Après avoir subi une guerre obscure en 1997, l'Angleterre post-apocalyptique subit un gouvernement fasciste et totalitaire. le concept de libertés individuelles a été rayé du vocabulaire et des esprits. Les hommes au pouvoir ont transformé le peuple en moutons de porcelaine. Tout le monde file droit, sans rêve, sans passion, sans dérapage, de peur des représailles, sans cesse observé par des caméras indescentes. le Système imposé n'est jamais contrarié, malgré la répression et les humiliations quotidiennes. Les homosexuels, les gens de couleur et les idéalistes ont été gazés ou ont enduré des expériences scientifiques sordides. Personne ne bronche. Jusqu'à l'arrivée de V.
Evey Hammond a 16 ans. Elle est perdue, et c'est le premier soir où elle se contraint à la prostitution pour pouvoir manger. Manque de chance. Son premier client est un membre de la Milice. Ses collègues le rejoignent. Evey va sans doute connaître le pire. Mais c'est sans compter sur V. La théâtralité du personnage prend toute son ampleur et le carnage commence. La Vendetta est amorcée. D'attentats à la bombe stratégiques en meutres de tortionnaires, cet anonyme masqué tourmente le Pouvoir et réveille petit à petit le peuple. Mais qui est V? On ne connait pas son visage, son attitude est comparable à celle d'un clown déclamant du
Shakespeare sous LSD. Il est imprévisible. Il est l'Anarchie, le détonnateur mettant le feu aux consciences éteintes, le sauveur délirant et le bras d'une vengeance personnelle. Personnelle? Peut-être. Peut-être que ça va plus loin. Et c'est avec Evey à son côté qu'il poursuit sa marche contre l'ordre établi.
L'ambiance générale de V pour Vendetta est celle des années 50, malgré l'anticipation qui y est décrite. Les costumes, les couleurs sépia et pastel pourraient être ceux de la Prohibition aux USA, tandis que le mode opératoire du Pouvoir rappelle la psychose paranoïde de
1984 de
George Orwell. La psychologie des personnages est d'une finesse géniale, comme toujours avec Moore. le scénario nous embarque, nous criblant d'interrogations et de réflexions. On ne peut s'empécher de comparer notre vie en 2006 avec cette fresque dramatique. On se demande si l'obscurantisme ambiant d'aujourd'hui, les moralisations incidieuses et les discours sécuritaires et conservatistes ne pourraient pas nous plonger dans un univers hyper-surveillé qui briderait nos libertés et nos différences. Pour ça, V pour Vendetta est un comics actuel (même s'il a presque 20 ans), lourd de sens et d'appréhensions.
Alan Moore signe encore là une oeuvre intemporelle et de grande qualité, (mal) adaptée au cinéma par les frères Wachowski.