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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Le dernier livre de Deborah Levy est un petit traité rassemblant divers textes sur divers sujets : le rock, la peinture, la photo, l'écriture. Un fil les relie, qui est celui de la relation entre la vie et l'art.

Certains d'entre eux sont passionnants : j'ai été très sensible notamment à ceux consacrés à J.G Ballard, Paula Rego, aux soeurs Brontë, à Simone de Beauvoir, Albert Camus, Violette le Duc, Marguerite-Duras, Colette.

D'autres m'ont fait découvrir des auteures ou des artistes que je ne connaissais pas, comme Ann Quin, Hope Mirrlees, Elisabeth Hardwick, Maria Stepanova,
ou encore la photographe Francesca Woodman.

On trouve aussi dans ce recueil une irrésistible imitation de Lewis Caroll, une réflexion sur les accidents de voiture, les artistes qui meurent trop jeunes, les femmes aux yeux minuscules et des tas d'autres choses.

Certains thèmes m'ont moins intéressée que d'autres, mais c'est la caractéristique d'une telle oeuvre que d'offrir à ses lecteurs des propositions de voyages sur divers sentiers dont forcément certains sont plus familiers et d'autres plus éloignés de leurs randonnées habituelles.

Je retiens ses magistrales réflexions sur l'art d'écrire (et de lire) :

" Il y a l'histoire et il y a tout le reste. Si le reste ne nous intéresse pas, c'est que le langage ne nous intéresse pas. Chacun se fait sa propre idée de ce que doit être le reste. Chaque récit est un cheval de Troie. Qui se cache dans son ventre et dans sa bouche ? Il est toujours bon de placer quelques punaises sous les fesses d'un récit moralisateur et tyrannique, histoire de le maintenir en alerte, de lui arracher de petits cris et de s'assurer qu'il ne se carre pas dans un fauteuil, un chaton sur les genoux. Un récit s'entiche trop de lui-même et cherche toujours à se faire adorer."

et aussi :

"C'est toujours un plaisir de donner aux mots et aux phrases ce qu'il faut de justesse et de cadence, à l'histoire ce qu'il faut de divulgation et de dissimulation, d'énigme et de cohérence. Je sens que les choses se passent bien quand un personnage a quelque chose qui résiste à ma compréhension. (...) Parfois je bute sur ce que je ne savais pas. J'en perçois le son, l'étincelle, l'odeur même. Et c'est là que tout change."

Deborah Levy, (traduite par Nathalie Azoulai) met au service de ses idées et de ses enthousiasmes des phrases courtes, sans emphase, sans mots compliqués. Son style est précis et cadencé. Elle donne envie de lire tous les auteurs qu'elle cite, de voir tous les tableaux qu'elle évoque, et les photos qu'elle commente.
Elle éveille la curiosité.
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Après son autobiographie en mouvement qui m'avait tant plu (composé des 3 courts récits suivants : "Le coût de la vie", "Ce que je ne veux pas savoir" & "État des lieux") et dans lequel l'autrice s'exprimait sur des sujets à la fois intimes et universels (la place de la femme dans la société, le divorce, le rôle de mère, les enfants … pour ne citer qu'eux), les @ed_sous_sol publient dans ce recueil 32 textes initialement paru en langue anglaise, dans des revues et magazines.

J'ai pris énormément de plaisir à retrouver les réflexions de cette femme si érudite qui nous livre des anecdotes personnellavec beaucoup de délicatesse, d'intelligence et d'ouverture d'esprit. Loin d'être un simple déballage de sa vie personnelle, Deborah Levy analyse avec un humour corrosif ces moments intimes, entre réminiscences loufoques et observations impertinentes.

Ainsi, "La position de la cuillère", loin d'être un recueil de textes ayant trait à la libido de l'autrice, nous fait-il entrer dans l'intimité la plus brute de cette grande dame, dont les traits d'esprits ne cesse de m'émerveiller.

Mention spéciale pour "L'abécédaire de la pulsion de mort", texte tout particulièrement truculent, qui n'a cessé de me surprendre par la finesse de ses propos et de me faire pouffer de rire comme une enfant de cinq ans.

Textes traduits par Nathalie Azoulaine
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La position de la cuillère c'est cette tranche de vie partagée sur un palier avec son voisin Mr John et son amoureux Matteo, entre un abécédaire «  de la pulsion de mort », un portrait de l'artiste Francesca Woddman, une critique de la Bâtarde de Violette Leduc, ou encore une nouvelle qui s'intéresse plus au lapin qu'à Alice.

Vous l'aurez compris, La position de la cuillère est un recueil hybride, où les formes se côtoient, de l'autofiction à l'essai en passant par la nouvelle. Deborah Levy nous ouvre avec malice et sincérité sa vie par bribes, autant que sa bibliothèque. Colette, Barthes, mais pas seulement.
«  C'est Marguerite Duras qui m'a appris que toutes les dimensions de la vie doivent se vivre pleinement en littérature. Un écrivain est un pays étranger, disait-elle. Si je devais prendre ça à la lettre, ce qui n'est jamais une bonne idée, je pourrais dire qu'il y a en moi plusieurs pays étrangers »

Si nous croisons Nietzsche sur son palier avec son voisin, c'est à Vienne que nous croiserons Freud «  Y a-t-il une seule petite cuillère en argent qui n'ait remué des souvenirs de rage et de séduction ? »
Le lien ? Elle. Ses goûts, ses réflexions, son rapport au corps, au monde, à la lecture, et bien-sûr à l'écriture.
«  J'ai cultivé mon hystérie avec délice et terreur. J'ai senti l'aile de la folie effleurer mes yeux et une orgie de mots s'écouler d'entre mes lèvres.  »

J'ai retrouvé dans ces pages, le même ton que celui de Virginia Woolf dans sa correspondance : perspicace, complice ; le sourire n'est jamais loin, mais jamais il ne pèse. La sensibilité de Deborah Levy a su décrypter en trois pages et des chaussures, l'adolescente que j'ai pu être :
«  À ses chaussures, on sait qu'elle s'imagine une vie loin d'ici. »

J'ai eu un véritable coup de coeur pour ses lignes empreintes d'un féminisme qui n'est pas contre mais pour, sur Duras et son Amant, sur les photos de Lee Miller. Je vous laisse avec quelques extraits, n'hésitez pas vous aussi à «  pointer la petite cuillère vers l'oeuf et non à l'opposé ».
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