Quand on n'ose pas aborder Deleuze par la voie classique, on l'approche de biais, par les petits sentiers détournés… et on le regrette… Cette présentation très abstruse semble vouloir rivaliser avec l'original deleuzien, comme si les auteurs des articles ici consacrés à leur ami Deleuze avaient voulu surenchérir dans l'inintelligible, à une époque où ça semblait de bon aloi de transformer le langage en chair à pâtée.
J'ai appris deux ou trois petits trucs sur Deleuze : son attaque contre l'institution de l'enseignement, sa critique de la théorie kantienne, son positionnement anti-freudien, anti-kleinien et anti-lacanien (on se demande un peu ce qui le faisait kiffer), sa grille de lecture psychosomatique et son interprétation personnelle du concept de libido. Reste que je n'ai pas bien compris tout le reste, surtout les blagues, et en particulier l'insertion d'une pièce de théâtre en forme de private joke. On trouvera également une relecture d' « Alice au pays des merveilles » considérée dans toute son amplitude schizophrénique, mais le conte original me semblait bien plus riche et amusant que cette relecture imbue d'elle-même.
La lecture de cette revue est tombée en parallèle avec la lecture de
Jankélévitch, qui a officié à peu près au cours de la même période, dans les années 60/70. Il m'a aussitôt semblé que la plupart des intellectuels de cette époque partageaient une verve compliquée, prétentieuse, bien trop fatigante en rapport à sa maigre contribution pour faire avancer le schmilblick. Ces gens-là ont certainement apporté des éléments importants de réflexion mais ils ont trop bien conjuré le mauvais sort de la culture en les éloignant loin, très loin, du commun des mortels.