Pour Jean de la Varende, écrivain et gentilhomme, superbe chroniqueur de la Normandie, un biographe ne semble être qu'un pique-assiette du génie.
"Il s'active, remue des monceaux horribles de paperasses, voyage, s'ingénie...
...Il rentre harassé mais heureux : il a trouvé, enfin, le nom du tailleur qui habillait son grand homme...ce démoniaque fossoyeur !"
Mais très vite, revenant sur ce mépris apparent, il ajoute :
"Mais aussi, comme je me sens m'attendrir parfois ; souvent. Car il arrive que cette inquisition parte d'un très grand amour".
Et c'est de cet amour que ce recueil, finalement, est empreint.
Ici,
Jean de la Varende se fait le fugitif et occasionnel biographe de la noblesse du coeur normand.
Parfois il ne saisit qu'un court instant, ou au contraire fait entrevoir un destin.
Les personnages qu'il nous présente, sans même parfois nous donner leur nom, sont des illustres inconnus.
"Les gentilshommes" est un recueil de treize textes.
"Les gentilshommes" est une suite romanesque de treize nouvelles.
C'est une galerie de portraits.
On entre toujours avec plaisir dans l'univers littéraire de Jean de la Varende.
Ouvrir un de ses ouvrages, c'est arriver en diligence dans une Normandie qui, arrachée à l'ancien régime par une révolution braillarde, semble s'éveiller à peine d'une heureuse époque...
Il serait vain de vouloir démêler le vrai du faux, de soulever des objections.
Peut-être que le bonheur rural, la vie plantureuse vécue autrefois sans inquiétude nerveuse entre le fournil, la loge à lapins, le poulailler et le pressoir ne sont qu'impressions et légendes.
Peu importe.
Le plaisir de découvrir "les gentilshommes"est guidé par les mots dans ces quelques textes magnifiques.
Monsieur de Maulogis, qui possédait des terres dans toute la Normandie et partait une huitaine tous les mois pour surveiller son bien, est le premier à apparaître dans cette galerie de portraits que va dessiner pour nous la plume talentueuse de Jean de la Varende.
Il sera suivi de Cyrille Ernouf, le dernier rejeton d'une longue lignée d'aubergistes normands qui ne voulait être ni officier, ni prêtre, ni notaire...
Puis viendront un marquis, un voleur, un cagoulard, l'homme aux trois secrets dont le dernier plane sur le monde chrétien comme un affreux nuage plein d'asphyxie, Tancrède de Marville et son fils George qui construisit la voiture du Tzar, le duc de Rieux-Montfort, marquis de Nantua, prince de Thubingen-en Saxe, soldat de 2ème classe que ses amis surnommaient "cui-cui", les trois bâtards qui n'tait pas des salauds, un garde-chasse transi d'amour pour une jeunesse...