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EAN : 9782021283143
608 pages
Seuil (27/10/2016)
4.82/5   11 notes
Résumé :
Le Canard Enchaîné naît en pleine Guerre mondiale, dans un climat de propagande et de bourrage de crâne : tout le monde prétend dire la vérité, il affiche son choix de mentir… Difficile de faire rire dans une période tragique, mais il y réussit pleinement, avec son art de l'antiphrase, de la satire et de la dérision. Ses fondateurs : un journaliste, Maurice Maréchal, et un dessinateur, Henri-Paul Gassier. Après cinq premiers numéros parus à l'automne 1915, le Volati... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (3) Ajouter une critique
Un pavé dans la mare, comme dirait l'autre.

Ce n'est pas un livre à proprement parler. Plutôt une compilation et un récapitulatif de la vie du Canard Enchaîné, l'hebdomadaire satirique qui parait tous les mercredis. Dont je suis un inconditionnel... dur, de rester objectif après ça, pas vrai ?

Pourquoi ces cinq étoiles d'ailleurs ? Car si ce journal est de nécessité publique, ce travail de documentation et de mémoire doit être considéré encore un cran au-dessus. Il y a là de quoi retracer près d'un siècle d'affaires, de coups fourrés, de moeurs bien cachées... propres à la vie politique française, mais n'épargnant jamais les autres pays quand il y a matière à écrire.

L'histoire du journal, c'est aussi l'histoire de la France qui lutte et qui a toujours lutté. L'épine dans le pied de tous les puissant-es qui s'imaginent ou s'imaginaient intouchables (coucou François !), l'épine dans la conscience de tous les citoyens et citoyennes qui oublient bien trop facilement... d'où l'on vient.

Ceci est une oeuvre d'utilité publique, remplie d'histoire, d'anecdotes, de caricatures, de satire, d'humour et d'amour libertaire.

Un grand coin coin à tous et à toutes. On se retrouve dans cent ans !
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Pour ses 100 ans, l'indispensable volatile a pondu un beau bébé de 2,400 kilos et 672 pages, qui offre un florilège historique de ses meilleurs articles, dessins humoristiques et unes, dont la mythique datée du 10 janvier 1934 : « Stavisky se suicide d'un coup de revolver qui lui a été tiré à bout portant ».


Le Canard enchaîné est né deux fois : la première en 1915 pour 5 numéros, la seconde en 1916, les deux en plein fracas de la première guerre mondiale. Lancer un journal satirique en de telles circonstances ne manquait déjà pas d'audace mais le faire en brandissant la liberté de la presse alors que la censure régnait, refuser le moindre centime de la publicité pour rester indépendant, et s'engager à lutter contre les excès de la propagande et les méfaits du conformisme, relevait d'un culot hors normes.


Ce fut celui de Marcel Maréchal, le fondateur du journal : « Mon premier mouvement quand je vois quelque chose de scandaleux, disait-il, c'est de m'indigner ; mon second mouvement est d'en rire, c'est plus difficile mais c'est plus efficace ». C'est toujours le cas 100 ans après. Et, répétée dans les éditoriaux des deux numéros 1, sa définition du Canard comme « un journal vivant, propre et libre », a elle aussi traversé le temps.


Je ne saurai terminer sans signaler la page culturelle du palmipède et ses fameuses critiques littéraires. Vivement la rétrospective du bicentenaire toujours vivant, propre et libre !
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Un condensé d'articles publiés dans ce journal satirique , plus que centenaire (101 ans, cette année ) ils présentent, tous, la même saveur, la même malice , la même insolence doublée d' intelligence, la même sagacité, la même impertinence ( je dirai quelques fois même une bonne dose de pertinence) , la même lucidité . Un régal.
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Citations et extraits (4) Ajouter une citation
Albert Camus l’Algérien par Morvan LEBESQUE , publié le 2
3 octobre 1957, dessin de Pol Ferjac.

