On ne critique pas un tel livre, on le lit et on s'en imprègne, on le ressent et on l'absorbe, lui et toutes les émotions qui en découlent ! Pour une fois la quatrième de couverture n'enlève rien à la surprise du livre, et la poésie est livrée à l'état brut, comme l'âme de l'auteur.
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Ah, tu étais mon idole. J’avais parfois envie de changer
de sexe, de devenir une de ces femmes fatales aux
charmes desquelles même les saints et les dieux ne peuvent
résister. Et cela juste pour un moment, celui où je
te sentirais sans défense devant moi et où je t’emporterais
sur la plus haute cime de ma montagne natale, là
où je serais le seul être vivant sur lequel tu pourrais
poser ton regard, le poser vraiment.
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Mais chaque fois je chassais ces idées coupables.
Je pleurais intérieurement tant je me sentais indigne,
égoïste et dissolu.
Une fois rentré chez moi, j’étalais sur mon lit tous
tes livres (il ne m’en manque pas un), et je restais une
bonne partie de la nuit à les relire en cherchant le mot,
l’expression ou la phrase que tu m’aurais adressé, à
moi seul. Et j’étais torturé à l’idée de passer à côté du
message que j’attendais de toi.
À force de vivre dans ta vie, je ne sais plus qui je
suis maintenant. Voulant me retrouver en toi, je me suis
perdu.
Puis il y avait eu l'affaire des fanatiques retranchés dans le sanctuaire du saint patron de la capitale des sciences religieuses et qui terrorisèrent pendant des semaines les habitants policés de cette ville. Ces illuminés, se basant sur une lecture étroite du Livre des livres, se livrèrent à des exactions contre les femmes fraîchement émancipées qui sortaient dans la rue le visage à découvert et portaient des robes qui remontaient au-dessus de leurs chevilles et parfois même de leurs genoux.
– Permettez que j’ajoute mon grain de sel, moi le
petit âne, la monture que tout un chacun doit ménager
s’il veut effectuer le pèlerinage à La Mecque. Ce n’est
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pas un hasard si je suis le plus exploité d’entre les
exploités. J’ai une tenace réputation de patience et
d’endurance. C’est pour cela que l’homme que vous
accablez justement ne m’accorde même pas les attentions
maladroites dont il vous gratifie, alors que, sans
moi, il ne peut littéralement pas fonctionner, entreprendre
pour espérer, être au four et au moulin. Je suis son
œil et son bras, sa langue et son poumon. Et pourtant
il me conduit, tambour battant, à l’abattoir. Jugez-en.
Cet individu ne tient jamais en place, physiquement et
moralement. On dirait que quand il mange, c’est pour
finir de manger. Quand il parle, c’est pour se taire le
plus vite possible. Quand il se couche, il n’a qu’une
hâte, celle de se réveiller. Quand il voyage, c’est l’idée
du retour qui lui procure le plus de plaisir. Quand il
aime, il aime l’amour de l’amour, et ensuite l’amour
de l’amour de l’amour jusqu’à la folie furieuse. Et le
comble, c’est quand il écrit.
Pendant si longtemps, j'avais imaginé ce moment. Libre enfin. Debout. Puis nu. Avançant au milieu des flots, le regard affolé par l'horizon qui enfante d'autres horizons, et ce à l'infini, et tout autour. Fouetté par les vagues, je me purifie de l'humidité des murs, des moisissures de la paillasse, de la bave des tortionnaires, de la crotte des rats.
Avec douze écrivains de l'Anthologie
Avec Anne le Pape (violon) & Johanne Mathaly (violoncelle)
Avec Anna Ayanoglou, Jean d'Amérique, Camille Bloomfield & Maïss Alrim Karfou, Cyril Dion, Pierre Guénard, Lisette Lombé, Antoine Mouton, Arthur Navellou, Suzanne Rault-Balet, Jacques Rebotier, Stéphanie Vovor, Laurence Vielle.
Cette anthologie du Printemps des Poètes 2023 proposent 111 poètes contemporains et des textes pour la plupart inédits. La plus jeune a 20 ans à peine, le plus âgé était centenaire. Tous partagent notre quotidien autour de la thématique corrosive des frontières. Leurs écrits sont d'une diversité et d'une richesse stimulantes. Ils offrent un large panorama de la poésie de notre époque. Avec notamment des textes de Dominique Ané, Olivier Barbarant, Rim Battal, Tahar Ben Jelloun, Zéno Bianu, William Cliff, Cécile Coulon, Charlélie Couture, Jean D'amérique, Michel Deguy, Pauline Delabroy-Allard, Guy Goffette, Michelle Grangaud, Simon Johannin, Charles Juliet, Abdellatif Laâbi, Hervé le Tellier, Jean Portante, Jacques Roubaud, Eugène Savitzkaya, Laura Vazquez, Jean-Pierre Verheggen, Antoine Wauters…
Mesure du temps
La fenêtre qui donne sur les quais
n'arrête pas le cours de l'eau
pas plus que la lumière n'arrête
la main qui ferme les rideaux
Tout juste si parfois du mur
un peu de plâtre se détache
un pétale touche le guéridon
Il arrive aussi qu'un homme
laisse tomber son corps
sans réveiller personne
Guy Goffette – Ces mots traversent les frontières, 111 poètes d'aujourd'hui
Lumière par Iris Feix, son par Lenny Szpira
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