Quand les décors en carton-pâte rencontrent l'imparfait du subjonctif…
Chez
Maurice Limat, ça sonne, c'est baroque et technologique à la fois, j'y ai rencontré une palanquée de néologismes qu'il affectionne particulièrement : tramono, fusaviso, ztax (ça se boit), platox, Pam-Pam, reliefcolor, martervénux, cosmavisos, dépolex, spalax, inframauve, mécanélec… il les ressort dès qu'il en a l'occasion, il a l'air de s'éclater à inventer ces nouveaux mots, et aussi à nous ressortir quelques vieilleries bien réelles et bien désuètes : smaragdin (vert émeraude), icosaèdre (forme géométrique de 20 faces), salmigondis… la langue est travaillée, avec des formules un peu ringardes, quelques envolées poétiques, une syntaxe alambiquée et même de l'imparfait du subjonctif. C'est souvent un peu ridicule, tout ça côtoie allègrement les explications techniques dignes d'un mode d'emploi Ikea, mais personnellement, j'y prend un plaisir non négligeable.
C'est un univers de science fiction très kitsch, à la mode des années 50 à 70, on sent bien que la rigueur scientifique n'a pas la moindre importance, ce qui compte, c'est que ça bouge, c'est que les images d'une science-fiction d'un autre temps ressurgissent dans notre cerveau.
Qu'est-ce qu'il vous vient en premier à l'esprit lorsque vous pensez à la série Cosmos 1999, ce n'est pas la finesse du scénario, l'acuité dans l'anticipation, non, ce sont les combinaisons à pattes d'éléphants bien sûr ! Et bien là c'est un peu pareil.
Des vaisseaux spatiaux, des ondes télépathiques, des pistolets lasers, des planètes étranges, se confrontent à des considérations terre à terre, teintées d'un machisme désuet, dans une histoire où l'émancipation de le femme est au coeur de l'intrigue, mais imaginée avec une condescendance patriarcale d'un autre temps. Mais que feraient les femmes sans le hommes, les pauvres !
Surement que dans l'anticipation de
Maurice Limat les femmes continuent à moins gagner que les hommes, mais elles ont toujours le droit de se faire appeler “Le beau sexe” et il y a toujours des speakerines à la télé.
« Mais Marianne, Janine, Sophie, de la Terre ; Ofria de Vénus et Axxim de Mars, Ekdil du Centaure et Vaoni de Cassiopée, elles avaient toutes disparu. » Je pense que c'est le seul roman de science fiction où un personnage s'appelle Janine. Sur la Terre, sur Vénus, sur la Lune, des femmes se font enlever par un mystérieux vaisseau. Puis c'est au tour de la compagne de Luc Delta, Tamara, qui semble être plus spécialement visée et comme dirait l'auteur à propos de Tamara et Luc, « selon une formule que le XXIe siècle n'avait pas changée, on dirait sur leur passage “quel beau couple” ». Luc Delta, notre héros testostéroné, beau et courageux, réussira à les poursuivre jusqu'à la planète Fao où les hommes sont réduits à l'esclavage sous le joug des femmes. Beau programme en perspective, où les clichés ne manqueront pas, il va y avoir de la casse, de l'action, et une fin James Bondienne comme il se doit.
Il n'y a pas de prétention chez
Maurice Limat, au contraire, il y a même parfois une pointe d'autodérision, c'est ce qui fait que cette lecture passe très bien, distrayante, parfois drôle, de la science-fiction ultra kitsch, même si on n'est pas loin de l'overdose sur la fin, réservée à ceux qui aiment les combinaisons à pattes d'éléphants de Cosmos 1999 et les décors orange pétant de Star Trek et qui ont un jour été subjugués par le film “La planète interdite”.