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sur 161 notes
Les mots de Claire Keegan nous transportent principalement en terre irlandaise. Ses récits mettent en scène des personnages solitaires,aux prises avec leur condition, ce qui les contraints à accepter des compromis douloureux.Chaque nouvelle porte ainsi des non- dits,des secrets,qui empoisonnent leur existence. Leur destinée les rattrape inexorablement...

Les rêves sont souvent prémonitoires, les superstitions et les préjugés tenaces.Des tranches de vie âpres où les femme n'ont pas le beau rôle mais s'en tirent mieux que les hommes,empêtrés dans leurs contradictions, incapables de choisir,enchaînés à leurs terres,se raccrochant à leurs pauvres pensées pour continuer leur chemin austère et sans amour.

Rudes comme le vent,les tourbières frissonnantes,tourmentés comme les nuages annonciateurs de tempête, comme les longues soirées d'hiver qui font resurgir le passé que l'on croyait oublié. Ensorcelant.
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« À travers les champs bleus » est un recueil de huit nouvelles de l'une des voix de la jeune génération des écrivains irlandais, Claire Keegan.

Profondément ancrées dans une Irlande rurale, qui semble appartenir à des temps anciens, les nouvelles du recueil ont un goût doux-amer, une couleur claire-obscure. Elles s'attardent sur le point de bascule du destin de leurs personnages, aux prises avec leurs démons intérieurs.

« Elle a jeté un coup d'oeil à la ronde et, ne voyant personne, s'est dévêtue et avancée maladroitement sur les pierres rugueuses, mouillées, au bord de l'eau. Celle-ci était beaucoup plus chaude qu'elle l'avait imaginé. Elle a pataugé, puis la profondeur a augmenté brusquement et elle a senti le frisson visqueux des algues contre ses cuisses. Quand l'eau est arrivée à hauteur de ses côtes, elle a pris une grande inspiration, roulé sur le dos et nagé loin vers le large. Ceci, s'est-elle dit, était ce qu'elle devait faire de sa vie, à ce moment précis. »

Un peu perdus, étrangers à ce monde, les protagonistes de Claire Keegan se mesurent à une nature sauvage, silencieuse, omniprésente, qui évoque un écrin à la beauté douloureuse, serti des embruns marins de la côte irlandaise.

L'héroïne de la première nouvelle, « La mort lente et douloureuse », qui n'hésite pas à se baigner, nue, dans un océan inhospitalier, vient de commencer un séjour dans l'ancienne demeure d'Heinrich Böll, reconvertie en « maison d'écriture ». On la devine forte et fragile à la fois, en pleine conscience de la nature indomptée qui l'entoure.

« Le ciel était nuageux mais prometteur, zébré de bleu. Là-bas dans l'océan, un ruban d'eau a formé une crête transparente et s'est brisé sur la plage ».

L'écrivaine semble se trouver à un carrefour de son existence, celui où une jeunesse insouciante laisse imperceptiblement la place à l'âge de la maturité. Un professeur allemand vient perturber le début de son séjour en demandant à visiter la maison de son compatriote écrivain. La femme accepte, remet son projet d'écriture au lendemain et prépare même un gâteau au chocolat à l'intention du visiteur. Malgré un air avenant, ce dernier ne tarde pas à se montrer odieux, au point que notre héroïne au caractère bien trempé, décide de le congédier sans ménagement.

Comme dans les autres nouvelles de Claire Keegan, tout est suggéré, évoqué de manière implicite, un voile semble recouvrir avec une pudeur infinie le coeur de l'intrigue. le lecteur devine à demi-mot que la femme de l'importun, aujourd'hui décédée, elle-même auteure de talent, s'était vu refuser l'accès à la demeure d'Heinrich Böll. C'est ce refus qui motive l'acrimonie presque agressive de l'hôte de l'écrivaine, veuf encore aigri par le refus subi par sa défunte épouse. Après s'être débarrassé de son étrange visiteur du soir, l'écrivaine s'assoit à sa table d'écriture et écrit toute la nuit, une histoire où elle destine son héros à une mort lente et douloureuse.

