Dancy Flammarion est probablement l'un des personnages le plus marquants de
Caitlín Kiernan. Adolescente albinos d'à peine 17 ans, elle parcourt les routes du Sud des États-Unis sous les ordres d'un ange, une créature à quatre visages brandissant une épée enflammée, qui la pousse à tuer un monstre après l'autre. La frêle Dancy, réduite à voler à l'étalage pour se nourrir, armée d'un simple couteau de boucher et d'une foi aveugle en ce séraphin probablement plus cruel et impitoyable que les créatures contre lesquelles il la force à combattre, tient à la fois de Jeanne d'Arc et du personnage incarné par
Clint Eastwood dans les westerns de
Sergio Leone.
Dancy est apparue pour la première fois dans le roman Threshold en 2001, où elle n'était qu'un personnage secondaire. Threshold correspond au moment où sa route s'achève. le recueil Alabaster, publié en 2006 et composé de six textes, le premier à lui être consacré, peut être lu indépendamment du roman. Il regroupe des nouvelles évoquant son enfance ainsi que les étapes du périple qui l'a conduit jusqu'à Birmingham et aux événements évoqués dans Threshold. le livre a récemment fait l'objet d'une réédition par Subterranean Press ainsi que d'une excellente adaptation audio dans laquelle Xe Sands, la narratrice, traduit avec beaucoup de talent et une voix magnifique la fragilité du personnage. Une édition numérique publiée par Dark Horse est également disponible sous le titre Alabaster: Pale Horse.
Le synopsis d'Alabaster pourrait donner lieu au pire de l'urban fantasy, n'était le talent de Kiernan. L'intérêt de cette lecture ne vient pas des combats contre chacun des monstres affrontés par la protagoniste – les scènes violentes sont vite évacuées, parfois même rejetées dans une ellipse –, mais de tout ce qu'il y a autour. Il réside dans l'errance du personnage au sein d'un labyrinthe de routes à l'asphalte brûlant ; dans les figures de monstres charismatiques auxquels Dancy est contrainte de faire face ; dans l'exploration de la folie, de la foi aveugle de l'adolescente, et de sa propre monstruosité au regard des autres ; dans le morcellement chronologique du recueil comme des textes, qui nous fait découvrir le personnage un éclat après l'autre ; dans les dialogues écrits dans une langue savoureuse, ce dialecte du Sud où s'accumulent les « ain't » et les doubles négations ; dans la fragilité de Dancy, jouet de forces et d'un destin qui la dépassent et dont les rares adjuvants sont des animaux qu'elle est la seule à entendre parler ; dans la poésie déployée par l'auteur pour mettre en mots tout cela.
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