La position de la cuillère c'est cette tranche de vie partagée sur un palier avec son voisin Mr John et son amoureux Matteo, entre un abécédaire « de la pulsion de mort », un portrait de l'artiste Francesca Woddman, une critique de
la Bâtarde de
Violette Leduc, ou encore une nouvelle qui s'intéresse plus au lapin qu'à Alice.
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Vous l'aurez compris, La position de la cuillère est un recueil hybride, où les formes se côtoient, de l'autofiction à l'essai en passant par la nouvelle.
Deborah Levy nous ouvre avec malice et sincérité sa vie par bribes, autant que sa bibliothèque. Colette, Barthes, mais pas seulement.
« C'est
Marguerite Duras qui m'a appris que toutes les dimensions de la vie doivent se vivre pleinement en littérature. Un écrivain est un pays étranger, disait-elle. Si je devais prendre ça à la lettre, ce qui n'est jamais une bonne idée, je pourrais dire qu'il y a en moi plusieurs pays étrangers »
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Si nous croisons
Nietzsche sur son palier avec son voisin, c'est à Vienne que nous croiserons
Freud « Y a-t-il une seule petite cuillère en argent qui n'ait remué des souvenirs de rage et de séduction ? »
Le lien ?
Elle. Ses goûts, ses réflexions, son rapport au corps, au monde, à la lecture, et bien-sûr à l'écriture.
« J'ai cultivé mon hystérie avec délice et terreur. J'ai senti l'aile de la folie effleurer mes yeux et une orgie de mots s'écouler d'entre mes lèvres. »
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J'ai retrouvé dans ces pages, le même ton que celui de
Virginia Woolf dans sa correspondance : perspicace, complice ; le sourire n'est jamais loin, mais jamais il ne pèse. La sensibilité de
Deborah Levy a su décrypter en trois pages et des chaussures, l'adolescente que j'ai pu être :
« À ses chaussures, on sait qu'
elle s'imagine une vie loin d'ici. »
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J'ai eu un véritable coup de coeur pour ses lignes empreintes d'un féminisme qui n'est pas contre mais pour, sur
Duras et son Amant, sur les photos de Lee Miller. Je vous laisse avec quelques extraits, n'hésitez pas vous aussi à « pointer la petite cuillère vers l'oeuf et non à l'opposé ».