Michel, gamin congolais des années 70 nous raconte avec son innocence et sa naiveté d'enfant sa vie dans ce Congo récemment indépendant et communiste. Il vit dans une famille recomposée et adore papa Roger, son beau père, qui a accueilli sa mère délaissée par son père parti avec une femme plus jeune. Maman Pauline travaille sur les marchés. Un gamin qui aime et lit
Pagnol, il le cite à plusieurs reprises, et on retrouve dans ses mots, la fraicheur enfantine, la tendresse de "La gloire de mon père" ou du "Château de ma mère"......
Premiers émois amoureux, jalousie, vie simple de ces petites gens, de Michel émerveillé par le premier radiocassette. Il suit l'actualité : crise des otages américains à Téhéran, Vietnamiens chassant les khmers rouges, Idi Amin Dada fuyant l'Ouganda, combat de boxe Mohamed Ali contre Georges Foreman au Zaïre, Mesrine,
San Antonio ....toute mon adolescence.
Il a 7 frères et soeurs, enfants de Roger, plus âgés pour certains d'entre-eux, et un grand copain, Lounes le fils du tailleur. Maman ne peut avoir d'enfant avec Papa Roger, les féticheurs ont donc dit que c'était la faute à Michel qui "gardait la clef du ventre de sa mère"...à lui de la trouver ...mais où est elle....?
Un grand voyage dans cette Afrique traditionnelle qui découvre l'indépendance et reste malgré tout attachée à la France, à Giscard, plus préoccupé par ses diamants.
Un roman autobiographique, très certainement, le roman d'un enfant devenu un homme qui aime passionnément son pays, qui a passé une enfance heureuse, sans luxe, modeste, la tendresse d'une famille, une enfance au milieu de sa nombreuse famille. Une enfance racontée souvent avec des mots d'enfants, mais une réflexion toujours présente d'adulte sur les évènements de l'époque, la politique africaine. Un regard sans complaisance sur son pays, sur son peuple simple, l'arrivée de l'argent qui commence à le pourrir, et sur ses dirigeants corrompus : "Un ministre des finances c'est celui qui s'occupe de l'argent d'un pays, mais il est bien surveillé par l'État, alors que chez nous un ministre des finances c'est celui qui vole l'argent d'un pays ou qui aide le Président ou les membres du gouvernement à le cacher dans les banques de la Suisse. Chez nous l'État ne peut pas surveiller cet argent parce que chacun pique dans la caisse, depuis le sommet jusqu'à la base et tout le monde accuse tout le monde. Comme tout le monde ne peut pas aller en prison, alors on laisse tomber et on continue à piquer l'argent de l'État" (P. 263)
Un beau voyage dans le temps et au coeur de l'Afrique traditionnelle
A chacune de mes lectures l'écriture de
Alain Mabanckou me ravit. Ne vous en privez pas!