Un petit Insta ? Clic ! Aimez-vous prendre une photo, et que cette photo soit plus belle que la réalité ? Une réalité magnifiée, arrangée ! Aaah les clichés de vacances partagés par les amis plus ou moins proches… , les sourires, la vue de carte postale, les intérieurs design, soignés, dans lesquels rien ne traine, pas le moindre jouet d'enfant ni grain de poussière.
« Tout est vraiment parfait, dira la story associée. C'est vraiment comme sur les images » (p.172)
Anna et Tom, deux millennials, ont quitté leur Italie natale pour Berlin au grand désarroi de leurs familles.
A Berlin on peut rêver sa vie autrement, loin du regard étriqué des amis d'enfance et de la famille, se loger pour plus grand, on vit mieux avec moins.
A vingt ans, la vie leur sourit, tout est design dans leur vie, ils pensent, mangent, dorment, travaillent design.
Normal ils sont tous les deux web designer et travaillent toute la journée sur écran, pensant ergonomie, charte graphique, …mais aussi réseaux sociaux, uber, amitiés avec d'autres expat. Tout défile à une vitesse vertigineuse comme les images du téléphone sous le pouce ; le temps, les soirées, les amis, les voyages comme les photos et posts likés et commentés à longueur de journée.
Mais dix ans plus tard, quel est le bilan ? La carte postale berlinoise les fait-elle toujours autant rêver ? Quelle est leur part travail et de chance dans ce qu'ils ont accompli ?
Vincenzo Latronico offre avec ce livre une bonne vision de la génération Y (dont il fait lui-même partie), de ses modes de vie et de pensée. L'auteur revendique s'être inspiré du livre « Les choses » de
Georges Perec pour écrire celui-ci, une sorte de « revisite » si chère à Top Chef et
Cyril Lignac.
L'auteur se tient à distance de ses personnages, et ne se prive ni de les égratigner ni de les ériger en porte-étendards stupides de la gentrification. Cependant, il y a chez Anna et Tom, indubitablement, une part importante de nous-mêmes impossible à renier, nous qui passons tant de temps sur nos écrans à chercher le meilleur produit, faire la meilleure affaire, ou plus prosaïquement travailler … ou surfer sur babelio…
L'analyse est intéressante, le parti pris de l'auteur d'avoir des personnages fades, lisses, et archétypaux, si je comprends sa démarche, m'a laissée tout de même un peu sur ma faim et m'a désarçonnée.
A l'heure de mettre des étoiles, je tergiverse : je pourrai mettre 5 pour la démarche et les idées, mais le traitement m'a un peu ennuyée avec souvent des paragraphes trop longuement étirés sur une bonne idée. La distance voulue par l'auteur m'a rendue indifférente aux errements et pérégrinations de Tom et Anna. La machine a fini par tourner à vide dans un énorme ventre mou (dû probablement au trop-plein de bière),
Vincenzo Latronico ressassant ses idées au fil des pages.
Heureusement, j'ai regagné en intérêt dans les deux derniers chapitres nommés Simple et Futur, j'en ai cependant été un peu frustrée car ils se sont avérés trop courts à mon gout alors qu'ils auraient pu permettre à l'auteur de développer de nouvelles idées.
Même si ce roman aurait gagné à être un peu plus abouti et incarné selon moi, et un peu moins conceptuel pour emporter complètement mon adhésion, le nom de
Vincenzo Latronico est incontestablement à retenir pour cet auteur talentueux, et sa critique subtile de notre société de l'image et de consommation, notre quête insatiable du toujours mieux.
Il mérite de trouver son public (et à tout le moins un public plus nombreux étant donné le faible nombre de lecteurs actuels sur babelio). Alors je vous conseille cette lecture, si ce billet et son sujet ont éveillé votre curiosité.