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Patrick Honnoré (Traducteur)Yukari Maeda (Traducteur)
EAN : 9782809716139
320 pages
Editions Philippe Picquier (03/03/2023)
4.15/5   24 notes
Résumé :
C'est un roman au souffle puissant, une histoire de chair et de sang, de vie et de mort, où l'endurance des humains et la vigueur des chevaux leur permet seules de résister au froid et au vent glacé qui souffle continuellement du large.

Hokkaidô. C'est sur une terre du bout du monde, bordée par le Pacifique nord, que Sutezô a planté ses racines, une terre rude, impitoyable et belle. Sutezô, l'enfant d'une humaine et d'un cheval, car sa mère le portait... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Voilà un livre dont la beauté va continuer à souffler longtemps dans ma mémoire, nettoyant tout ce qui stagne en moi telles les images sombres de certains livres à suspens, aiguisant mes envies de lectures nippones empreintes, de la sorte, de douceur et de subtilité…Ce livre m'a touchée en plein coeur, piétinant au passage mes craintes d'une littérature japonaise féminine parfois trop sucrée…Ici l'équilibre entre douceur et profondeur est parfait.

Nous suivons une famille japonaise sur plusieurs générations, toute la lignée étant traversée par quelques questions sous-jacentes : Comment se transmet la mémoire à travers les générations, une peur ou une expérience intense peut-elle s'imprimer au niveau des gènes et donc se transmettre à la génération suivante ?
Cette mémoire dans ce livre est constituée des relations entre l'homme et les chevaux, la famille, dont nous suivons l'histoire, devant son existence et sa perpétuation aux chevaux.

Tout démarre comme dans un conte de facture classique. Une jeune fille de bonne famille tombe éperdument amoureuse d'un homme de basse classe sociale, union totalement désapprouvée par son père, chef du village, qui a prévu un tout autre prétendant à sa fille, même si le jeune homme a un don particulier pour élever les chevaux. Lorsqu'elle comprend qu'elle est enceinte, le couple décide de fuir pour ne pas affronter le courroux et l'opprobre paternel. le fiancé emporte avec lui son magnifique étalon, Ao, le seul qu'il possède, dont il s'est occupé avec beaucoup de soin. Après moult péripéties captivantes, ce cheval va sauver cette jeune femme, va faire don de soi d'une bien étrange et terrible manière.
Nous découvrons ensuite son fils désormais adulte, Sutezô. Considéré comme un enfant illégitime dans son village avec ce père absent non marié à sa mère, source incessante des quolibets, il décide de tenter sa chance à Hokkaido, l'île la plus septentrionale du Japon, la dernière à avoir été conquise, avec son cheval, espérant y trouver une terre vierge fertile et démarrer une nouvelle vie. Il quitte ainsi sa mère, considérée comme folle et recluse dans la maison familiale dans une pièce éloignée. En chemin, il ouvre la lettre qu'elle lui a néanmoins écrite avant de partir. Et là, c'est la stupéfaction, le jeune homme découvre toute l'histoire étrange entourant sa naissance, et ce qu'il doit à ce cheval et à ses descendants. Sa dette est immense et il se promet, toute sa vie, d'honorer la mémoire de cet ancêtre équidé sans lequel il ne serait pas là. Telle est la première partie de ce livre, une partie haletante et magnifique, très épique. Ce qui arrive à la femme enceinte, sauvée par le cheval, m'a profondément marquée.

Dans la seconde partie, plusieurs dizaines d'années ont passé et Sutezô est un grand-père toujours très actif. Il vit toujours sur l'île de Hokkaido à élever des chevaux. Cette partie montre comment il a su transmettre son amour et son habileté à élever des chevaux à sa petite-fille, Kazuko, qui est prête à prendre la relève en tant qu'éleveuse. Autoritaire, ferme, il a su honorer sa promesse sans jamais faillir. le sens du devoir et du travail est un élément important du récit qui infuse dans les pensées même de l'enfant comme étant quelque chose allant de soi.
J'ai particulièrement aimé cette seconde phase du récit dans laquelle nous découvrons la faune et la flore de l'île, ses couleurs, ses odeurs, et surtout son vent glacé chargé d'embruns, rempli de cristaux de sel que les vagues gigantesques envoient en gerbes écumeuses lorsqu'elles déchirent les falaises. C'est une nature hostile, âpre, seuls les courageux ont pu y rester, ceux précisément qui se donnent dans leurs tâches et leur mission. Et parfois elle reprend très vite ce qu'elle a donné sans que l'homme ne puisse rien faire, scellant ainsi les destins, dont celui de la famille de Sutezô.

