Je me rappelle mal les circonstances grâce auxquelles je connus ceux qui devaient devenir mes plus proches amis. L'un était mon voisin au lycée et je ne sais plus en quelle occasion nous nous attardâmes à déambuler de concert à travers le neuvième arrondissement. Mais je ressens avec exactitude la qualité de la lumière qui baignait la rue Saint-Lazare alors que, furetant à l'étalage d'un bouquiniste, je tombai sur une anthologie où je lus un texte de Stendhal.
En cette matinée, avril réussissait à mordre plus froidement que l'hiver. Un vent d'est tempêtait par saccades, aigu malgré l'éclat d'un soleil gai, menacé par les nuages. Le texte que le hasard m'offrait était un extrait de " la Chartreuse de Parme ", où Fabrice participait à la bataille de Waterloo. Quelques semaines plus tard, sur les quais, je retrouvai " la Chartreuse ".
Elle était un peu trop chère pour moi, j'en lus au petit bonheur quelques pages et rencontrai Fabrice captif ; d'un champ de bataille belge nous étions passés tous deux à une prison italienne. Ces nouvelles pages ne me semblèrent pas appartenir au même livre que les premières et pourtant le même homme pouvait les avoir écrites. Je consultai l'histoire de la littérature française que nous utilisions au lycée : elle m'affirma que Stendhal était le " romancier de l'énergie ".
Jacques Laurent évoque son passage à Vichy .