Les vulnérabilités rencontrées au travail sont souvent symptomatiques de défaillances quant aux conditions de travail. Avoir le courage d'en parler n'est pas facile.
Alors rechercher des solutions est au moins une des issues ! Lire cet ouvrage par exemple!
Ce livre est à parcourir pour sortir de processus d'exclusion rencontrés au cours d'un parcours professionnel. C'est une aide pour dédramatiser des situations conflictuelles et essayer de les relativiser.
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La souffrance d'une victime de la torture ou d'un harcèlement moral, celle du rescapé d'un coma post- traumatique ou d'une avalanche en montagne ont certes des caractères indéniablement spécifiques, mais elles ont entre elles encore davantage de traits communs. Il n'importe pas tellement que la source soit identifiée d'emblée. Ce qui compte, c'est aussi - et peut-être surtout-pour le « blessé psychique », c'est que sa souffrance soit reconnue.
Certains auteurs y insistent fortement, comme par exemple, E. Gomez-Mango (1997) à propos des victimes de la torture :
« La reconnaissance de la personne et de sa douleur est […] un acte d'une extrême
importance ; Il signifie l'accueil dans le monde des vivants […] »
De même, D. Spiegel écrit :
« Dans la psychothérapie traditionnelle on encourage le patient à assumer une responsabilité plus grande pour les problèmes de la vie, alors qu'il faut aider la victime à assumer une responsabilité moindre pour le traumatisme. »
Marie-France Hirigoyen ( 1998 ) ajoute :
« Sortir de la culpabilité permet de se réapproprier sa souffrance, et ce n'est que plus tard […] que l'on pourra revenir à son histoire personnelle. »
Evoquons alors le travail récent d'un psychiatre et psychanalyste, C. Barrois (1998) . Sous le titre « Le traumatisme second », il décrit « le rôle aggravant de milieux socioprofessionnel, familial, médical, dans l'évolution du syndrome psychotraumatique». Pour lui, « le traumatisme second est la répétition, sans sa soudaineté, de la solitude, de la déréliction et de la détresse du sujet, qui se trouve non plus seul, dans sa solitude absolue dans la perspective désespérée de sa propre mort (ou de son équivalent ) , comme dans le traumatisme psychique fondateur, mais au sein même de sa collectivité, absolument seul, malgré la présence des autres. Le premier et le second traumatismes déploient alors toute la tragédie de l'homme, déchiré entre la perspective de sa propre mort et la mort sociale »
C. Barrois ajoute, à propos « du syndrome du survivant», qu'on observe souvent, « en plus ´du syndrome du survivant' , le conflit entre le survivant lui-même et ´ le syndrome social contre le survivant ' ». Ces phénomènes s'observent parfois très rapidement après le traumatisme initial mais ils peuvent aussi survenir après une période de grâce, où ce sont la compassion et l'entraide qui dominent, avant de s'évaporer.
Dans un article tout récent, F. Rausky (1999) écrit :
« A comme attentat, B comme bombardement, O comme otage, T comme torture.
Les épisodes traumatiques de l'histoire des hommes se déclinent dans toutes les lettres de l'alphabet. […] Le psychothérapeute contemporain, comme le chaman, le mage, l'exorciste ou le rabbi hassidique est appelé à accompagner son patient dans un voyage initiatique, à la découverte du sens des tragédies qu'il a vécues ».
En d'autres termes, on pourra dire que la victime attend du thérapeute d'abord une sensibilité et une capacité d'analyse particulièrement aigües, mais aussi une compétence supplémentaire, de l'ordre du religieux. Cette compétence, ce n'est pas à la Faculté de médecine qu'on l'acquiert. Elle est l'objet d'une investiture sociale.
La relation de la personne traumatisée avec ses proches est à la fois interindividuelle et groupale. La solidité et la solidarité du groupe familial sont mises à l'épreuve sur deux fronts :
– à l'égard de la victime, dont le comportement peut dérouter, dont les besoins sont accrus, dont la capacité à jouer son rôle et à occuper sa place est mise en question ;
– à l'égard du monde extérieur, qui englobe la victime et sa famille dans une même représentation péjorative.
On sait que la victime est dans de très nombreux cas loin de pouvoir faire comprendre à d'autres ce qu'elle ressent, et qu'elle ne comprend elle-même qu'imparfaitement. Enfouie, ou déniée, la blessure narcissique s'exprime quand même ; mais elle reste masquée et opaque. Ou bien, a contrario, brandie et revendiquée, elle suscite l'incrédulité et, à la longue, le rejet.
C'est ce type d' intervention que B. Poirot-Delpech (1998) résume ainsi : « la phrase qui sauve n'est plus : ´Où avez-vous mal ? ´
mais
´ Parlez surtout, dites votre frayeur avant qu'elle ne s'enfouisse !´ »
Bien entendu, l'immense majorité des traumatisés que nous pouvons voir actuellement n'ont jamais été pris en charge par une cellule d'urgence. Il va donc s'agir pour nous d'examiner de plus près ce qui se trame entre le patient et le médecin quand la frayeur a été enfouie.