« La mer reflétait les nuages denses et elle était grise comme eux. Sans être particulièrement fort, le vent soufflait continuellement du large. Comme pour compléter le tableau, l'écume courait sur la crête des vagues avant de s'échouer sur la plage, sans nullement s'effacer ».

Dans la troisième partie c'est la voix de la petite-fille de Kazuko, la jeune éleveuse, que nous suivons. Elle se prénomme Hikari. Elle habite loin de Hokkaido désormais avec sa mère et sa grand-mère (Kazuko), et n'a plus aucun lien avec le milieu équestre. Alors que cette dernière vient de subir une attaque cérébrale, à son retour du coma, elle évoque inlassablement ses chevaux comme si sa mémoire ne cessait de revenir à ses jeunes années passées sur l'île de Hokkaido. Hikari va tenter de l'aider en mettant un terme à un chapitre du passé qui était resté en suspens. Elle va ainsi revenir sur les lieux d'enfance de sa grand-mère.

« C'était plus que de l'amour. C'était un lien beaucoup plus fort, indissoluble, réellement fait de chair et de sang. Comment l'appeler autrement que les liens du karma ? le grand-père avait une appréhension concrète, physique, de l'autorité absolue de ce lien et de sa présence constitutive dans les racines de la famille. Et sa petite-fille avait pour devoir d'hériter de cette vision des choses ».


Ce livre est beau, tout simplement beau, tant par la nature évoquée avec sensorialité, que par les liens avec les chevaux relatés, liens à la fois sauvages et domestiqués, ainsi que leur histoire au sein du Japon (notamment la façon dont la race autochtone a survécu malgré la volonté du gouvernement d'éradiquer cette race trop petite). Hommage est rendu à leur intelligence, leur force, leur beauté.

Ce livre est beau aussi par les multiples thèmes qu'il permet d'appréhender. Les questions sur la mémoire trans-générationnelle prennent ainsi tout leur sens car nous le comprenons bien à la lecture de ce livre, toutes les générations sont marquées plus ou moins consciemment par la tragédie vécue par l'ancêtre, enceinte, avec son cheval qui a fait don de soi pour que la maman et le bébé restent vivants. du début du 20ème siècle à aujourd'hui, tous les descendants portent en eux, en filigrane, cette histoire, rejaillissant à la moindre occasion. Tous ont en eux cette dette énorme envers les chevaux.
Le respect, l'amour profond pour les anciens éclot par ailleurs avec générosité et pudeur, comme nous pouvions par exemple le percevoir dans L'été de la sorcière de Kaho Nashiki, c'est quelque chose qui me touche beaucoup dans la littérature japonaise.

Ce livre est beau enfin grâce à l'écriture d'Akiko Kawasaki, puissante, subtile, fine, élégante. Sans fioriture, ni mièvrerie, elle possède à la fois un véritable don de conteuse et une façon poétique de décrire la nature totalement immersive. J'étais sur cette île, j'ai senti le vent fouetter mon visage, senti les embruns poisser mes joues, j'ai senti à plein nez l'arôme de verdure des gléhnies des plages, et j'ai terminé ma lecture les yeux humides, les cheveux un peu en bataille, quelques crins caressant mon âme et le coeur étonnamment léger.

