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EAN : 9782330030445
421 pages
Actes Sud (05/03/2014)
3.5/5   13 notes
Résumé :
C’est la guerre de Laponie, tout dernier épisode de la Seconde Guerre mondiale en Finlande, qui oppose les Finlandais aux Allemands. Dans un fjord resté inexploré en raison d’un phénomène magnétique, Oeil-Tordu, une sage-femme aux étranges pouvoirs, tombe amoureuse d’un soldat SS.
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
1944. Certains l'appellent Oeil-Tordu, d'autres Oeil-Farouche, mais jamais par son prénom. Comme si c'était superflu dans cette région rude et inhospitalière où on est vite frappé de disgrâce ou d'infirmité. Pourtant, comme le chante Louise Attaque, si "elle est pas jolie, elle est pas moche non plus"…simplement la fille d'un communiste méprisé qui à trente-cinq ans n'a encore jamais été approchée par un homme. le poids d'un "mauvais sang" dans cette région du Petsamo au nord de la Finlande occupée par les nazis.
Mais ce qu'elle a perdu par ses origines, elle le conquiert patiemment par ses dons de guérison grâce aux plantes et son talent de sage-femme. Elle n'a peut être pas l'aura des "lottas", ces volontaires finlandaises parfois si dévouées à l'égard des officiers allemands qu'elles tombent enceintes. Mais elle s'est muée en une femme forte, indépendante, volontaire presque inébranlable jusqu'à ce qu'une rencontre improbable avec un officier SS bouleverse profondément le cours de sa vie …


Dans ce roman pétri de cruauté froide et de frénésie charnelle, Katja Kettu prend la réalité pour ce qu'elle est – effrayante. Elle plonge ses personnages – monstres et innocents à la fois – dans une avidité ignominieuse. Tout devient difficile à maîtriser, tout se mélange avec une étonnante proximité : la vie, la mort, la sexualité, le profane, le sacré avec une sensation d'ivresse primitive.
Sûrement l'effet de la guerre sur ce territoire reculé et convoité pour ses mines de fer. C'est aussi et surtout l'obsession de l'amour pour notre héroïne qui découvre le désir et la pensée de la chair au point de la détourner de Dieu. Oeil-Farouche a beau avoir trente-cinq ans, elle ne s'abandonne pas moins à ses sentiments et de grandes envolées lyriques avec la même intensité qu'une jeune fille en fleurs. On est captivé par ce personnage hors norme, totalement aveuglé par ces émotions et prêtant une dévotion quasi mystique à Johann, celle-là même qu'elle consacrait à Dieu sans cesse sur les lèvres. Malgré la douleur, les épreuves et les privations, c'est une femme qui, n'écoutant que sa voix intérieure, emprunte un chemin de vie rectiligne, avance avec force et conviction au risque de se heurter brutalement à la réalité. Terrifiante. Et notamment celle finalement qu'elle n'est pas si différente des autres femmes.


Violence des hommes, violence de la guerre, violence de l'amour… Katja Kettu emporte le lecteur dans un roman vertigineux. Accordant peu de place à la nuance et au mystère, l'auteur laisse palpiter sous les lignes sensualité et brutalité, elle ne craint aucun mot pour mettre en scène la bestialité et l'archaïsme de ses personnages. On retrouve cette désinhibition dans la langue, qu'elle tord dans tous les sens et détend en mêlant le langage de villageois plutôt rustres avec une prose fiévreuse et incantatoire. Elle transforme le tout en une poésie rustique remarquable.
A ce titre, je tiens à féliciter le traducteur pour le travail accompli. Bien que n'étant pas familière avec l'histoire de la Finlande et que certains termes me soient restés hermétiques, la puissance de l'écriture a suppléé un besoin immédiat de compréhension.
Roman passionnant.
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Vous ne serez pas pris au dépourvu avec ce livre.
Dès la préface du traducteur, vous allez être presque contraint à prendre des notes.
Le Petsamo c'est quoi ça ?
Les Skolts, Sames de l'est ?
Les Kvènes, minorité finnophone de Norvège ?
Et on remonte le temps, la Grande Colère (invasion de la Finlande par les troupes de Pierre le Grand), la Lotta Svärd (organisation de femmes), la guerre d'Hiver (invasion de la Finlande par l'armée rouge), les services de surveillance, le RSHA(équivalent de la Gestapo), le SOE (britannique), le NKVD (soviétique).
La guerre de continuation second conflit entre la Finlande et l'URSS,
Alors vous notez tout ça en plus vous vous armez d'une carte de la région pour situer ces noms bizarres Vesiaari, Liinahamari, Salmijärvi, vous avez déjà mal à la tête ?
Il faut savoir ce que vous voulez comprendre ou pas ce drôle de pays ?
Encore un effort parce qu'après, avant de commencer la lecture proprement dite du livre il y a encore le prologue, où on se prépare à recevoir des nouvelles par le Redhead ou le Baleinier, à localiser l'incolalisable à savoir le fjord du Mort !

