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sur 3957 notes
Eddy grandit dans un village picard. Enfant sensible, il est vite catalogué de ”pédale”, autant en famille qu'à l'école. Coups, brimades, humiliations pleuvent dans un milieu simple, ouvrier, peu éduqué et plus enclin à la violence qu'à l'expression des sentiments. Une fiction au ton autobiographique, mêlant parfaitement les niveaux de langue, percutante, sobre mais qui n'élude rien, pour mieux dénoncer misère humaine, sociale et culturelle, homophobie et haine de la différence.
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J'ai un avis assez mitigé sur cette lecture.
Je l'ai lu facilement, le style est fluide. le sujet pourrait m'intéresser réellement : un enfant, un adolescent qui cherche à fuir son homosexualité, à s'échapper de son milieu. Mais en réalité je suis restée extérieure à l'histoire d'Eddy. Je n'ai pas réussi à m'y attacher, à m'y intéresser. Je suis restée une lectrice "clinique", sans éprouver d'empathie. Et cela m'a gêné.
J'avais lu que l'auteur avait été très dur avec son père dans l'écriture du livre. Je n'ai pas ressenti tant de dureté que ça. Pour moi il essaie au contraire de comprendre parfois les raisons du comportement odieux de son père. Je l'ai en fait trouvé nuancé finalement.
Bref, cette lecture ne me marquera pas je pense. Et a priori, je n'irai pas vers un autre livre de l'auteur, par soucis de sensibilité.
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Le mot « roman » s'étale sur la couverture, comme pour conjurer par avance l'accusation de trahison. Car, qui s'exprime au fil des pages ? Eddy, de son vrai nom Bellegueule, enfant d'une famille ouvrière du nord de la France. Ou Edouard le brillant normalien ? Le narrateur ne règle pas ses comptes avec sa famille, n'en déplaise à certains, il les règle avec lui-même.
Étrange titre que ce « En finir avec Eddy Bellegueule », le livre refermé, l'enfant, l'adolescent Eddy ne nous quitte plus. Au contraire, il s'impose avec sa silhouette fragile, son image tremblée sur fond de misère prolétarienne. Les Bellegueule au complet occupent notre esprit. Le père, ouvrier cassé par l'usine, imbibé de pastis et dont les poings ont martelé tous les murs de la maison. La mère, dite la « grosse », abîmée par cinq grossesses, femme au foyer puis aide ménagère dans le village, qui met un point d'honneur à tenir propre sa maison déglinguée et qui envoie le gosse à l'épicerie quand l'argent manque en fin de mois pour « faire marquer ». Le fils aîné, né d'une première union de la mère, violent, bagarreur, incontrôlable quand il a bu. La grande soeur dont les ambitions professionnelles ne cessent de se revoir à la baisse et qui finit vendeuse à la boulangerie du village. Et dans l'ombre de l'enfance, les jumeaux.
Pourquoi Édouard veut-il en finir avec Eddy ? Parce qu'il ne peut lui faire de place sans se souvenir du passé, des humiliations quotidiennes réservées à un être efféminé dans un milieu où être un dur est la principale qualité attendue d'un homme. Parce qu'il ne peut oublier ses tentatives vouées à l'échec d'être comme les autres, un gars qui prend des cuites, joue au football, drague les filles et quitte l'école pour l'usine.
Édouard est un transfuge, qui a fui le monde prolétaire qui lui était assigné par la naissance, par son prénom Eddy, pour l'intelligentsia parisienne, le monde des bourgeois, des manières courtoises, du langage élégant. La mue s'est opérée et la vieille peau peut être abandonnée. Cependant, en disciple de Bourdieu qu'il est, Édouard sait qu'il a intériorisé des dispositions plus ou moins conscientes venues de son milieu, l'habitus. Derrière Édouard, il y aura toujours Eddy.
