýn est un être faible, qui est totalement dépendant des autres… Un être pitoyable !

La fin du livre est assez déroutante, quand on sait que ce roman est posthume (paru en 1939, un an après la mort de l'auteur), et qu'il est théoriquement inachevé. Théoriquement, car on lit « Ici se termine le texte de Karel Čapek. ». Mais suit le témoignage de la femme de l'auteur, qui commence ainsi : « Plusieurs témoins devaient encore compléter les détails et les dépositions devaient apporter quelques éclaircissements sur la fin du compositeur Foltýn. » Et la suite est tellement bien écrite, semble tellement intégrée, qu'on a un doute passager... mais il semble que non, il est vraiment inachevé, c'est bien sa femme (qui a elle-même fait carrière comme écrivain, après celle d'actrice) qui a dû brosser la fin de l'histoire. L'effet est tout de même très étrange, car le livre était ancré dans le réel (à un moment, une note en bas de page précisait : "Texte établi d'après le sténogramme de la déposition de Mme Foltýnová").

« L'Art offre la possibilité de la vertu la plus noble comme de la bassesse et du vice les plus infâmes. »
Au travers de ce court roman, on ressent combien Karel Čapek est attaché aux belles valeurs humaines que sont la vertu, la sincérité, la droiture, et l'honnêteté !
En même temps, Čapek semble porter un regard humaniste indulgent, qui relativise les fautes et les écarts des êtres ! Les êtres pour lui sont tellement pétris de complexités, et il a tellement d'empathie pour ses personnages, qu'il semble nous dire qu'après tout on pourrait leur pardonner leurs égarements, et admettre qu'en tout être il y a certainement en définitive quelque chose de positif à retenir.

Un beau roman court de grande qualité d'écriture, que je recommande. 4/5.
Commenter  J’apprécie          1810
Dernier livre écrit par l'écrivain tchèque ,Karel Capek,inachevé et publié à titre posthume en 1939.
Capek dans ce petit livre trace avec un humour noir,non dénué d'humanisme,le portrait d'un musicien raté,Foltyn,à travers le témoignage d'une dizaine de familiers et relations.C'est un homme qui aime la musique d'un amour fatidique et est littéralement possédé du désir de composer un opéra.Mais bien qu'ayant une mémoire musicale extraordinaire ,il manque d'inspiration et d'un véritable talent créateur.Issu d'un milieu modeste,il épousera une riche héritière et profitera de ses revenus pour pouvoir arriver à ses fins.Mais étant totalement coupé de la réalité vraie avec laquelle il a coupé tout lien moral,le résultat sera décevant.
Un livre interessant aussi bien du point de vue de la narration que de l'analyse des faits et personnages et j'ai particulièrement apprécié sur la fin ,une profession de foi sur l'Art:"Il était visiblement de ces artistes pour qui l'art n'est qu'une forme d'auto-expression et d'auto-accomplissement,une manifestation effrénée du moi.Je n'ai jamais pu admettre cette conception et je ne puis cacher que tout élément individuel constitue plutôt ,selon moi,une profanation de l'expression artistique.Ce qui est en moi,ma substance humaine ,ma personnalité,moi-meme-tout cela n'est qu'une matière,nullement une forme.Et si je suis un artiste,je ne suis pas là pour multiplier la matière,mais pour imposer à la matière une forme et un ordre....". Très belle Lecture!
Commenter  J’apprécie          200
Un grand roman inachevé de Karel Capek. Que dire pour ne pas trop dévoiler : il s'agit de la biographie d'une sorte de faussaire de la musique, qui se fait passer pour un grand compositeur et voudrait en être un, du point de vue de plusieurs personnages. Finira-t-il par composer quelque chose ? Persistera-t-il dans l'imposture, sera-t-il démasqué ? Je précise simplement que la version que j'aie lue n'est pas inachevée au point de ne pas avoir de dénouement.
Ce qui est fascinant, c'est d'une part le suspense, d'autre part les points de vue, parfois perspicaces parfois juste satiriques : qui devinera quoi et qui raconte n'importe quoi ?
Commenter  J’apprécie          130
LA VIE ET L'OeUVRE DU COMPOSITEUR FOLTYN de KAREL ČAPEK
Écrivain tchèque né en 1890 un peu oublié, Čapek fait dans ce livre la narration de la vie de Foltyn à travers des témoignages de gens qui l'ont connu. Beaucoup d'humour et de finesse dans ce livre magnifique, une belle découverte pour moi.
Commenter  J’apprécie          30

Citations et extraits (3) Ajouter une citation
-Pouvez-vous me pardonner ? murmurait humblement Béda.
Je lui serrais la main sans mot dire. Gros bêta ! C'est formidable que tu aies déjà tant d’expérience ! Si les autres savaient, elles en feraient une tête ! Tu en es sûre, Jitka ? Et comment était-elle cette Simonka ? Et moi je leur répondrais qu'elle avait vingt ans et qu'elle était belle comme la madone de Torricelli. Non, de Botticelli, parce que Torricelli ce sont les tubes. Une beauté mystérieuse et pâle. En ce temps-là, on adorait le mystère, le morbide et tout le tremblement. Les jeunes filles d’aujourd’hui sont différentes, saines et prosaïques comme des betteraves ; ça vaut mieux pour les mères.

(Chapitre II Madame Jitka Hudcova)
Commenter  J’apprécie          270
C'est inouï comme on arrive facilement à fabriquer des grandes pensées avec de grands mots.Certaines gens n'auraient plus rien à dire si on simplifiait leur vocabulaire.Quand j'entends ou quand je lis toutes ces éculubrations sur la cristallisation spirituelle,la présubstantiation formelle,la synthèse créatrice ou je ne sais quoi,ça me rend malade.p.35
Commenter  J’apprécie          230
J'ai toujours aimé la musique; je sentais en elle la même grandeur et la même pureté architecturales que dans les nombres, bien qu'il s'y mêle parfois quelque chose d'odieusement et épidermiquement humain. C'est pourquoi je détestais littéralement ce Foltyn et ses phrases ronflantes sur la musique, manifestation de l'élan vital. Je ne sais où il avait trouvé la théorie selon laquelle tout l'art dérive de la pulsion érotique primitive et relève de l'activité sexuelle. L'artiste est possédé par l'éros, affirmait-il, il n'a d'autres moyen d'exprimer et d'épuiser cette frénésie que la création, le plaisir et la douleur de la création.
Commenter  J’apprécie          50

Video de Karel Capek (1) Voir plusAjouter une vidéo
autres livres classés : littérature tchèqueVoir plus


Lecteurs (24) Voir plus



Quiz Voir plus

Comics : Les héros de Marvel

Elle peut se dématérialiser, et ainsi traverser les objets solides, les murs, les plafonds ... Il s'agit bien sûr de ...

Kate Winslet
Kitty Pryde
Hello Kitty
Katy Perry

10 questions
243 lecteurs ont répondu
Thèmes : comics , super-hérosCréer un quiz sur ce livre

{* *}