Nous nous retrouvons donc plongé dans une drôle d'histoire dans une drôle d'époque où la Finlande, "contrairement à sa nature de lièvres, attaque le loup allemand et le pousse dans ses retranchements, cependant que l'ours russe mène des offensives nauséabondes".
Nous serons dans un lieu où on peut entendre le silence, drôle de sensations !
La première partie qui se passe pendant les années quarante, laisse un sentiment mitigé, certes il y a de l'humour, certes il y a des phrases très crues pour parler du désir mais l'ensemble est très confus.
La seconde partie commence avec une histoire des années 20 où nous croisons les læstadiens, qui remercient toujours leurs dieux et jamais celui qui a fait le travail.
Nous enchaînons avec une histoire de sauvetage, pour savoir qui est qui, la question d'identité étant : les souris, elle crient chez toi ?
Mais on n'attend pas de réponse, car on s'en fout !
Je ne sais même pas à quel camp cela se réfère les souris c'est chez les blancs ou c'est chez les rouges ?
Puis vient le temps de la reconstruction,
"Tu vois pas que not'guerre elle est réglée, là ?
Y'a personne qui va nous manger toutes crues. I'risquent de nous regarder de travers au début, mais ça s'tass'ra."
Un rappel puissant de ce que fut cette époque, pour survivre il fallait mieux croire que l'on creusait une piscine plutôt qu'une fosse !
L'histoire des camps encore et encore avec toutes les violences y compris sexuelles.
Un brin d'histoire pour finir « au cours des décennies suivantes, les opérations de déminage en Laponie neutraliseront environ 800 000 obus, quelques 70 000 mines et 400 000 autres explosifs. Les mines antipersonnel feront encore des morts jusqu'aux années 1970."

Livre très difficile, il faut s'accrocher car le style est parfois obscur, et on ne comprend pas trop où l'auteur nous emmène, la chronologie est chamboulée, des extraits se mélangent et nous perdent un peu dans ce fatras mais l'histoire ou ce qu'il nous en a été rapportée est aussi complexe.
La violence des mots, des phrases est à la hauteur de la violence des événements relatés.
La question de l'identité est posée qui est qui, qui est pour qui, et l'éternelle question, à qui imputer les massacres ? à ceux qui donnent les ordres ou à ceux les exécutent ?
Une fois le livre terminé je comprends beaucoup mieux l'engouement que beaucoup de lecteur ont pu avoir pour ce livre.
Pour garder trace de la mémoire, la trace de l'histoire de la petite et de la grande.
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S'agit-il d'un polar, au sens le plus extensif du terme ? Non, probablement pas, même en tirant l'élasticité du terme jusqu'au point de rupture. Il y a pourtant quelques enquêtes, ou plutôt des quêtes entrelacées, et de l'Histoire, de la grande, avec la complexité de laquelle on ne mégote pas : pas question de simplifier la constante folie des hommes. Aucune de ses convulsions ne nous sera épargnée, aucun de ses caprices sanglants, aucune de ses absurdités. C'est d'abord, démence cardinale, une histoire d'amour qui nous est contée. Dans ce coin du monde qui a largué jusqu'aux lois élémentaires de la physique (“…Il existe un recoin qui ne figure pas sur les cartes. La représentation du littoral reste vierge et blanche, et c'est vers ce blanc que tous les efforts se dirigent maintenant…”), au nord de la Finlande, la sage-femme, sorcière sans pitié mais non sans amour, cherche à conquérir un officier nazi hanté par les milliers de corps qu'il a photographiés lors des opérations menées par les Einsatzgruppen. Ici comme ailleurs, dans les environs du pôle magnétique, décor de toundra et de fjords aussi stable qu'une mer toujours entre gel et tempête, les équilibres bougent, les alliances se font et se défont, la guerre se déplace comme une douleur sur des nerfs à vif. Les mines de nickel, qui rendent les ouvriers malades, sont convoitées par les Russes et par les Allemands, sans parler des Britanniques. Dans le camp de concentration de Titovka, où on pratique des expériences sur des cobayes finnois, russes, skoltes, lapons, se déroule la mystérieuse opération Etable, mais toutes ces activités ne font que couvrir une autre opération bien plus impérieuse et secrète. La haine des Russes reste plus tenace ici que la haine des Allemands, encore que les choses bougent au fil des massacres et des rétorsions. Divers services secrets grouillent autour de cet endroit stratégique. Dans ce chaos où la toundra glisse et se déplace, où les fjords changent de configuration, où le magnétisme donne la danse de saint-Guy aux boussoles, sur un fond incroyablement vibrant et sensuel de lumière et de végétation polaire, la sage-femme, ange de la mort, victime autant que bourreau, sans vergogne et capable de déplacer les montagnes pour assouvir son désir, raconte en convoquant tous les mythes son histoire qui n'est qu'un fil dans cette toile désastreuse tissée de cupidité, de sadisme, de jalousie, de tactique absurde et de déni. C'est un conte monstrueux aux assises aussi triviales que les mesquineries dont sont étayées les grandes catastrophes historiques. C'est humain, et donc parfaitement inhumain. Mais surtout, ce chaos est orchestré dans une langue qu'on aimerait être capable de lire dans son jus, tant elle est créative, picaresque, souple, riche, puissante et musicale. Katja Kettu chante aussi dans un groupe punk, elle est réalisatrice de films d'animation. On a l'impression que quand elle écrit elle continue à chanter, peindre, diriger, façonner, tant son écriture déborde.

