Pedro Lenz est un écrivain suisse, de langue allemande ou plutôt du Bärndütsch, le dialecte bernois. Il ne s''en cache pas, au contraire, situant ses livres dans la ville de Olten et alentours, tout à côté de Aarau, dont tous les suisses disent du mal. Est-ce parce que la cité a voulu afficher son indépendance face à Berne, en créant la République d'Argovie, et où les députés suisses se réunirent en 1798 pour proclamer la République Hélvétique. Donc Olten, dans le canton de Soleure (Solothurn), là où sont stockés la plupart des réserves d'or des banques suisses. L'avantage de la ville est d'être à un important noeud ferroviaire entre Bâle, Zurich et Berne. « Olten, c'est une ville triste, terriblement triste, mais Olten c'est un peu mieux que Schummertal ». Les protagonistes des romans de
Pedro Lenz ne se privent pas de voyager entre ces villes. Deux ouvrages traduits donc du dialecte bernois «
Faut quitter Schummertal !» traduit par Daniel Rothenbülher et Nathalie Kehrli (2014, Editions d'En Bas, 168 p.) et «
La Belle Fanny », traduit (du bernois, est-il précisé) par Ursula Gaillard (2018, Editions d'En Bas, 180 p.). Les titres originaux sont « der Goalie bin ig » (Je suis le gardien de but) et « di schöni Fanny », c'est important dans la mesure où Goalie est le surnom du protagoniste du premier ouvrage. En fait il s'appelle Ernest. Pourquoi Goalie, simplement que, en tant qu'enfant, joueur de foot, c'était celui dont on ne voulait pas. « Quand des gamins jouent au football, j'veux dire, quand ils jouent au football pour de vrai, en formant des équipes et tout, y a personne qui veut être gardien. Des gamins normaux rêvent de mettre des buts, ils ne rêvent pas de les empêcher ». Tout est dit pour ce que sera la vie future du protagoniste qui a tendance à endosser les torts des autres et à se faire embarquer dans des coups tordus. Heureusement, il lui reste Regula, la serveuse du Central, de qui il est vaguement amoureux., mais qui vit avec Budi, une situation pas toujours pacifique.
Dès le début du livre, on apprend qu'il sort d'un an de prison à Witzwil. C'est un établissement pénitentiaire pour peines relativement légères au bord du lac de Neuchâtel. Les conditions de sécurité sont minimales, avec possibilité de travailler dans une exploitation agricole. Et le retour à la vie quasi normale, après des soupçons de trafic de drogue, auquel il a apparemment renoncé. Enfin trafic, c'est vite dit, il a transporté de la came pour le compte d'un ami, et s'est fait poisser. Toujours la malédiction du gardien de but… Depuis, il lui reste à reprendre sa vie « À vrai dire, ça a commencé bien avant. Mais je pourrais tout aussi bien prétendre que ça a commencé ce soir-là, quelques jours après mon retour de Witz ». « C'était peut-être vers les dix heures, peut-être une demi-heure plus tard. Peu importe. En tout cas, une bise à décorner les boeufs. Schummertal. Novembre. Et moi, le coeur lourd comme un vieux torchon mouillé. Je vais donc au Central, prendre un café pomme ». D'autres fois, ce sera un café poire. « J'avais déjà claqué le fric que j'avais reçu en sortant de taule, j'sais pas comment. Donc ce soir-là, pas un rond, mais une terrible envie de café pomme, de compagnie et de bruits de voix ».
Finalement, il arrive à emmener Regula en Espagne, où un de ses copains a hérité d'une maison. Cela fera un break dans le ménage chancelant de Regula. Mais il ne se passera rien. Tout le monde rentre à Schummertal. « Les jours passés dans la maison de Stoferli ont filé à toute vitesse. Parfois on allait simplement voir la mer. Parfois on allait simplement se promener sur les collines en tournant le dos à la mer. Entre deux, on faisait des allers et retours sur le bac, juste comme ça, pour être sur un bateau. ».
Il finira par confier à Gross, le chef de la police locale. « Vous savez ce que je crois, chef, je crois que dans ma vie j'ai déjà eu une longue patience, une patience beaucoup trop longue, et bien peu de bonheur ».