L'heure de la retraite a sonné pour Karl Kling. Et celle du temps libéré pour faire le bilan de sa vie. Brouillé avec sa fille depuis huit ans, il lui écrit une longue lettre. Et cette lettre est notre fil conducteur pour traverser l'histoire de cet homme depuis l'Allemagne de l'après-guerre jusqu'aux années 80, avec la reconstruction, la division en deux états, le passage à l'ouest.
Le choix du titre est une vraie réussite car il résume à lui seul les problématiques de Karl et le wiktionnaire éclaire notre lecture ;-) Il précise l'étymologie du terme parallèle, composé du grec, pará = à coté et de állêlôn = l'un et l'autre.
Et c'est exactement ce qu'a ressenti Karl. Toute sa vie, il a été tiraillé entre ses désirs et sentiments pour des hommes et le souhait de fonder une famille, de se fondre dans la norme. Cela le conduit à ne pas faire de choix et à mener, en parallèle, une vie cachée, clandestine, marginale qui n'était pas sensée croiser sa vie familiale et qui amène forcément à faire des comparaisons, des jugements de valeurs. Et forcément, ça se solde par un échec sur les deux lignes de sa vie.
Le titre original Parralel met plus subtilement l'accent sur l'identité, le sentiment de soi et d'être en décalage total avec la supposée normalité des autres.
Le récit est poignant, le ton est si juste qu'on pourrait croire à une autobiographie (ce qui n'est pas le cas). le dessin, noir et blanc, aquarellé, apporte une mélancolie et une tristesse qui soulignent bien les sentiments du personnage, pas toujours sympathique (particulièrement avec sa seconde femme) mais dont on comprend les contradictions.
On ne peut s'empêcher de penser au film documentaire de
Sébastien Lifshitz,
Les invisibles rapportant les témoignages, moins sombres, de couples contemporains de Karl Kling qui se sont autorisés à s'épanouir dans leur homosexualité malgré les tabous de leur époque.
Un roman graphique qui trouve toute sa place dans la ligne éditoriale de Steinkis en abordant un sujet de société toujours d'actualité dans un 21è siècle, où plus de 70 pays répriment encore l'homosexualité parfois jusqu'à la peine de mort, où dans les pays aux avancées législatives significatives,et malgré la parole libérée, existe toujours l'homophobie.
N'étant pas germanophone, je n'ai pas trouvé d'infos sur l'auteur, son titre est malheureusement attribué à tort sur de nombreux sites à son homonyme français, et homologue en bd.
C'est ma première participation à Masse critique et vraiment, c'était une très, très bonne pioche !! Merci encore à Babelio et aux éditions Steinkis.