On a beaucoup reproché à l'auteur de traîner dans la boue une pauvre famille qui avait fait ce qu'elle pouvait pour élever ses enfants, pas plus mal, mais pas mieux que les autres familles confrontées à des conditions économiques et sociales difficiles. C'est ignorer l'arrière-plan intellectuel de l'écrivain. Il ne fait pas le procès d'une famille, mais d'une société qui produit des inégalités sociales dont sont victimes les plus faibles. le ton est souvent distancié pour que l'observation soit la plus juste, détachée d'une présentation misérabiliste. Certains y voient de la froideur, du mépris, comme si la peinture crue de la famille d'Eddy, de son village, de son entourage, était outrée et chargée de mauvaises intentions. Je ne le crois pas. Je suis même certaine du contraire si l'on pousse la logique jusqu'au bout : que reprocher aux siens si leurs travers, leur vulgarité, leur violence sont le produit des mécanismes sociaux ?
L'ambiguïté du titre est magnifique : Eddy a maintenant sa place, qu'Édouard le veuille ou non.
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Ce "roman", je l'ai dévoré. Il m' a pourtant souvent gênée. Eddy Bellegueule devenu Edouard Louis raconte son enfance dans un milieu misérable, ouvrier du Nord de la France: la violence, les préjugés, la misère matérielle et culturelle, la méfiance vis à vis de la médecine, le manque d'hygiène, les valeurs dites viriles, les déterminismes, etc...et tout cela dans les années 1990-2000 puisque l'auteur est né en 1992. Même lorsqu'on vient d'un milieu modeste, on reste parfois interloqué car on a l'impression de lire une autobiographie (car c'en est une, l'auteur le dit lui-même), du début du XXème siècle.
Eddy découvre son homosexualité ce qui lui vaut un rejet de sa famille, de son entourage et des insultes et brimades au collège. Certains passages sont vraiment éprouvants. Il fait tout pour se conformer au modèle proposé par son entourage...en vain.
J'ai trouvé ce récit bien écrit, bien construit en abordant les thèmes sociologiques sous l'angle littéraire. Il joue sur différents niveaux de langage. Il a été mal perçu par sa famille et je le comprends, il ne pouvait en être autrement.Cela a même dû être extrêmement violent, pour sa mère notamment, qui a pu y voir ingratitude et mépris. Bien sûr Edouard Louis affirme qu'il s'agit d'un roman mais il met son vrai nom sur la couverture, a dit à plusieurs reprises qu'il s'agissait de lui. Il n'y a pas suffisamment de distance, à aucun moment on ne sent de la tendresse, des excuses éventuellement... On comprend qu'Eddy était malheureux, qu'il se sentait différent, qu'il ne partageait pas les valeurs, les goûts de son entourage et on pressent que vivant à Paris dans des milieux intellectuels et cultivés, il se sentira également décalé car l'enfance est fondatrice. La honte sexuelle sera remplacée par la honte sociale.
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Ce n'est pas un livre écrit pour choquer : c'est un récit qui permet à l'auteur de se délivrer en racontant.
N'empêche, il choque. Beaucoup, du début à la presque fin : jusqu'au moment ou Eddy devient Edouard, jusqu'au moment où, enfin, il peut naître. Donc vivre et respirer. Librement.
Au secours !!! C'est le sentiment que j'ai eu tout au long de cette lecture, que j'ai faite en apnée complète. Heureusement, Edouard a eu ce courage-là : se sauver par sa propre force. En fuyant la misère intellectuelle et sociale.
Tout ceci est raconté d'une manière très impudique et très crue.
En général, je dirais que "ça n'est vraiment pas ma tasse de thé". Pourtant, ici, je n'ai jamais pu décrocher. J'étais spectatrice d'un enchaînements d'événements plus sordides et tristes les uns que les autres, espérant avec l'enfant, puis le jeune garçon, la délivrance. Et j'y croyais, moi aussi.
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Quand en finirons-nous avec le rejet de la différence? Dire qu'au Moyen-Age, on brûlait les roux juste parce qu'ils avaient les cheveux de la couleur du feu, et qu'on les croyait les fils du diable...
