Christophe Leclerc a voulu rendre hommage aux Français et soldats Nord-Africains qui ont combattu aux côtés des Arabes au cours de la Révolte que le Chérif hachémite Hussein de la Mecque, commandeur des Croyants, déclencha contre les Turcs en 1916.
Il a fouillé les archives afin de faire ressurgir les noms et témoignages de ceux qui ont illustré nos couleurs pendant les campagnes du Hedjaz, de Transjordanie et de Syrie, entre 1916 et 1918 : Matte, Pisani, Brémond, Cousse, pour n'en citer que quelques-uns.
Les rapports que ces hommes devaient entretenir avec les Bédouins furent bons sur le terrain, quand il s'agissait de combattre l'ennemi germano-ottoman, mais beaucoup plus compliqués dès qu'il s'agissait de considérer les choses sous l'angle politique.
Édouard Brémond, premier responsable de cette Mission militaire française au Hedjaz, avait reçu l'instruction de veiller à ce que les opérations essentielles fussent menées par une brigade franco-britannique et à ce que les Arabes soient contenus dans la zone de la péninsule arabique et ne se mêlent en rien de ce qui se passerait sur le territoire de l'actuelle Jordanie et surtout sur celui de la Syrie, car Paris entendait se réserver la question du sort de l'ensemble syro-libanais. Les Français étaient d'autant plus fondés à croire que le secteur serait placé sous leur responsabilité que des accords secrets passés entre Sir Mark Sykes pour la Grande-Bretagne et François
Georges-Picot prévoyaient un partage des dépouilles de l'Empire ottoman, une fois celui-ci vaincu, entre les Alliés, sous forme de zones d'influence.
Mais les Anglais du Caire ne l'entendaient pas de cette oreille, et notamment l'un de leurs plus jeunes officiers,
Thomas Edward Lawrence qui voulait accompagner l'un des fils du Chérif Hussein, Fayçal et son armée jusqu'à Damas, la capitale syrienne, cela dans l'espoir de mettre un frein aux ambitions françaises.
Lawrence, dit Lawrence d'Arabie, croyait-il vraiment que ce que feraient les Arabes les armes à la main pourrait défaire les arrangements conclus entre France et Angleterre. En réalité, les gouvernants de Paris et de Londres attendirent que les canons se taisent pour relancer leur entente, sur le dos des Arabes cette fois. Et Fayçal dut finalement quitter la Syrie après avoir vu son armée se faire battre à Khan Mayssaloun, en 1920.
Christophe Leclerc n'est pas allé jusqu'à traiter ce dernier épisode. Son propos était plus limité. Il donne à voir le rôle joué par les unités franco-maghrébines aux côtés des Arabes, l'importance capitale de l'aide de l'artillerie placée sous les ordres de Pisani à qui Lawrence rend d'ailleurs hommage dans
les Sept Piliers de la Sagesse.
Les témoignages des officiers impliqués dans ces actions de guerre au plus proche de "l'armée" de combattants "réguliers" et irréguliers qui obéissaient à l'émir Fayçal sont intéressants, notamment quand ils expriment leur opinion à l'égard de
T.E. Lawrence, à la fois admiré par les uns sur le plan militaire, pour son courage et son audace, et détesté par les autres pour son combat en faveur des intérêts parfois convergents et souvent plus divergents des Anglais et des Hachémites (c'est-à-dire de Hussein et de ses fils).
Christophe Leclerc a su conserver un regard assez neutre sur les positionnements politiques et géostratégiques des différents acteurs dans la région durant les années 1916, 1917 et 1918.
Le colonel Rémy Porte aborderait lui les choses d'une autre manière et choisirait certainement de défendre l'action de Brémond en critiquant celle de Lawrence.
Quel que soit le jugement que l'on puisse porter sur ce qu'ont fait les uns et les autres, il n'en reste pas moins que le rêve caressé par les Hachémites de contrôler une grande partie de la région a été plus que déçu.
Et c'est cela la leçon de l'Histoire.
Mais cela n'entre évidemment pas dans les considérations de
Christophe Leclerc qui s'est limité ici à aborder les seuls événements de 1916 à 1918, regardés avec les yeux des soldats français.
François Sarindar, auteur de :
Lawrence d'Arabie. Thomas Edward, cet inconnu