Certaines des nouvelles du recueil sont plus amples, à l'instar de « La fille du forestier », qui nous narre la destinée d'une famille singulière. On y retrouve l'art du non-dit, la douceur parfois inquiétante de l'écriture de Claire Keegan, une nature omniprésente et l'importance des rêves prémonitoires troublant les protagonistes, qui pressentent confusément que leur vie est sur le point de basculer.

« Dans son sommeil, il rêve qu'il se tient sous les chênes. Dans le rêve, ce n'est pas l'automne, mais une belle journée d'été. Une bourrasque monte de la vallée. Elle est très violente et soudaine - d'où qu'elle vienne, cette rafale effraie Deegan et les chênes tressaillent. Des feuilles se mettent à tomber. Tout semble aller de travers, pourtant, lorsqu'il regarde le sol, Deegan voit des billets de vingt livres autour de ses pieds. Vers la fin du rêve, il est comme un enfant qui essaie, sans grand succès, de tous les attraper. »

Ce rêve du personnage principal de « La fille du forestier », un paysan dur au mal, père de trois enfants, illustre la simplicité déroutante de l'écriture de l'auteure, son caractère onirique, la place accordée à une nature indomptée, au souffle du vent, à la force de l'océan, et à la beauté des arbres.

À travers ce très beau recueil, l'auteure nous propose une voix singulière, une écriture à la fois simple et poétique, un art consommé de laisser au lecteur le plaisir de deviner ce qui n'a pas été sciemment formulé. L'omniprésence d'une nature parfois effrayante, la place accordée aux rêves de ses personnages, une maîtrise saisissante du non-dit, confèrent aux textes de Claire Keegan une forme d'étrangeté touchante ainsi qu'une beauté presque douloureuse.

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A travers les champs bleus, je me promène ainsi sous le regard bienveillant de la lune. Platitude de la terre, mais pas des sentiments, je ne vois dans mon panorama que tourbières et pubs, la beauté de l'Irlande. Une odeur saline pénètre mon âme fouettée ainsi par le vent et la pluie oblique. Il faut un feu de cheminée pour supporter l'humidité – l'intimité - de cette chaumière, un feu de tourbes, une odeur de chèvre. La campagne irlandaise, quoi ! Une terre brûlée au vent des landes de pierres, un whiskey tourbé.

Au pub, on me sert une bière brune, presque noire. Avec une mousse qui tient ainsi au sommet du verre, un long col blanc, comme une collerette de curé au sommet de sa robe noire. Car même dans un pub, même devant une pinte, la religion ne s'absente pas. Elle est toujours présente dans l'esprit des hommes, et des femmes. Surtout. Et des femmes, j'en découvre d'un autre monde. Fortes, solitaires, rejetées, elles sont présentes tout au long de cette aventure froide et humide, verte et saline, les femmes d'Erin.

Des femmes dans la tourmente, des femmes dans la tempête, des femmes tristes, c'est beau la littérature irlandaise, ce qui me vaut d'écouter un disque de van Morrison, douceur, tout en me servant un verre de Connemara, douceur, l'eau pure des lacs, de la pluie et la tourbe, donnant ainsi un léger goût de fumé à mon verre, même si là-bas, le whiskey se prend chaud…
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Un recueil de nouvelles.

Et l'écriture de Claire Keegan, tout en légèreté, délicatesse, poésie.


La terre d'Irlande (sauf pour une qui se passe dans un autre pays), des senteurs de la tourbe qui brûle dans la cheminée, du thé qui infuse, de chiens mouillés par les pluies qui battent les paysages...
La nature comme un compagnon des vies, indissociable d'elles, reflet des affrontements de l'âme.

Les arbres s 'agitent sous le vent, les feuilles tourbillonnent, les bêtes appellent, la terre gorgée d'eau devient rivière.

Et le récit de vies, de l'intimité, de moments durant lesquels l'existence bifurque et prend un chemin sans espoir de pouvoir revenir sur les pas, sur les décisions privilégiées.


C'est un recueil qui parle de solitude, de regrets, d'amours compliquées, de choix déchirants, de désespoir et parfois d'incommunicabilité ou d'incompréhension entre les êtres.
C'est le récit des petites choses de la vie, des batailles quotidiennes, des erreurs toujours trop lourdes de conséquences.

La misère d'une certaine Irlande est présente, comme un dernier appel à la compassion des hommes, les yeux des enfants criant de la faim qui les habite, et le partage qu'il soit matériel ou celui des pensées, étant devenu un bien trop rare pour qu'elle soit si évidente et si facile à éprouver.

