Ce tome fait suite à
Divinity II des mêmes auteurs qu'il faut avoir lu avant pour comprendre qui sont les personnages. Il comprend les 4 épisodes de la minisérie, initialement parus en 2016/2017, écrits par
Matt Kindt, dessinés par
Trevor Hairsine, encrés par
Ryan Winn, et mis en couleurs par
David Baron, la même équipe créatrice pour les 3 parties de la trilogie. Les couvertures ont été réalisées par Jelena Kevic-Djurdjevic, à l'exception de celle du numéro 4 réalisée par Monika Palosz. Il contient également les couvertures variantes réalisées par
Greg Smallwood,
Adam Gorham (*3), Jeffrey Veregge. Kindt, Hairsine et Winn ont à nouveau collaboré pour Eternity mettant en scène des personnages de
Divinity.
L'histoire commence avec une frise chronologique verticale qui part de 1922 (année où
Joseph Staline assassine
Lénine) pour aboutir en 2016 où l'équipe de superhéros Red Brigade est formée. Durant ces années, l'URSS (Union des républiques socialistes soviétiques) s'est imposée comme première puissance mondiale, réussissant à unifier es nations du globe sous le régime du communisme, et ayant mis en oeuvre un programme de conquête spatiale s'étant aventuré dans d'autres galaxies. Pourtant il existe encore des manifestations de rebelles contre le régime, comme celle en train de se dérouler à l'université de Berkeley en Californie. Bloodshot intervient et rétablit l'ordre en peu de temps. À la suite de quoi, il se rend dans le bureau de Colin King (haut dignitaire communiste) pour le débriefer sur son intervention. Peter Stanchek intervient à Shanghai pour contraindre les opposants au régime à se noyer. Il se rend ensuite pour un entretien avec Colin King dans son bureau. Il en va ensuite de même pour Aric de Dacie.
Après une journée bien remplie, il ne reste plus à Colin King qu'à regagner ses pénates. Comme à chaque fois, il passe devant la porte de sa logeuse qui guette tous les passages dans le couloir. Une fois passée la porte de son appartement, il accroche son manteau à la patère et il se rend dans la pièce qui lui sert de garde-robe où sont rangés bien en ordre sur des cintres des pantalons et des vestes de costume, tous identiques. Dans le même temps, les cellules de texte comprennent les phrases qu'il a écrites dans son journal intime officieux. Il explique qu'il a testé la loyauté de Bloodshot, Peter Stanchek et Aric de Dacie, pour en fait les examiner, prendre des notes et des photographies. Il pénètre alors dans une pièce dérobée qui contient son costume de Ninjak et il conclut son entrée dans son journal par le fait qu'il ne lui reste plus qu'un individu à contacter pour espérer comprendre comment le monde est devenu comme il est.
Autant pour le tome 2, le lecteur s'attendait à retrouver le même schéma narratif que pour le tome 1, autant pour ce troisième tome, il ne sait pas trop ce qu'il va y découvrir. En effet, l'histoire d'Abram Adams et de Valentina Volkov (Myshka) semblait être parvenue à son terme, et celle de Kazmir, le troisième cosmonaute ne semblait plus à l'ordre du jour. En outre, cette histoire ne démarre pas avec le retour de Kazmir. Enfin le sous-titre indique clairement que l'objet du récit réside dans le mystère de l'instauration d'un monde unifié par le Père des Peuples, ayant fait une apparition dans le tome 2. Effectivement, les séquences du premier épisode montre un monde unifié par le communisme, avec des versions communistes de Bloodshot, de Harbinger, de X-O Manowar et même de Shadowman, les superhéros emblématiques de l'univers partagé Valiant. La dernière entrée dans la frise chronologique évoque la création d'une équipe de superhéros Red Brigade. le lecteur a l'occasion de la voir à l'oeuvre : elle composée de Myshka, Baba Yaga, Kostiy the deathless, Pioneer, Red Legend.
Matt Kindt a réussi à déstabiliser le lecteur, à le faire douter de la nature du récit qui l'attend. Il met bien en scène les personnages des 2 premières parties et dans le même temps il le prend par surprise.
Le lecteur retrouve bien la même équipe artistique. Il avait beaucoup apprécié la variété des mises en page dans le tome précédent, passant de pages avec des cases horizontales de la largeur de la page, à des cases verticales de la hauteur de la page. Il constate ici que Hairsine fait preuve de moins d'inventivité, dans un registre visuel plus superhéros. Il n'y a que les 2 pages représentant les dessins d'Abram Adams qui sont dans un registre graphique, plus enfantin car le personnage n'est pas un dessinateur professionnel. Pour le reste, le lecteur retrouve l'approche réaliste qu'il a appris à apprécier particulièrement efficace pour les entretiens menés par Colin King, ou pour la visite rendue par Toyo Harada. Il voit des individus normaux à la silhouette bien découplée, dans des complets vestons se tenir dans des postures très formelles pour partager de l'information. Cela participe à donner plus de crédibilité à ce nouvel ordre mondial, ainsi qu'au professionnalisme de ces individus. le lecteur peut ainsi plus facilement se reconnaître dans Colin King et sa démarche qui est de comprendre pourquoi le monde est comme ça, questionnement qui est également le sien. Pour ces séquences, Hairsine continue d'utiliser toute la largeur des cases pour intégrer des informations visuelles, à commencer par les décors en arrière-plan.
