Un thriller psychologique jubilatoire, intense et génial !!!
A la retraite, les couples qui ont des enfants, n'attendent souvent qu'une chose : que leurs enfants leur rendent visite. de temps à autre.
Après une petite absence, 6 mois tout de même, quelle ne fut pas la surprise et la joie chez Jacques et Nicole, un couple de retraités de Chamonix, d'apprendre que leur fils, unique, vient leur rendre visite et pour présenter également sa petite amie.
Le jour J, tout ne se passera pas comme prévu.
Le début des ennuis commence et ce qui ne devait n'être qu'une formalité et une jolie petite réunion de famille va vite tourner au cauchemar ...
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A la seule évocation du titre du livre au nom imprononçable, je me demandais bien sa signification. Un lieu ? Un nom propre ? le nom d'une plante ?
Rapidement, vous aurez l'explication, ce sera l'un des fils conducteurs de la trame d'un livre qui m'a bluffé de bout en bout.
La plume de l'auteure est d'abord incisive, elle n'a pas son pareil pour disséquer, déflorer, découvrir l'envers du décor ou les dessous du vernis d'une famille au bord de la crise de nerf.
Avant la rencontre capitale qui va réunir les quatre personnages principaux du livre, l'histoire nous fait rencontrer les deux retraités, vivant un quotidien somme toute paisible, fait toutefois de disputes incessantes, de remontrances, on dit parfois que ce genre d'échanges permet de crever l'abcès, d'apprendre à se connaître encore mieux s'il le fallait, même au début d'une vie de retraité, à l'heure où l'on aspire, enfin à une certaine tranquillité après une vie de labeur pour payer qui les traites d'une maison à Chamonix, qui les études de leur fils, mais vous allez vite déchanter devant le déferlement des aimables banalités échangées entre les deux protagonistes. Une atmosphère déjà pesante, une morosité ambiante, tension mortifère de tous les instants ...
Les scènes de ménage se multiplient, pour un oui ou pour un non, les verbes et les phrases assassines fusent, l'impression d'assister à des scènes de joutes verbales hautes en couleur, sans temps mort, la moindre réflexion prête à réaction impulsive, les nerfs à fleur de peau, l'effet débridé et funeste de la vieillesse à sa plus mauvaise définition, la débandade, le déclin d'un couple qui s'invective à ce point, c'est écrit de manière réaliste, la narration à la première personne de Jacques (et qui s'avère le principal interlocuteur de l'histoire et vous comprendez tout, à la fin) donne le change pour une immersion totale, l'impression d'être parti intégrante du décor, comme un témoin assisté.
Si vous regardez bien la couverture du livre, il est indiqué "La comédie de l'été", effectivement, dans cette première partie, le style de l'auteure est à la fois corrosif, mordant, grinçant, on en prend plein les oreilles, çà siffle de partout et comme qui dirait, c'est pas "joli, joli" pour gronder un gamin suite à une bêtise, la grossièreté et la vulgarité ne sont pas mis au placard, c'est même l'essence et l'énergie qui donnent toute cette verve, cette divine comédie humaine. Plus que de raison, je me suis à la fois senti sourire (jaune) mais une certaine forme de malaise car je me demandais, après toutes ces années de vie commune, en tant que couple uni pour le meilleur et pour le pire, comment on peut en arriver là, qu'est-ce qui pousse deux personnes qui ont échangé leurs voeux sacrés du mariage en arrivent à ce point à tirer à boulets rouges, des phrases vipérines à foison, qui tient les rênes de la maison, qui tirent les cordons de la bourse, vous serez en équilibre instable, au bord du précipice, le drame n'est pas loin.
Certes, c'est un thriller psychologique, parfois, il n'est pas nécessaire de faire couler le sang, de faire éclater des corps et des membres pour donner l'attribut de thriller à un roman, dans
Jinjinaji, l'auteure fait preuve d'une écriture qui suffit à insuffler une situation explosive, désespérée, des protagonistes au bord du précipice, je me suis demandé si l'un ou l'autre n'allait pas finir par craquer, tôt ou tard ...
Jusqu'au deuxième acte et l'arrivée miraculeuse, après 6 mois d'une longue attente, un des motifs de disputes entre Jacques et Nicole, cette longue agonie dans l'espoir de voir enfin leur fils se manifester.
Inévitablement, je n'ai pas pu m'empêcher de me poser une question, quelle tristesse et cruelle désillusion si ce couple de retraités n'avaient pas eu d'enfant(s).
Bref, vient le jour de la renaissance, l'espoir refait surface dans l'optique, l'horizon et l'avenir des jours un plus heureux joyeux chez Jacques et Nicole.
L'arrivée de l'enfant divin, le fils unique, Julien, va ranimer la flamme déjà passablement bien amochée chez ses parents.
Mais une surprise de taille les attend avec la petite amie de Julien.
L'histoire prendra alors une tournure encore plus folle, plus délirante, des situations cocasses, des fulgurances inattendues, une radiographie complète ce qui peut rassembler, désunir, retrouver, séparer, un yoyo permanent de passer du rire aux larmes et réciproquement, vous n'avez pas finir de vous sentir encore plus dans la confidence, dans une intimité encore rapprochée, toujours une ambiance délétère, de plus en plus étouffante, les non-dits et les silences prolongées prennent une place de plus en plus prégnantes, des arrangements, des complots, des trahisons, des mensonges, des vérités qui vous déboussolent, vous désorientent, un brillant exercice de style de la part de l'auteure qui prouve qu'il est possible de donner au thriller psychologique toute l'ampleur et le suspense qui sied au genre. Et sans effusion de sang, de viscères et autres.
