Celle que vous croyezCamille Laurens, ou Les liaisons dangereuses, version 2.0 !
Ce livre est pour le moins surprenant tant sur le fond que sur la forme. C'est une belle réussite littéraire et, à certains égards, il fait penser au dernier
Delphine de Vigan dans le jeu de miroirs qui n'est pas sans rappeler celui de «
D'après une histoire vraie ». C'est en commençant la seconde partie « Une histoire personnelle » qu'on commence à réaliser qu'on a affaire à une belle manipulation ! Quel talent ! Chaque nouveau chapitre est une véritable surprise qui nous fait douter… Personne n'est vraiment dans ce
roman ce que l'on croit… dans les relations virtuelles et les projections imaginaires.
Le titre est particulièrement bien choisi, à double, voire triple sens et colle parfaitement à ce
roman sur l'affabulation, la vie rêvée, le réel et la fiction. Qui est vraiment qui ? Et qui croire vraiment ?
Cela faisait longtemps que je n'avais pas lu
Camille Laurens et je n'ai pas été déçue. J'ai même adoré la retrouver. La langue est belle, l'auteur joue magnifiquement avec les mots. Et les messages qu'elle fait passer sont percutants, à commencer par les rapports hommes/femmes, la situation affective et amoureuse de la femme approchant la cinquantaine donc la date de péremption, le désir féminin par rapport au désir masculin, le rôle du fantasme
C'est un livre qui interroge également sur l'écriture, le désir d'écrire, l'acte d'écrire.
Il y a aussi beaucoup d'humour distillé dans ce roman qui fait que Claire ne tombe jamais dans le côté « victime » et qu'on ne s'apitoie pas sur son sort. On rit plutôt avec elle, même si parfois on rit un peu jaune et que ça fait un peu mal quand on y pense.
Il y a un vrai rythme instillé par la construction machiavélique du récit et la structure du livre dont chaque chapitre est porté par une voix différente : en prologue, la transcription d'un enregistrement audio sans ponctuation. La partie I, « Va mourir », nous fait entendre la voix de Claire Millecam dans ses entretiens avec le Dr Marc B.. Puis, au chapitre suivant, c'est la voix du Dr Marc B. qui se fait entendre lors d'une audition devant ses confrères. Mais Claire a quand même voix au chapitre, puisqu'on peut y lire son « roman », « Les fausses confidences » qu'elle a écrit lors d'ateliers d'écriture pendant son internement en HP. Vous suivez toujours ? Parce que la partie II, « Une histoire personnelle » commence avec le brouillon d'une lettre de Camille (tiens donc….) à Louis O., son éditeur, qui l'accuse d'avoir « plagié » la vie
De Claire, l'une des patientes inscrites à son atelier d'écriture dans un hôpital psychiatrique (tiens, tiens…). Et, cette fois, nous avons les vraies confidences de Camille. Et cerise sur le gâteau, en épilogue, nous lisons la lettre de Paul Millecam (ex-mari
De Claire) à son avocat. Finalement combien y a-t-il de personnages dans ce roman ? Claire Millecam et son double Claire Antunes, Camille
Morand et son double Claire, Katia (la morte ou la vivante ?) Jo, Chris, Marc, Paul ? Un vrai casse-tête… pour une belle histoire de manipulation, mensonge et trahison. Nous avons plusieurs variantes de la même histoire. Un vrai coup de coeur en ce début d'année. C'est fort, puissant, envoutant à souhait, une véritable prouesse littéraire dans laquelle on plonge irrésistiblement, on est littéralement pris au piège. Moi je dis, du grand art !