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Une fois le choc passé, et c'en est un que de lire En finir avec Eddy Bellegueule, beaucoup de questions se posent. Edouard Louis, 21 ans, aurait-il écrit le même livre à 30, 40 ou 50 ans ? Avec le recul, la rage de dire cette enfance martyrisée se serait-elle atténuée, se transformant en analyse plus froide, moins dans la souffrance immédiate et dans la catharsis réparatrice ? L'auteur a voulu témoigner à chaud, sans édulcorer quoi que ce soit, raconter une enfance et un début d'adolescence cauchemardesques dans un petit village picard, une France profonde, rurale et ouvrière dont il décrit avec une précision d'entomologiste les moeurs et la vie quotidienne entre abus de boissons, haine de l'ailleurs, racisme viscéral, culte de la violence et machisme absolu. Une autofiction infernale, sincère er douloureuse dont la lucidité et la radicalité clouent au pilori tous les récits du même acabit qui fleurissent sur les étals des libraires. Edouard Louis n'a (plus) peur de rien, il a tellement vécu dans la crainte, l'opprobre et le rejet de sa "différence" qu'il a tout mis dans l'écriture pour guérir ou, au moins panser, si cela est possible, toutes les blessures physiques et morales encaissées durant des années. On pourra bien l'accuser de misérabilisme ou de tout autre grief, qu'importe, il a sa conscience pour lui et son témoignage, brut et impudique, est tout simplement implacable. Certes, son entourage n'aura jamais le droit d'exprimer sa version, sans doute est-ce la raison pour laquelle le livre est étiqueté roman, mais il y a suffisamment de faits et d'événements de l'existence de Eddy/Edouard pour qu'on ne lui intente pas un procès pour excès de malheur. Et puis, dans la description de cet environnement sordide, un écrivain est né. Sa maîtrise, son pouvoir d'évocation sont hallucinants de maturité. Evidemment que l'on vieillit plus vite quand on reçoit des coups, que l'on se fait traiter de pédé à tout bout de champ et que chaque jour ressemble à un enfer. Edouard Louis en a fini avec Eddy Bellegueule, sa reconstruction est en marche. Puisse t-il trouver son équilibre, désormais. Si cela passe par d'autres livres de cette trempe, ils seront nombreux, ceux qui le suivront dans cette quête de la sérénité et du bonheur; si tant est que ce mot signifie encore quelque chose après de telles souffrances.
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Comment critiquer ce roman ? Ce serait comme critiquer toute une partie de ma vie, de ma famille, de mon milieu, de ma classe sociale. Ce serait relater les mêmes douleurs, les mêmes souffrances, les mêmes dégoûts, les mêmes hontes, les mêmes angoisses... Mais je ne peux qu'affirmer qu'il y a moyen de se construire malgré tout cela, de trouver la force de dépasser chaque obstacle, de surmonter ces ondes négatives, d'échapper à ce monde étriqué. Vous pouvez parler de résilience, ou de catharsis, je ne sais pas, moi, mais ce que je sais, c'est qu'on peut être une "belle personne" quoiqu'en disent tous ces imbéciles, tous ceux qui confondent "virilité" avec "testostérone, violence, alcoolisme, mauvaise foi, cruauté et intolérance". Et moi, je le sais (ainsi que beaucoup d'autres) que ce n'est pas cela qui fait d'un homme, un homme.
Alors, pour toutes ces raisons, et bien d'autres, peut-être par pudeur, ou par lâcheté, appelez cela comme vous le voulez, je me tairai sur ce roman.
Et je salue le talent d'Edouard Louis.