Le roman est polyphonique, il fonctionne en monologues distemporels, si bien qu'on est comme hors de ce temps qui hoquette, recule, fait des bonds de puce ou de vastes enjambées. le mort, doté d'une vitalité paradoxale et d'une personnalité à triple fond, écrit des lettres à sa fille et à ses commanditaires. Oeil-tordu, la sage-femme, invoque, se lamente, maudit et se répand en un chant profane où se mélangent un lyrisme païen digne de saint-François et des emportements rabelaisiens. L'inconsistant officier nazi s'abîme dans toutes les formes de déni, de l'amnésie à la toxicomanie en passant par la fuite élevée au rang d'art majeur. On comprend que c'est la débâcle, mais l'apocalypse n'empêche pas les fourmis de se jalouser, de suivre leurs penchants suicidaires, de s'aimer, entre les sous-marins, les cuirassés et les orgues de Staline, les mines de nickel, les charniers encombrants et les camps de concentration. Vue au ras de terre, par ceux qu'elle n'empêche pas de se soûler les uns des autres, d'imaginer que ce présent puisse accoucher d'un avenir, la guerre fait irrésistiblement penser à la tirade de Macbeth sur la vie : une histoire racontée par un idiot, pleine de bruit et de fureur, et qui ne signifie rien. Mais quel rien ! Tout ce qui fait l'art.

Lonnie
Lien : https://doublemarge.com/la-s..
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Il nous est dit que dans la version originale, finnoise donc, de la sage-femme, Katja Kettu joue en virtuose sur l'ensemble de la gamme des idiomes locaux, lapons compris, et qu'elle est "désormais considérée comme une véritable réformatrice de la littérature de son pays." Bien, mais malgré les qualités de la traduction, indéniables, cet aspect-là échappe un peu au lecteur. Remarquez que ce dernier a déjà beaucoup à faire avec le contexte du roman : la guerre de Laponie, en 1944, qui opposait les finlandais aux allemands, après la paix signé par les premiers cités avec les russes. Bon, sur le terrain, c'est on peut plus compliqué avec des résistants, des collaborationnistes et des innocents, pris dans une drôle de tourmente. On y trouve également de riches gisements de nickel et aussi un camp de la mort bien qu'il n'en soit pas officiellement un. Ajoutez des fjords désolés, une intrigue complètement frappée, autant qu'une bonne vodka, et surtout des personnages hors norme, à commencer par son héroïne, la susdite Oei-Farouche ou Oeil-Tordu. Sage-femme et un peu sorcière, amoureuse d'un officier SS, par ailleurs. Impossible de résumer l'histoire, il faudrait déjà la comprendre dans ses multiples facettes. La sage-femme est bourré d'énergie avec un style le plus souvent barbare, leste et cru, ce qui n'empêche pas une certaine poésie. Mais Dieu qu'il est épuisant ce livre et sinueux dans son déroulement. Tout le contraire d'un roman facile.
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Cette autrice est décidément déroutante. J'aime beaucoup la lire, pourtant j'ai du mal à chaque fois à suivre le récit; la temporalité de la narration n'est pas très claire, j'ai du mal à savoir qui est qui, beaucoup de choses sont dites de façon détournée. Mais ses écrits comportent en même temps une telle puissance. C'est dur, c'est cru, on suit une femme qui a quelques talents pour accoucher les femmes, mais on la voit dans une société rude, où les femmes ont peu de considération; on la voit pendant la période de la Seconde guerre mondiale où la Finlande avait des relations compliquées avec les Russes et les Allemands. Et cette femme, parce qu'elle est tombée amoureuse d'un allemand, va accepter de subir tout un tas de maltraitances, elle va accepter aussi de maltraiter certaines femmes. C'est un texte, une histoire terrible dans lequel surgit toute la noirceur dont est capable l'humanité.
A lire aussi de Katja Cette: Papillon de nuit.
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Je veux passer derrière la caméra, je veux m'évader du présent. Je supporte le monde tant qu'il est à l'envers dans l'oculaire de la caméra. Je reconnais le monde quand il s'agit de calculer les temps d'exposition, les ouvertures, les vitesses d'obturation.... je ne veux pas voir les membres, les cils givrés, la mort entrelacée.
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Tout à coup, je pris conscience de ma féminité défectueuse, des muqueuses et du sang dont j'étais couverte de la tête aux pieds, sans parler du cordon ombilical que je venais de couper avec les dents et qui me pendait encore au coin des lèvres.
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C'est ç'Boche là qui t'fait mouiller? Oublie le. Tiens, j'vais t'faire une compresse de couilles de loup pour pas que l'désir t'empêche de dormir.
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Si l'idéal rouge vient de Dieu, alors on n'a rien à faire dans son royaume...
Et si c'est du Diable, alors on s'ra morts pour rien.
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livre que je n'ai pas terminé...
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