Dans l'avant-propos de Le roman policier de Siegfried Kracauer, Rainer Rochlitz explique que « Les termes de « detective novel », de « roman policier », de « Kriminalroman » (chez Kracauer encore : « Detektiv-Roman ») indiquent que, sur ce plan, l'Angleterre privilégie la figure de l'intellect souverain (représenté en France par Rouletabille et Arsène Lupin), la France le représentant de l'ordre, et l'Allemagne (qui n'a produit aucun détective type) l'incarnation de l'obscur égaré : Holmes, Maigret et « M. le maudit » sont les archétypes des trois pays. » (p. 21)
Cette absence de « détective type », cette absence de Sherlock Holmes allemand ou de Maigret allemand, explique probablement que pendant longtemps « policier allemand » a rimé avec « Inspecteur Derrick », un sous-Columbo ne cassant pas des barils, Rex, chien flic - en allemand « Kommissar Rex » - ou « Alerte Cobra » - en allemand, « Alarm für Cobra 11 - Die Autobahnpolizei ». Il aura fallu un anglais, Phillip Kerr en l'occurence, pour donner à l'Allemagne un équivalent de stature internationale et germanique de Maigret ou Holmes avec Bernhard Gunther. Récemment, la curiosité « Commissaire Dupin » - en allemand « Komissar Dupin » qui emprunte son nom à un célèbre chevalier - a débarqué sur les écrans français : il s'agit d'une adaptation des livres de Jean-Luc Bannalec - pseudonyme de Jörg Bong - dont le héros, un commissaire de police parisien, est muté à Concarneau.
Adaptation du premier volume - « Le poisson mouillé » [« Der nasse Fisch »]* - des aventures du commissaire Gereon Rath de Volker Kutscher, Babylon Berlin de Arne Jysch est (a priori) un one shot et cela même s'il y bien plus qu'un coup (de feu) dans cette bande dessinée. Pour qui n'a pas lu les romans de Volker Kutscher, ni vu la série produite par Netflix, l'histoire est celle d'un policier muté de Cologne à Berlin et évoluant en eaux troubles : alors que Bernhard Gunther enquête en plein nazisme, son collègue natif de Cologne enquête sur des meurtres mêlant milieu politique, pègre, corruption policière pendant la montée du nazisme dans l'Allemagne de Weimar.
Plutôt bien dessiné, en noir et blanc, cette aventure de Gereon Rath est également plutôt plaisante à lire et confirme que « au fond, il est selon Kracauer plus pertinent de lire des romans policiers que de prétendre aujourd'hui rependre contact avec l'impulsion initiale de textes sacrés devenus intelligibles » (avant-propos d'Olivier Agard à L'ornement de la masse. Essais sur la modernité weimarienne, p. 10).
* À noter la transformation du titre original « le poisson mouillé » [« der nasse Fisch »] en un « Babylon Berlin » dans la traduction française - autant, le « poisson mouillé » qui fait référence à « une affaire de meurtre non élucidée » (p. 214) a du sens, autant ce Babylon Berlin nettement moins.
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Berlin, années 1920. L'inspecteur Gereon Roth est muté de Cologne aux moeurs berlinoises, même plutôt rétrogradé suite à une affaire qui a mal tourné. Dès son arrivée, et un première affaire des plus louches, le jeune homme aux dents longues, qui rêve de faire partie de la Criminelle, met parfois de côté des méthodes plus conventionnelles, mais à aucun moment son intégrité. Ce qui ne tombe pas plus mal, comme il le découvrira au fil de son enquête...
Ayant eu connaissance et des romans, et de la série qui en était adaptée en découvrant cette même adaptation BD à la médiathèque, je ne savais pas spécialement à quoi m'attendre, mais j'appréciais particulièrement les graphismes en feuilletant, d'où l'emprunt.
Et je n'ai pas été déçue, car l'ambiance noir et blanc réaliste, tout à fait polar des années 1920-1930 qui avait attiré mon regard, s'est confirmée au fil de l'intrigue, menée intelligemment, de manière vraisemblable, alternant parfaitement scènes d'action et scènes d'enquête, pour nous dépeindre une Allemagne de l'entre-deux-guerres se remettant de la défaite à grands coups d'ultranationalisme et de corruption, qui mèneront à ce que l'on sait quelques années plus tard, et un inspecteur toujours à la limite, mais toujours, finalement, du bon côté de la barrière.
Une découverte tout à fait appréciable : peut-être qu'un jour, lorsque ma PAL me le permettra un peu plus, tenterai-je un des romans.
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Gereon Rath intègre la brigade criminelle de Berlin et il va vite être confronté à une affaire criminelle qui va mettre sa carrière dans la balance.
Cette bande dessinée, adaptation d'un roman policier, est vraiment prenante.
Elle se passe à Berlin dans les années 20 et l'on sent l'atmosphère particulièrement tendue de cette époque. Ca a été pour moi son principal défaut. C'est qu'il y a pas d'éléments politiques et je connais mal ce qu'il se passe en Allemagne à cette époque. du coup, ce n'était pas toujours très clair dans les différents partis politiques, les revoltes, ou le contexte en général.
L'enquête, quant à elle, est bien menée. Distillation des indices, suspense, avancées progressives et rebondissements. On ne s'ennuie pas et il n'y a pas de longueur malgré les 215 pages.
Le dessin a un trait simple, en noir et blanc. Plutot agréable bien que parfois les personnages ne soient pas facilement identifiables.
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Une BD qui atteint son but : adapter sans être redondant, tout en préservant les atouts d’un héros humain et d’une ambiance originale.
Lire la critique sur le site : BoDoi
One-shot attractif à plus d'un titre, Babylon Berlin conviendra aussi à ceux et celles qui voudront se pencher sur l'origine du nazisme et son irrémédiable montée en puissance.
Lire la critique sur le site : BDGest
- Vous savez quoi, Monsieur le flic ? Vous me plaisez ! Mais vous devriez vous méfier, un malheur est vite arrivé dans cette ville...
Politiques, criminels... qui vous dit qu'il y a une différence?