En l'an 2004, la population du Cap-Vert a vécu une expérience proprement terrifiante, catastrophique pour sa maigre agriculture, lourde de sens pour sa foi chrétienne, ahurissante pour son insularité : une nébuleuse invasion de Schistocerca Gregaria, le redoutable criquet pèlerin.
Cet insecte voyageant dans les airs, poussé par le fort vent-arrière nommé dans cette zone « alizé », parcoure jusqu'à 200 kilomètres en une journée. Il tombe dans la mer à la nuit, les cadavres noyés des premiers servant de radeau à leurs congénères, la multitude faisant le reste.
En moins d'une semaine, ils avaient atteint l'archipel depuis les côtes mauritaniennes, rappelant à certains le dramatique épisode des années 1988 et 89.
Les Nations Unies, et plus particulièrement le Maroc, avaient alors dépêché d'indispensables moyens chimiques et aériens pour combattre ce véritable fléau, exterminant au passage un très grand nombre d'oiseaux, dont certaines espèces ont depuis disparu de ces terres au si fragile écosystème.
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Ou quand la lecture d'un roman soviétique entraine la plongée dans l'histoire de son pays d'adoption.
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Curieusement traduit en « sauterelles » par la très confidentielle Isabelle Chérel — les entomologistes laissés à leurs vociférations — ce court roman relate les aventures de quelques haut-fonctionnaires détachés en Asie Mineure soviétique, au prise avec cette invasion de locustes voraces.
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L'humour et le pragmatisme de ce texte l'éloigne certainement des lyriques et hallucinées descriptions d'
Andreï Platonov, leur rapprochement évoqué par l'éditeur ne tenant qu'à la proximité de leur terroir romantique : la Steppe, frontière immatérielle entre deux continents.
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D'une morale floue et bien absurde, il illustre à merveille le combat sûrement perdu d'avance de l'Homme contre la Nature, égratignant plus ou moins subtilement le Régime au passage, alors qu'un sérieux tour de vis était progressivement opéré contre la littérature nationale ( nous sommes en 1930 )…
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Auteur quelque peu oublié, il vaut certainement le détour ( son «
Le Voleur » considéré comme précurseur du roman policier russe ), remerciements posthumes au grand « Dimitri » des éditions L'Âge d'Homme.