Et pourtant, ces moments d'existence recèlent tant d'émotions contenues, tant d'espoirs entretenus, tant de tentatives de communication avec le monde imaginaire , qu'ils construisent un recueil envoûtant, qui parle au coeur du lecteur. La différence peut être la clef d'une vie, l'importun devient sujet d'inspiration, le silence des autres peut être si terrible qu'il brise une vie...


De magnifiques textes tout en mélancolie pour oublier le temps présent et fouler la belle terre de cette Irlande de traditions et de légendes.

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Je suis toujours étonnée par la légèreté et la justesse des mots de Claire Keegan. Elle suggère mais n'impose rien, et c'est au lecteur de faire son opinion ou de continuer l'histoire.

Les nouvelles commencent par un décor champêtre, un peu comme dans un conte de fée avant que l'horreur arrive. Et c'est exactement ce que j'ai ressenti, j'étais dans les champs, je me sentais bien, je voyais les gens vivre dans leur ferme, occupés à leurs tâches quotidiennes et d'un mot, d'une ligne ce n'est plus le même décor, la même vision. Dans ces histoires les hommes ne sont pas très courageux, je les trouve même vils. Les femmes s'en sortent, en sacrifiant parfois des enfants ce qui n'est pas forcément mieux. Dans ces huis-clos ruraux il y a beaucoup de non-dits, c'est oppressant parfois, comme dans un mauvais rêve. Une certaine image de la famille, à travers les champs bleus, qui donne à réfléchir.
Lien : http://pyrouette.canalblog.c..
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Je ne vais beaucoup développer cet article, car j'ai parlé de Claire Keegan, de son style et de ses oeuvres lors de son interview il y a quelque temps.

Moi qui ne suis pas très habituée à lire des nouvelles – trop courtes, chute mal contrôlée, histoire amputée ? – je reste pourtant admirative face à la maîtrise de Claire Keegan au fil de ses textes. Les 8 récits qui composent ce recueil sont magnifiques, et nous emmènent temporairement suivre la vie de quelques personnages.

Un des thèmes communs me semble être pourtant le lien familial – filial, marital ou autre – très présent et souvent problématique (Claire Keegan m'avait répondu sur ce point en me disant que c'est ainsi qu'elle se représente la famille) : » .. mais il est très rare que deux personnes veuillent la même chose à un moment précis de l'existence. Quelquefois c'est l'aspect de plus dur de la condition humaine.«

Mais globalement, elles sont très différentes. Seules les dates d'écriture ont déterminé leur place dans ce recueil, je ne vais donc pas insister sur leurs liens mutuels.

De même, elles se passent – sauf une – en Irlande, pays qui reste sans arrêt présent, par petites touches : quelques mots de gaélique, un paysage, des traditions. En effet, la nature est présente, mais rarement d'une manière bucolique : il faut la dompter, la travailler. La précarité, la fragilité face aux contingences naturelles sont très fortes.

Comme toujours, il est difficile de déterminer leur époque, mais à cette question, l'auteur m'avait répondu que ça n'avait pas d'importance, seule l'histoire, la gestuelle des personnages, comptent. Cependant, ce sont des sociétés très traditionnelles, en particulier pour la place des femmes; et très paysannes. Dans les femmes, seule La Fille du Forestier sort de ce schéma traditionnel, et c'est ma nouvelle préférée. Les traditions, l'esprit de village, les superstitions sont encore très fortes, et sont souvent décisives pour les histoires individuelles.

Au-delà de ces histoires, j'ai retrouvé le style net, presque elliptique de Claire Keegan. Elle ne nous donne jamais les clés de ses oeuvres. Ses nouvelles sont extrêmement travaillées, mais le lecteur ne doit pas être passif non plus : c'est lui qui va compléter l'oeuvre, et décider de ce qu'il veut en faire. On peut trouver cela frustrant, mais à la limite je préfère ça que certains auteurs qui nous servent une philosophie toute faite, convenue, qui ne nous demande aucun effort de décryptage.