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Récit intime, cru et bouleversant, En Finir avec Eddy Bellegueule m'a semblé par moments pouvoir rejoindre cette famille littéraire qui s'est particulièrement illustrée aux temps forts de l'existentialisme et dont certaines oeuvres, parfois parrainées par un Sartre ou une Simone de Beauvoir eux-mêmes, ont marqué les esprits de plusieurs générations de lecteurs. Je pense ici par exemple, à « L'Asphyxie », de Violette Leduc, ou à « L'Astragale », d'Albertine Sarrazin....Ou comment -pour paraphraser Hannah Arendt- «la banalité de la méchanceté ordinaire » peut provoquer des ravages insoupçonnés sur des individus dont la différence et la sensibilité à fleur de peau semblent en mesure de réveiller les pires instincts dont Homo Sapiens sait faire preuve envers ses congénères ! Il faut dire que depuis la horde primitive et jusqu'à aujourd'hui, une « méchanceté sociale et ordinaire » est régulièrement pratiquée par cette espèce singulière, à son tout premier niveau et soi-disant « gentiment », vis-à-vis de « petites différences » que présentent certains individus par rapport à une norme collective. En effet, qui ne se serait pas livré n'est-ce pas, au moins une fois dans sa vie, à une de ces petites moqueries banales et « pas méchantes » sur les moches, les petits, les gros, les strabiques, ceux qui bégayent ou qui s'expriment mal, les ploucs, les blondes, les chauves...et que sais-je d'autre, j'en passe des moindres et des pires ! ? Ce n'est pas si grave, dirait-on ! Oh ! Ce ne sont que des blagues innocentes, les mêmes qui nourrissent d'ailleurs une certaine forme d'humour, socialisée qui plus est... Car il faut tout de même pouvoir se moquer un peu des uns et des autres, juste pour rigoler – non ? Puis ne soyons pas excessivement «politiquement correctes», et puis encore qu'en est-il de la liberté d'expression en ce temps dangereux de revendications communautaires et extrémistes, etc...etc... etc... !

Certes. N'oublions pas néanmoins que quand cette forme d' « humour » s'exerce sur des individus en particulier, cela peut être blessant, parfois très blessant - même si la plupart du temps, en apparence, quand on en est la cible, l'on se sentira plus ou moins obligé « d'encaisser » voire d'en rire comme les autres.. N'oublions pas enfin que toute forme de moquerie adressée est susceptible non seulement d'affecter plus ou moins les personnes qui en font l'objet, selon leur sensibilité, leur histoire personnelle, mais aussi, suivant les situations et leur fréquence, de faire, parfois insidieusement, franchir les limites pouvant conduire , in fine, à des formes plus ou moins graves de harcèlement (celles-ci étant par ailleurs en train de se multiplier de manière très importante, particulièrement violentes et cruelles, via les réseaux sociaux actuellement).

Transposée ici en Picardie, dans un environnement social ravagé par la misère, le chômage, l'alcoolisme, le récit des mécanismes familiaux et sociaux de violence physique et morale qu'elle engendre, et que l'auteur dissèque sans concessions, peut conduire par moments les lecteurs plus sensibles aux limites de ce qui peut être humainement supportable... Quant à la souffrance qui en découle, elle y est décrite sans le moindre pathos, sans autre forme de victimisation, de manière quasiment « chirurgicale » et allant même jusqu'à montrer, sans fausse pudeur, à quel point elle peut donner naissance à des attitudes paradoxales, d'identification et d'empathie vis-à-vis de l'agresseur ( par exemple, lorsque le narrateur, voyant l'un des collégiens ayant pris l'habitude de le frapper et de lui cracher dessus, « l'air peiné », éprouvera « de la compassion » pour ce dernier , ou à d'autres moments où il se sentira de manière irrépressible attiré sexuellement par ses agresseurs).

Récit autobiographique, roman ou autofiction ? En définitif, peu importe, car En Finir avec Eddy Bellegueule reste avant tout une témoignage brutal, incisif, rugueux, mais nécessaire, dont les qualités littéraires indiscutables ne rendent que plus percutant et universel.
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Un roman qui remue les tripes, qui nous envoie une douche glaciale et qui peut faire écho à certains souvenirs. J'étais un peu sceptique au départ, méfiante face à un tel engouement et puis j'avais déjà pas mal lu de romans sur des enfances malheureuses, es contextes violents etc. Mais j'ai bien fait de passer outre mes préjugés car ce roman est spécial, il apporte une analyse sociologique implacable de l'auteur, qui a pris du recul depuis les évènements qu'il narre.
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