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Des chevaux et du vent est un roman qui a bouleversé mes sens et mon coeur.
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Dans ce roman divisé en trois grandes parties, nous suivons une famille japonaise sur plusieurs générations. Tout commence avec Sutezô qui part tenter sa chance à Hokkaido avec son cheval, espérant pouvoir y trouver une terre fertile et des gens accueillants. Sur le chemin, il ouvre une lettre que sa mère biologique lui a écrite, lui livrant ainsi toute l'histoire entourant sa naissance, son abandon. de cette lettre, jaillit la conviction que sa naissance, sa vie est liée à un cheval en particulier et à ses descendants, dont la jument à ses côtés fait partie. Il n'aura alors qu'un seul but dans sa vie : honorer la mémoire de cet ancêtre cheval et la dette qu'il a envers lui. Nous le retrouvons plusieurs dizaines d'années plus tard établi à Hokkaido, éleveur de chevaux et entouré de sa famille. Cette partie met en avant son travail et sa petite-fille, qui prendra sans doute sa relève. Puis encore plusieurs dizaines plus tard, nous faisons la connaissance de son arrière arrière petite-fille qui tente d'aider sa grand-mère à aller mieux en clôturant un chapitre de son passé.
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Ce roman est d'une puissance incroyable. Les descriptions des paysages d'Hokkaido sont magnifiques, les personnages sont bien développés et on les aime tout de suite. On est fasciné et horrifié par cette nature inhospitalière. Cette terre inaccueillante, rude et froide, où rien n'appartient à l'homme, toute possession est provisoire et peut être reprise du jour au lendemain. Tous nos sens sont en éveil. le sel sur nos lèvres, nos joues rougies par le froid, le vent glacial qui nous bouscule. C'est un très beau récit sur la nature, sur les plus belles relations qu'ils puissent exister entre un animal et un être humain, une compréhension mutuelle, un attachement paisible, un respect inébranlable. C'est un roman sur la force de la nature, sur la force de l'homme face aux défis que lui lance la vie.
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Un roman magnifique.
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J'ai trouvé ce roman sublime. En trois parties, toutes plus belles les unes que les autres, nous suivons plusieurs générations d'une famille qui chacune a un lien particulier à l'île de Hokkaido et aux chevaux qui y vivent.

J'ai immédiatement aimé tous les personnages, humains et chevaux. Leurs portraits sont très vivants et, en quelques phrases, donnent l'impression de les connaitre intimement. L'écriture est simple, belle et directe. Elle prend le lecteur par la main pour lui permettre de ressentir toutes les émotions et les sensations de cette histoire. Car, à Hokkaido, la nature est intense : j'ai senti le vent, la mer, le sel, le froid, les petites herbes, le crin et l'odeur des chevaux.

Ce roman, doux et violent à la fois, aborde à travers les six générations de cette famille plein de sujets : la volonté de vivre, la transmission, la mémoire, le respect et l'interdépendance de tous les êtres vivants… Il développe des liens forts entre humains, avec les chevaux et la nature, faits de respect, de reconnaissance et de liberté. Il est question de choses essentielles, de l'envie de vivre malgré l'incertitude, de cette détermination simple, sans violence et sans brutalité. Sans aucune sensiblerie, c'est un livre qui fait du bien au coeur, qui renforce, réconcilie et apaise.

En plus d'être une bouleversante saga familiale, ce livre est un magnifique hommage à Hokkaido, aux hommes qui l'habitent, à sa nature, à la force paisible et à l'intelligence de ses chevaux.
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À travers plusieurs générations d'une famille d'éleveurs de chevaux sur l'île d'Hokkaido, Akiko Kawasaki livre une épopée sauvage sur les relations entre les hommes et les animaux.

En tournant les pages, on sentirait presque le souffle puissant du vent glacé rempli de sel. On est littéralement transporté sur cette terre inhospitalière, on ressent cette nature sauvage de la région d'Hokkaido, l'île la plus septentrionale du Japon, celle qui a été la dernière à être « colonisée ». La pluie qui s'abat en murs glacés. Les vagues gigantesques qui déchirent les falaises. L'âpreté du climat qui a repoussé les premiers pionniers. Ceux qui ont eu le courage et la force de s'y établir sont des hommes d'une autre trempe. Soit ils ont tout perdu, soit ils n'ont plus rien à perdre.
Sutezô fait partie des deux catégories. Il a seulement 18 ans, mais aucun avenir dans son village où il est considéré comme un bâtard. Rangé dans cette case, il sera toujours en bas de l'échelle. Son exil est sa seule option pour avoir une autre vie. Hanté par la légende de sa mère, celle qui a déshonoré sa famille et survécu un hiver dans une congère avec son cheval. L'histoire de cette femme fait partie de la légende, un horrible récit de survie, une relation cruelle et impensable entre la femme, enceinte et agonisante et son cheval.
Les destins de Sutezô et de ses descendants seront, à partir de cette histoire, toujours étrangement liés aux chevaux, comme une dette qu'ils devront payer, un jour.
Du début du XXe siècle à notre époque, les vies de Sutezô, sa petite-fille Kazuko puis Hikari la petite-fille de celle-ci vont parler d'honneur, de liberté, de convictions et d'amour. Tous ces thèmes sont relevés par les descriptions d'une nature omniprésente comme un personnage à part entière. La littérature japonaise a cette délicatesse de donner des leçons sans le montrer. Des chevaux et du vent prouve que les hommes sont bien peu de chose face aux éléments.