Les chapitres sont intenses, ce parti pris en la personne de Jacques prend un relief particulier car il est à la fois victime, coupable, innocent, bourreau, manipulateur, ce qui donne une certaine complexité à comprendre ce personnage.
C'est une lecture jouissive, troublante mais tellement enrichissante, un paradoxe, je me suis imprégné de chaque action, pensée, parole prononcées par les uns et les autres.
On se plaît à prendre position pour l'un mais le chapitre d'après, vous pourriez très bien vous trahir et prendre plutôt la défense d'un autre personnage.
Souvent, les protagonistes se regardent en chien de faïence, se jaugent, se lancent des piques qui seront vite remplacées par d'autres altermoiements, désagrègements qui amèneront des attitudes de plus en plus tendues, nerveuses, passant d'une certaine accalmie ou meilleur sentiment à des échanges haineux, menaçants, qui aura le dernier mot ?
J'ai été subjugué, littéralement soufflé par le talent de l'auteure à nous emmener très loin dans les élucubrations d'un couple puis la nouvelle donne ne va qu'intensifier la trame, la rendre plausible au possible, qui n'a pas déjà ressenti ou entendu chez certains couples cette jalousie maladive, une forme de possessivité, les classiques querelles qui animent des familles depuis la nuit des temps, les tentatives de désarmorçer des situations vouées à l'échec d'une solution pacifique, à lire ces derniers mots, on se croirait viscéralement dans un roman de guerre et pourtant, ici, tout se passe dans un modeste foyer domestique, comme en huis-clos, en milieu restreint.
L'impression qui m'a souvent effleuré l'esprit pendant la lecture, des personnages évoluant dans une pièce de théâtre avec un décor minimaliste et improvisant totalement leur jeu, en ayant juste l'usage des mots comme arme de persuasion, pour faire valoir leur personnage, les faire évoluer, les faire se transcender. Comme une chorégraphie et un spectacle savamment orchestrée de main de maître par l'auteure, Katia del Ferra. Chapeau l'artiste !
A un moment, Jacques est isolé dans une pièce, il est en pleine introspection, le lecteur suit alors son raisonnement, son cheminement intérieur, sa position, son indécision, son anxiété, son angoisse, ses sentiments qui l'animent à ce moment précis, les 3 autres personnages, comme un hors-champ au cinéma l'interpellent, Jacques se déplace alors pour les rejoindre ...
C'est dire si l'écriture de ce roman est réussie, addictive, immersive.
Comme dans tout thriller digne ce nom, des surprises vont émailler le récit, des vérités vont éclater à la face de tous les personnages qui n'en sortiront pas indemne, le choc des révélations, le fossé des générations, la danse du diable, la perfidie des uns et des autres, c'est totalement hilarant, enlevé, loufoque par instant comme transgressif, violent dans ses propos et sa logique implacable, un roman impitoyable.
J'aime lire des romans où l'humour noir ou pas est dosé subtilement, sans prendre trop le pas sur la réalité des faits et gestes des personnages principaux, un exercice délicat et d'une grande profondeur dans l'humanité et émotionnelle de ses acteurs, l'auteure évite tous les poncifs du genre qui auraient pu tourner à une certaine lourdeur, à une lecture fastidieuse et somme toute ennuyeuse.
Katia del Ferra troque sa plume pour mieux manier les mots avec qui le bistouri qui le scalpel pour faire jaillir, modeler, déformer, fouetter, émouvoir, blesser, caresser, rendre palpable la noirceur qui couve tous les personnages dans leur plus simple apparat, leur vice, leur répertoire d'insanités et d'inhumanité, leur faiblesse.
Jusqu'à la fin choc(inutile de vous demander de bien vouloir commencer par le début, c'est le crédo ou leitmotiv de tout lecteur de thriller, n'est-ce pas ?), sous peine de passer complètement à travers de cette histoire subversive à souhait et d'un grand talent d'auteure, dans la gestion de son temps, de la peinture au vitriol d'une famille qui a tout à gagner ou ... à perdre, une mise en abîme irréversible, l'indéfendable, les comportements pernicieux de certains, la déliquescence d'un foyer bien sous tout rapport et sous son meilleur jour. La vérité est ailleurs ...
J'ai découvert une auteure,
Kate del Ferra, un premier roman qui m'a littéralement fait passer du rire, de l'humour noir et mordant à des scènes dures, psychologiquement parlant, d'une viscosité parfois insoutenable par la teneur et le comportement de certains personnages, une forme de comédie douce-amère mais vous découvrirez que c'est un doux euphémisme pour définir cette histoire à cette simple étiquette.
Je rajouterai juste que c'est un livre qui peut s'adresser à tout le monde, bien que la nature des personnages soit unique, un peu de Jacques par-ci, un zeste de Nicole par là, un brin de Julien, on se reconnaît peu ou prou, on a plus ou moins des affinités avec eux et qui appelle dans une certaine mesure, à donner
et à faire ressentir une forme d'empathie, de compréhension à défaut de les cautionner dans l'absolu.
Cela s'appelle (oui je vais y arriver finalement, à force de le répéter, çà finit bien par rentrer ou à sortir des lèvres)
Jinjinaji de Kate del Ferra, un premier roman réussi, exigeant, transgressif, définitivement pour moi un coup de coeur.
C'est édité aux Editions de la JOIE.
Vous comprendrez le choix de la couverture, une forêt, comme un effet renversant ou un miroir inversé, comme une image et son double à l'envers, à l'instar de ses personnages, dans les toutes dernières lignes du roman.
Effets de sensation et d'effroi garantis.