Une vraie leçon de peinture! Un parcours opiniâtre et généreux dans la recherche et la libre création picturale!
L'exposition-et son catalogue-retrace avec rigueur, précision et minutie le parcours de František Kupka , un peintre dont le nom jusque là m'était, je l'avoue, inconnu, et qui a pourtant exploré toutes les formes de peinture à sa disposition - dessin, encre, illustration, huile, aquarelle- en étant presque toujours un novateur, un expérimentateur, et même un théoricien à la pointe de chacune des " révolutions" artistiques qu'il a engagées.
František Kupka est tchèque, et naît en 1871. Après avoir bourlingué en Bohême , en Autriche et dans les pays scandinaves, il se fixe à Paris en 1897 et gagne sa vie en réalisant des dessins satiriques pour certains journaux un peu anars et anticléricaux dont il partage les idées.
Très vite, sa recherche sur les contrastes simultanés et sur les couleurs - leur "forme", leur "mouvement"- , le pousse à rechercher des voies nouvelles - vers le futurisme, avant les Delaunay, vers l'abstraction, avant Malevitch.
En 1912, il présente trois oeuvres "futuristes" composées sur des "plans par couleurs". Il prolonge cette experimentation avec "Amorpha" , nouvelle série de peintures tendant vers une abstraction géométrique qu'
Apollinaire qualifiera d'orphisme. Grand mélomane, Kupka cherche des correspondances entre musique et peinture, dans le droit fil de ses recherches chromatiques.
Dans son atelier de Puteaux, il crée, recherche et enseigne. Et continue de se rendre à Prague où il a été nommé professeur. Loin des écoles en "isme', il prône une peinture qui puisse "s'élever au-dessus des peintures photographiques, religieuses, historiques, anecdotiques. Rejoindre la peinture pure."
Magnifique coloriste en même temps que grand théoricien de la couleur, il pratique une peinture toujours dynamique, lyrique , inspirée - et en même temps non figurative- qui "parle" aux yeux, à l'imagination, au coeur. A l'exception d'une période "machiniste" froide et mécanique, assez rebutante, pour moi, j'ai été de surprise en découverte, et de découverte en enchantement! J'ai été littéralement subjuguée!
Sa Baigneuse de 1906 annonce déjà un patient travail de décomposition formelle de la couleur, on entend la mélodie du piano dans sa peinture du Lac de 1909, et son Grand nu de 1909 préfigure les éclatantes réussites des autres "plans par couleurs' de 1910- dont cette Femme dans les triangles, toute de grâce et d'élégance , dans ses vibrations colorées et géométriques!
Une grande salle permet à ses très grandes toiles des années 20 de s'ouvrir comme des fleurs japonaises qu'on aurait plongées dans l'eau et qui deploieraient leurs corolles colorées.. Magie, rêve, et pourtant plus rien de figuratif! Nous allons, de toile en toile, , dans cette grande salle claire, comme des enfants émerveillés. ..
Kupka, un très grand peintre, qu'il faut découvrir, tant qu'il en est temps encore, au Grand Palais!