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Si vous me suivez depuis quelques temps, vous avez sans doute compris que je suis très sensible à la littérature japonaise, en particulier parce qu'elle est imprévisible et renferme une forme de sauvagerie. Et le puissant "Des chevaux et du vent" correspond parfaitement à cette description. le respect de l'autrice pour la vie sauvage et pour l'impénétrable pouvoir de la nature transparaît à chaque page avec une grande sobriété.

Organisé autour de trois personnages, le récit nous précipite tout d'abord à la rencontre de Sutezô, jeune homme qui quitte son village natal pour rejoindre les courageux qui tentent de peupler l'île d'Hokkaido, et de sa mère, Miné. Enceinte de Sutezô, elle s'était retrouvée prisonnière d'une congère dans laquelle elle a miraculeusement survécu plusieurs semaines en mangeant ses ongles puis le cadavre du cheval, Ao, qui y était enfermé avec elle et qu'elle avait maintenu en vie en le nourrissant de sa propre crinière, puis de ses cheveux à elle, et enfin de son sang.

J'ai été très touchée par la beauté de l'écriture poétique de ce roman qui donne vie aux générations presque mi-humaines mi-animales qui descendent de Miné. En faisant apparaître un "nous" dans le tout dernier paragraphe du livre, Kawasaki Akiko apporte une touche finale grandiose à ce texte qui nous invite à vivre au rythme de la course du vent !

Lien : https://www.instagram.com/p/..
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critiques presse (1)
Culturebox
17 avril 2023
La jeune écrivaine japonaise Akiko Kawasaki nous emmène sur une île inhospitalière dans une famille d’éleveurs de chevaux. Une saga puissante avec, en toile de fond, le combat éternel entre l’humain et la nature.
Lire la critique sur le site : Culturebox
Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Le vent, porteur de senteurs de feuilles vertes à peine ouvertes, traversait la prairie. Les jeunes pousses d'herbe se faufilaient entre les pieds desséchés de l'an passé, que la fonte des neiges avait laissés à découvert, et frémissaient en dessinant des motifs d'ondulations dans la prairie selon l'intensité du vent. A peu de distance de là, le bruit de la mer résonnait sur le rivage.
Kazuko s'étirait de tout son corps pour recevoir la brise printanière qui faisait vibrer la terre et la mer à l'unisson.
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Les pleurs se répandaient sur la neige. En sanglots incontrôlables, mêlés aux reniflements, souffles blancs dans l'air glacé.
(Incipit)
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A s'angoisser tout seul aucune réponse n'apparaît jamais.
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Mon père s'est sacrifié pour que ma mère prenne la fuite. Ma mère a survécu pour me mettre au monde en allant jusqu'à manger son cheval bien-aimé. Et le cheval a donné sa chair et son sang pour la mère et l'enfant. C'est le sang de ces trois êtres qui me fait mettre un pied devant l'autre aujourd'hui.
Ses larmes se sont arrêtées. Il a serré les poings, il a serré les dents, et il a regardé le chemin qu'il devait suivre à présent. Mon destin est dans le Nord. Ce qui m'attend est un avenir de douleur. Que ma chair soit arrachée, que mes os se congèlent, ce cheval et moi, nous resterons debout. Mon père a permis à ma mère de vivre et ma mère a tenu bon. (p. 80-81)
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Une phrase que sa grand-mère répète souvent. Ce n'est pas à la portée des humains. La terre, la mer, le vent ne se plie pas aux volontés humaines. Les prières ne peuvent rien et le temps vous trahit sans pitié.
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