Ainsi, l'échec scolaire des noirs des ghettos, ne fait que manifester l'affrontement social existant en dehors du langage mais se manifestant en son sein. Constatant d'abord l'erreur manifeste de la majorité des enquêteurs qui ne se rendent pas compte que le contexte de leurs études – placer la personne qui fait usage de langue vernaculaire et est en situation d'échec dans une position de sujet à analyser en dehors de son milieu – est erroné. C'est le paradoxe de l'enquêteur : il crée une réaction diaphasique (d'ordre émotif) sur la production du locuteur observé (celui-ci change sa manière de parler) ; et il crée une situation de conversation artificielle et peut difficilement enregistrer sans prévenir les locuteurs observés (problème éthique).
Comme Labov l'avait déjà observé sur l'île de Martha's Vineyard, l'usage d'une variante langagière « forte » est souvent motivée par un besoin de revendication identitaire, d'appartenance à un groupe social. C'est donc souvent volontairement que l'on use de variantes de réalisation. Par refus de changer son identité, de s'adapter à une classe sociale qui nous refuse ou qu'on refuse.
Allant même plus loin que dénoncer les mauvaises observations de ses pairs quant au langage vernaculaire, quant à l'échec scolaire de classes sociales – à quoi on cherche d'autres raisons qui ne sont seulement que le fait d'appartenir à une classe sociale en conflit avec la classe dominante donc ceux qui en sont les représentants : intellectuels, professeurs, journalistes… Ce constat pourrait se poursuivre dans une observation des choix politiques, dans le rejet moderne par les basses classes du savoir intellectuel, même celui qui leur est a priori favorable, dans le goût pour les thèses complotistes, dans le renforcement et l'affirmation de leur classe identitaire (communautarisme, radicalisation, racisme, nationalisme…).
Labov va encore plus loin en faisant l'éloge du parler des ghettos : efficacité, maîtrise de codes complexes… En fait, il rapproche cette variation diastratique (sociale) d'une autre variation personnelle (diaphasique). La langue vernaculaire n'est qu'une variante utile de la langue standard. Son usage répond à des besoins sociaux particuliers. La familiarité, la franchise, l'affirmation de soi dans un groupe d'amis, dans une famille… Tout cela est plus facile avec la langue vernaculaire (parler ordinaire), avec une langue non surveillée. Ainsi, les noirs du ghetto usent et abusent du parler vernaculaire parce que leur vie est également faite d'une majorité de situations où leur parler vernaculaire répond idéalement à leurs besoins.
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