Je remercie Babelio et les éditions Lessius. En effet, j'ai reçu cet essai de Valérie le Chevalier dans le cadre d'une opération « Masse critique non fiction »…
Si j'avais candidaté pour ce livre, c'est que son titre et sa présentation touche une situation qui m'interpelle particulièrement :
Ces fidèles qui ne pratiquent pas assez…, sous-titré « quelle place dans l'Église ? ».
Élevé dans la foi catholique, issue d'une famille pratiquante, j'ai d'abord cessé de fréquenter l'Église de manière régulière quand j'ai quitté mes parents pour vivre ma vie d'étudiante, puis de jeune femme partagée entre maison, mari, enfants, travail, etc… J'y suis revenue il y a une vingtaine d'année, au gré de rencontres avec des prêtres et des laïcs dont je partageais les valeurs… Je m'en suis de nouveau éloignée, d'une manière sans doute plus définitive, n'allant plus à l'Église que pour des cérémonies d'obsèques ou de sacrements. Je ne m'y sentais plus à ma place, me sentant jugée quand j'essayais de dialoguer sur des problématiques comme la condamnation du mariage pour tous, sur la place des divorcés… Je crois que la goutte qui a fait déborder le vase a été le déni face aux affaires de pédophilie mettant en cause des religieux…
Je dis souvent que je préfère assumer une posture de bonne mécréante, quitte à passer pour une mauvaise chrétienne. Naturellement, j'ai une approche assez littéraire des Évangiles et j'argumente souvent à partir des textes fondateurs…
Ce livre ne parle pas des raisons qui poussent les fidèles à quitter l'Église ou à abandonner la pratique régulière. Là n'est pas son propos et je n'y ai donc pas trouvé de réponse ou d'exemples se rapprochant de mon cas personnel…
Dans un exposé bien construit et accessible,
Valérie le Chevalier s'intéresse essentiellement à la place qu'ont (ou n'ont pas ou n'ont plus) dans l'Église les fidèles qui ne pratiquent pas. Elle interroge la capacité pour l'Église de les intégrer et de tenir compte de la vie laïque et d'une manière différente de vivre la foi chrétienne.
La première partie est historique et pose quelques principes, met en lumière des statuts et des critères canoniques, des études statistiques, scientifiques, sociologiques. Elle explique comment on a peut-être tort de déterminer l'attachement d'une personne à l'Église à partir de signes extérieurs et de pratiques. J'ai trouvé très parlante l'échelle à cinq niveaux : les séparés, les conformistes saisonniers, les pratiquants irréguliers, les pratiquants réguliers et les dévots… L'auteure conclut sur l'actuelle pertinence de normes en inadéquation totale avec la vie réelle des personnes concernées.
J'ai trouvé quelques pistes de réflexion dans la deuxième partie, axée sur la lecture des Évangiles, sur les croyants renvoyés chez eux par Jésus par opposition aux disciples et à ceux qui le suivaient et sur l'hospitalité ouverte et prônée envers les « outsiders ». Il est vrai que Jésus renvoie souvent à la vie ordinaire ; comment interpréter la fameuse sentence, « va, ta foi t'a sauvé » ? Jésus invite les gens à retrouver leur place et à porter témoignage ; il sacralise la vie ordinaire. Ailleurs, il met en garde ceux qui ont une charge de disciple ou d'apôtres, afin qu'il garde une posture ouverte.
La troisième partie cite beaucoup l'ouverture d'esprit du pape François, ses virages. Même si la pratique eucharistique reste primordiale, il parle de tolérance et porte le souci de réhabiliter tous les fidèles au sein de l'Église, notamment celles et ceux qui vivent « une foi sincère et intense » hors des sentiers battus. Force est de constater cependant qu'il est mal venu de parler ouvertement de ses doutes, de chercher ailleurs que dans l'Église des réponses ou des formes d'engagement.
Valérie le Chevalier évoque les demandes de rites et de sacrements émanant de personnes silencieuses ou absentes dans l'Église et leur donne sens, valeur de professions de foi. Il y a aujourd'hui inversion de la parabole du pasteur : il ne s'agit plus de laisser le troupeau pour sauver la brebis manquante ; la minorité est à l'intérieur et la masse du troupeau s'est éloignée. Les « baptisés hors-piste » ont aussi besoin d'un espace où s'exprimer, d'être reconnus dans leur fidélité paradoxale et déconcertante.
La conclusion propose de passer à un stade inclusif, nécessaire et complémentaire : « foi qui sauve ET foi attestataire ». le chemin est long !
Valérie le Chevalier est directrice du cycle « Croire et comprendre » au
Centre Sèvres. Elle publie ici un essai qui a le mérite de poser clairement la question de la place des pratiquants occasionnels dans l'Église d'aujourd'hui.
Pour ma part, j'en retiens des arguments convaincants pour une interprétation plus ouverte des Évangiles. Cependant, je demeure pessimiste quant à l'évolution de l'Église du XXIème siècle…
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