Le scénario comprend donc plus de personnages dotés de superpouvoirs que les précédents, même si l'équipe Unity n'est pas présente. Hairsine et Winn continuent de donner toute la majesté qu'il se doit aux apparitions de
Divinity, du fait de sa quasi omnipotence. Il montre également l'entité mise à genou par une force plus puissante. Il observe avec plaisir que scénariste et dessinateur ont fait en sorte de ne pas répéter les visuels du combat entre Adams et Volkov du tome précédent et que le nouvel affrontement entre individus disposant du pouvoir de
Divinity prend une autre forme, avec d'autres utilisations de leur pouvoir. de page en page, le lecteur éprouve l'impression que les dessins ont perdu un petit degré de précision par rapport à ceux du tome précédent et que l'encrage s'est fait plus rugueux, plus rapide. D'un autre côté, cela renforce aussi l'âpreté des combats et de leurs conséquences, avec des individus plus marqués, à commencer par Bloodshot s'étant pris des grenades incendiaires. À plusieurs reprises le lecteur en prend plein les mirettes avec la mise en valeur des superhéros : une pleine page pour Bloodshot, un dessin en double page pour présenter la Red Brigade au grand complet, un autre dessin en pleine page pour son irruption dans l'appartement de Colin King, encore un dessin en pleine page pour l'assaut final entre une dizaine de personnages dotés de superpouvoirs. Comme il est de coutume dans ces affrontements physiques, le lecteur constate que les arrière-plans deviennent les parents pauvres des cases. Mais comme à son habitude,
David Baron réalise un travail consistant pour combler lesdits arrière-plans et ils sont rarement absents plus d'une page entière. Si les dessins ont un peu perdu en niveau de détails pendant les séquences de combat, ils ont gagné en force brute.
Le lecteur se rend compte qu'il se laisse rapidement emmener dans l'histoire et qu'il ne s'attache plus tant que ça à essayer d'anticiper où le scénariste veut l'emmener. La question de la politique de l'ex-URSS était, précédemment, plus sous-jacente qu'explicite. Il en reste de même ici où l'hégémonie de ce régime s'accompagne d'une forme de répression totalitaire, mais elle ne s'applique que sur une frange très réduite de la population, restant presque au niveau du maintien de l'ordre, presque parce qu'il y a quand même une exécution de masse préventive. le propos de
Matt Kindt n'est donc pas d'ordre politique, d'autant moins qu'il avait déjà établi dans le tome précédent que tous les régimes ont eu recours à la force pour s'imposer ou pour se maintenir, aux dépens d'une partie de leur population ou de celle d'un autre pays. le lecteur constate également que
Matt Kindt s'amuse un peu avec la continuité de Valiant. Il a donc créé de toutes pièces une réalité alternative, ou plutôt une ligne temporelle alternative, et il prend soin de montrer dans quelle position se trouvent les personnages de premier plan (comme X-O Manowar et Harbinger) mais aussi celles des plus puissants (comme Toyo Harada). le lecteur qui ne les connaît pas s'interrogera le temps d'une scène sur leur importance ; celui qui les connaît appréciera à sa juste valeur ces clins d'oeil.
Comme dans le tome précédent, le lecteur découvre une histoire qui aboutit à un combat final dantesque, et doublé d'un affrontement psychologique. Cette fois-ci, il ne s'agit pas d'une incompatibilité politique ou d'une vision autoritariste de la société s'opposant à une vision plus participative. L'ennemi est motivé par un mal-être émotionnel et il appartient au héros de proposer une alternative qui puisse être convaincante, sans s'apparenter à une défaite. Pendant que
Trevor Hairsine s'en donne à coeur joie pour des visuels à la hauteur des pouvoirs utilisés,
Matt Kindt orchestre le combat, avec le héros prenant peu à peu l'ascendant psychologique sur son ennemi en semant le doute, en proposant une alternative qui ne repose ni sur la domination après une victoire par la force, ni sur une philosophie new-age à bas prix. le lecteur peut envisager le point de vue mis en avant par le héros comme une solution viable pour sortir lui aussi d'impasses conflictuelles, ou d'une forme d'obstination irrationnelle.
Avec cette dernière partie de la trilogie
Divinity, att Kindt,
Trevor Hairsine,
Ryan Winn et
David Baron ne déçoivent pas. Ils réussissent à proposer une suite et fin reprenant les éléments développés dans les 2 premiers tomes, sans donner l'impression de se répéter, avec un tome de type thriller avec une bonne dose d'action, s'amusant avec la possibilité d'une Terre unie sous le communisme (sans faire d'anticommunisme primaire) tout en résolvant le conflit de manière élégante et intelligente.