Après s'être lancé avec des séries comme
Divinity, The Valiant ou Bloodshot Reborn, Bliss Comics est passé fin 2016 à la vitesse supérieure en publiant certaines séries sous la forme d'épaisses intégrales soignées éditorialement. Rai est un bon exemple du rattrapage effectué vis-à-vis de ce qu'avait publié Panini Comics de façon anarchique.
Rai est le gardien ancestral du Néo-Japon. En effet, depuis que ce pays s'est concrètement élevé au-dessus des territoires purement terrestres, il est sous la coupe/protection de Père, entité omnipotente qui intervient dans les différentes strates de la mégapole par l'intermédiaire de sa création, Rai. En cette année 4001, Rai veille donc au grain ; pourtant, un meurtre vient d'être commis au moment où vous ouvrez ces pages. Et de cet événement, va découler une prise de conscience violente de la part de Rai sur son environnement. Puisqu'il peut se déplacer où il veut quand il veut dans Néo-Japon, Rai est le justicier parfait. Toutefois, il est l'héritier d'une longue lignée de Rai, car son créateur, dirigeant de Néo Japon, « Père », semble avoir déjà dû affronter la prise de conscience de son gardien suprême.
Matt Kindt tisse une histoire un brin cyberpunk dans un monde très futuriste : deux mille ans dans le futur, il prend de l'avance sur les autres séries de l'univers Valiant Comics, mais dans une optique liée au volume suivant qui est très englobant. Ici, le récit s'emballe assez vite, d'autant qu'il est construit à la fois sur la prise de conscience de Rai sur sa condition et sur le drame imposé à la jeune héroïne. C'est le parallèle entre les deux qui permet au lecteur de s'immerger dans l'histoire qui peut paraître au départ un brin convenu. La quête de vérité n'est pas forcément neuve, mais le rythme est soutenu et ne laisse pas de répit dans la découverte des différents personnages.
Le très gros plus est à trouver du côté des dessins. En effet,
Clayton Crain dépeint une ambiance sombre à souhait. Classiquement, mettre en scène un récit noir peut être assez difficile si les ombres et les lumières sont mal gérées. de deux choses l'une, soit il faut renforcer le côté « darkness » du récit en accentuant ombres et mystères (
Frank Miller l'a fait comme personne dans Sin City), soit il faut pouvoir donner de la grandiloquence à l'environnement pour compenser tous les aspects sombres. Ici, c'est cette deuxième possibilité qu'utilise
Clayton Crain et il le fait d'une façon tellement belle que les décors, normalement très moches dans la réalité, deviennent magnifiques sous ses outils. le lecteur pourra passer de longues minutes à détailler sa manière de souligner la plastique de Rai grâce à la pluie qui ruisselle ou aux rayons créés par ses déplacements dimensionnels au sein de Néo-Japon.
Même si l'histoire n'est sûrement pas totalement neuve, Rai est un comics qui brasse beaucoup de thèmes cruciaux et qui bénéfice surtout de visuels magnifiques.