(…) Le jour où Albert Camus ira là-bas recevoir son prix, le drapeau tricolore flottera sur l’estrade, et ce sera justice : aucun écrivain vivant n’a plus amoureusement enchâssé notre langue dans ce que Proust appelle « les anneaux d’un beau style ». Oui, Camus est Français, et écrit en français, et c’est la France, en sa personne, qui reçoit le prix Nobel. Et pourtant Camus est seul, doublement seul, et comme une patrie à lui seul. Par le fait qu’il est né en Algérie, d’abord ; et ensuite, parce que toutes les valeurs dont il se réclame sont aujourd’hui sacrifiées par la violence.
Quel symbole et quel crève-cœur !
A l’orée d’un continent baigné par une mer civilisatrice, des hommes avaient reçu, de ce que les uns nommeront Dieu, d’autres l’Histoire, une mission et une chance exceptionnelles. Deux races, deux mondes s’étaient rejoints là, et qu’importait après cent ans, que ce fût par une conquête ? La conquête appartient au passé. N’eût-il pas été sage de comprendre l’admirable situation née de cette rencontre ? N’eût-il pas été raisonnable d’accepter le cadeau miraculeux et de forger ici la fraternité de l’Europe et de l’Afrique, mieux encore : de prouver ici, par l’exemple, que des races ne sont rien et que l’homme ne peut subsister qu’en vivant en paix avec l’homme ? Au lieu de cela, de cette terre de destin, on a fait un champ de bataille. D’un côté, on a parlé en propriétaires, en maîtres, et de l’autre on a déshonoré jusqu’au mot indépendance en massacrant des innocents.
A l’entêtement paresseux et sans génie ont répondu les assassinats, les gorges et les nez coupés, l’appel à une guerre médiévale. Et au centre de ce combat, dis-je, un homme : Albert Camus. Le seul à savoir ce qu’il fallait faire, parce que cette science vient de l’esprit et du cœur. Oui, en couronnant Albert Camus, le prix Nobel a couronné l’Algérien. Un solitaire désespéré.
Pourquoi le taire ? Au Canard, nous aimons beaucoup Albert Camus. Nous l’aimons pour mille raisons (…)
Or j’ai en ce moment sus les yeux une coupure de presse et une photo. La coupure de presse – six lignes – m’apprend qu’en déblayant une des maisons de la Kasbah d’Alger – détruite l’autre semaine par ordre, et cette destruction entraîna l’explosion de bombes cachées – on a retrouvé le cadavre d’une femme et d’un gosse ; et le rédacteur de l’article, sans plus s’émouvoir, ajoute qu’il doit bien encore y avoir deux ou trois cadavres d’Arabes sous les décombres. Quant à la photo, elle représente une petite fille française de onze ans, en sarrau d’écolière, assassinée par les fellagas. Assassinée est un euphémisme. On a tué ses parents sous ses yeux, et puis on l’a violée, et puis on lui a fort savamment séparé la tête du tronc avec un couteau. Peut -être tout cela est-il « de bonne guerre » ? Gentils proverbes, à la rescousse ! « A la guerre, comme à la guerre ». « On ne fait pas d’omelettes sans casser d’œufs » et « Qui veut la fin, veut les moyens ». Mais moi, je songe à ces enfants qui sont morts avant même d’avoir l’âge de savoir pourquoi les hommes se font la guerre (…)
Un charmant écrivain plein d’esprit et de talent e don je sais, par ailleurs, qu’il est le plus doux garçon du monde, raille Camus et l’appelle : « l’homme à la conscience entre les dents » Et, bien sûr, rien n’est plus ridicule qu’une conscience – même comme c’est le cas, lorsqu’elle est parfaitement lucide, car l’avez-vous remarqué ? Jamais Camus n’a marché dans un seul bobards philosophiques et politiques à la mode, jamais, il n’a eu à se repentir d’avoir « adhéré » à quoi que ce fût, jamais on ne l’a entendu crier « Vive ! » ou « A mort ! » avec la foule infantile, jamais il n’a sombré dans les manichéismes de droite ou de gauche, voyant tout blanc les uns et tout noirs les autres ; jamais, enfin, il n’a pris le Social pour un dieu omnipotent capable de résoudre tous les problèmes. Mais passons. En admettant qu’une conscience soit ridicule à brandir entre les gencives, elle est tout de même plus inoffensive qu’un couteau. Or, chers esthètes, ce siècle ne vous laisse plus le choix : il n’y a plus de belles bouches d’or vides, il n’y a plus que l’alternative de la conscience et du couteau. Ce couteau que la petite fille, folle d’épouvante, aperçut levé sue elle dans la main du fellaga qui l’avait violée. Ce couteau qu’on n’écartera pas seulement avec d’autres couteaux, mais avec la conscience, lucide et constructive, de quelques-uns.
C’est pourquoi, en ce jour où l’on fête un Français d’Algérie Prix Nobel, je voudrais bien qu’on ne se contentât pas de lui tresser des couronnes. Je voudrais bien que l’on commence enfin, à l’entendre. »
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Le Canard , depuis la mort de Maréchal, appartient à ses salariés. Le fondateur avait demandé à sa femme Jeanne de distribuer sous forme d'actions non cessibles les parts du journal à l'ensemble de la rédaction. C'est ce principe de collégialité qui a permis et permet encore de résister, décennie après décennie, à toutes les entreprises de récupération, de rachat ou de déstabilisation. Le Canard porte une chaîne, mais pas de fil financier à la patte.
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Comme chacun le sait, l'indépendance d'un journal commence par celle du tiroir-caisse. Pour le remplir, le Canard a toujours été partisan d'une saine méthode : trouver des lecteurs plutôt que des annonceurs. Il vit depuis le début du seul produit de ses ventes, au numéro ou par abonnement. Sans jamais dépendre de la publicité, et donc à l'abri des pressions de ceux qui la payent.
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Cette indépendance économique se double d'une indépendance politique. Comme le disait un de ses anciens directeurs : "Le Canard n'est ni de droite, ni de gauche, il est d'opposition". [...] Il est étranger à tout parti, à toute doctrine, à tout système.
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