Je vous invite donc à découvrir cet auteur, et en particulier Les Trois Lumières (si vous êtes rébarbatifs aux nouvelles). C'est un court roman, dans la droite ligne des autres, mais d'une puissance et d'une richesse énormes.
Lien : https://missbouquinaix.wordp..
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J'avais adoré lire "Les trois lumières" de Claire Keegan, et j'avais donc hâte de retrouver cette auteure.

Ici, il s'agit d'un recueil de nouvelles dont les histoires sont ancrés sur les terres irlandaises. A la lecture de ce livre, j'ai eu l'agréable sensation de me retrouver un soir de veillée, assise près d'une cheminée pour écouter une conteuse.

Les relations familiales, amoureuses y sont abordés avec parfois soit une ambiance pesante ou soit un peu surréaliste où le monde des légendes n'est jamais bien loin.
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Difficile de résister au charme de Claire Keegan. Son roman Les trois lumières m'avait ébloui l'an passé. C'est donc avec une certaine impatience que j'attendais de la retrouver à l'occasion de cette rentrée littéraire avec un recueil de nouvelles intitulé A travers les champs bleus. Ses thèmes de prédilections sont toujours aussi présents. Il est donc question d'Irlande (sauf dans un texte se déroulant au Texas), de désir, de solitude, de monde rural et d'océan. Il y est aussi beaucoup question de renoncement, comme dans la nouvelle donnant son titre au recueil où un prêtre célébrant un mariage renonce à avouer son amour à la mariée. Renoncement encore dans La nuit des sorbiers, où un homme fruste voit partir femme et enfant sans chercher à les suivre. Renoncement également pour cette mère de famille mal mariée qui ne pourra se résoudre à quitter le foyer. Renoncement, une fois de plus, pour le frère d'une étudiante s'apprêtant à partir pour les Etats-Unis. Il dit lui aussi vouloir tourner le dos à la ferme et vivre autre chose mais au fond de lui, il sait qu'il n'en fera rien.

Dans ces nouvelles, les hommes sont des lâches, des salauds mal-dégrossis qui préfèreront toujours leurs terres à leur famille. Certains s'abîment dans le travail, d'autres s'abrutissent d'alcool. Beaucoup se perdent dans le désir de femmes qu'ils ne méritent pas. Ces dernières s'en tirent mieux. Elles ont du cran, sont déterminées et gardent un coté indomptable. Elles continuent de croire que tout reste possible malgré les écueils qui se dressent devant elles.

Je suis toujours aussi émerveillé par la prose de Claire Keegan. Elle sait retranscrire à merveille la pluie, le vent et les tourbières, la violence des liens archaïques qui unissent les êtres. Sa prose est simple, limpide, précise. Pas un poil de gras, pas un mot de trop.

Je sais bien que la nouvelle n'est pas un genre très prisé par chez nous. Mais si vous n'aviez qu'un seul recueil à lire cette année, je vous conseille de vous laisser tenter par cette étourdissante balade à travers les champs bleus.

Lien : http://litterature-a-blog.bl..
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J'ai bien aimé ce livre de nouvelles d'une autrice que je ne connaissais pas du tout. Ces nouvelles sont de tailles différentes mais témoignent toutes du talent de cette actrice pour créer en très peu de pages tout un univers et évoquer parfois une vie complète en quelques traits. Je ne les ai pas toutes adorées mais certaines sont très fortes, telles celle qui met en scène un prêtre et son ancienne amoureuse, ou cette autre qui évoque une écrivain en résidence dans la maison d'un grand écrivain allemand, ou enfin celle, étonnante et forte, qui a pour principal protagoniste un jeune étudiant à Harvard confronté à son véritable abruti de beau-père (guère d'autre mot pour l'évoquer).
Si l'autrice est irlandaise, ces nouvelles offrent toutefois une certaine diversité d'ambiances.
le style de Claire Keegan est sobre et puissant. Peu d'humour ici. On pencherait plutôt du côté de la joie de vivre de Tchekhov ou de Raymond Carver !
Je lirai volontiers d'autres livres de cette écrivaine, alors si vous avez des coups de coeur, je suis preneur !
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Petit recueil de nouvelles qui nous dévoilent avec beaucoup de finesse, les blessures, les amours impossibles et les relations aux choses et au monde de différents personnages.
Claire Keegan nous a habitué maintenant à son écriture fine, douce et tout en pudeur. Elle est vraiment plaisante à lire !
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