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sur 210 notes
"Le commerce des Allongés", titre facétieux du dernier livre d'Alain Mabanckou, est une fable moderne qui tout en jouant avec notre peur de la mort m'a fréquemment fait rire, mais qui, paradoxalement, ne m'a ému que sur la fin.
À peine enterré au cimetière du Frère Lachaise, Liwa Ekimakingaï, un jeune cuisinier de Pointe-Noire, ressent « qu'une secousse [a] écartelé la terre alentour et [qu'il a] été absorbé par un cyclone, puis projeté au-dessus d'une tombe qui [va] devenir la [sienne] ». Pour le dire plus vite et plus simplement, il revient parmi les vivants tout en étant mort.
Il est sapé comme jamais, bien parfumé en prévision de la vie dans l'au-delà, mais la mort ne veut pas de lui. Liwa porte d'ailleurs un nom fort à propos puisque signifiant « La mort a eu peur de moi ». Il faut qu'il comprenne les circonstances de sa mort, car on ne meurt pas de manière naturelle à 23 ans. Quelqu'un l'a provoquée et il faut retrouver cette personne.
Tel un fantôme et comme « dans le rêve le plus long de [sa] mort », il va donc assister à sa propre veillée funèbre qui dure quatre jours, le temps pour Liwa de revoir les gens qui ont compté pour lui, de raconter sa famille, son enfance, la vie dans son quartier des Trois-Cents à Pointe-Noire. Dans le cimetière du Frère Lachaise, il va également rencontrer d'autres confrères allongés avec qui il va discuter. Ils vont lui donner les dernières nouvelles du lieu, lui expliquer les circonstances de la mort des uns et des autres, le dissuader d'aller en ville se venger de la personne responsable de sa mort, conseil que Liwa ne suivra pas parce qu'il y a une histoire d'amour derrière tout cela, une histoire plus forte que la mort.
Dans cette fable, l'imagination débordante d'Alain Mabanckou m'a séduit. le récit baigne dans la fantaisie, le rêve, le réalisme merveilleux. Faire surgir quelqu'un de la tombe n'est pas une mince affaire narrative et l'auteur s'en sort plutôt bien. Il imagine par exemple que le revenant voit les choses à l'envers et, ce faisant, il donne une matérialité à cet événement inconcevable. Bien sûr, pour s'engager dans ce récit délirant, le lecteur doit tout de même enterrer une part de sa raison et adopter un regard enfantin pour croire que tout est possible. Car au fond, ce que nous dit Alain Mabanckou, c'est que la mort n'existe pas. Les morts peuvent rire, boire du vin, manger des fruits, tenir des discours, aller et venir. Ils sont plus vivants que les vivants, font preuve de courage, d'amour et nous donnent des leçons de vie. Cet aspect du récit m'a ému, dommage qu'il ne concerne que la troisième partie du roman.
Pour le reste, les talents de conteur de l'auteur et son humour m'ont procuré une lecture agréable. Il nous propose une déambulation animée dans les rues de Pointe-Noire et une évocation réussie de la modernité ou des traditions du Congo actuel. Il nous parle de la mort sans le sérieux et la gravité qui y sont attachés dans notre culture occidentale. À Pointe-Noire où vivants et morts se côtoient, on témoigne une affection particulière aux cadavres, on leur parle, on les rassure, on les cajole, on mange près d'eux, on les persuade qu'ils sont les « plus extraordinaires des trépassés de la terre ». L'humour de Mabanckou peut aussi être très caustique lorsqu'il pointe du doigt les dérives de la société congolaise : la corruption politique, les luttes de pouvoir religieuses, les sacrifices dans la sorcellerie, bref tout ce que les traditions peuvent produire de nocif. Ainsi, à côté de son aspect joyeux, le récit dégage une forme d'âpreté lorsque l'auteur aborde des questions sensibles et douloureuses par exemple le sacrifice des albinos ou des jumeaux, pratique horrible que je ne connaissais pas. Il critique également la tartufferie des religieux à travers la figure d'un pasteur qui se comporte dans la vie à l'opposé de ce qu'il préconise dans ses prêches. Il dénonce enfin la corruption et les turpitudes dans le monde politique avec par exemple des responsables qui sacrifient la jeunesse de leur pays pour consolider leur pouvoir.
Enfin, je terminerai en signalant la magnifique galerie de portrait composée par Mabanckou dans son récit. Elle lui confère une sincérité indéniable avec une profusion de personnages secondaires hauts en couleur que j'ai adorés : le pasteur Papa Bonheur, religieux qui fornique et tue des enfants, Mamba, le gardien du cimetière pour qui « il y a autant d'histoires que de tombes », Prosper Milandou, ancien DRH bienveillant et altruiste, Lully Madeira, un artiste vaniteux et arrogant. Mais finalement, ce sont les femmes qui jouent les premiers rôles dans cette histoire : Mâ Lembé, la grand-mère de Liwa, celle qui l'a élevé et « la seule personne qui comptait pour lui », les femmes du Grand-Marché qui font preuve d'une solidarité exceptionnelle, les chanteuses-danseuses-pleureuses qui assurent le « spectacle » de la veillée funèbre ou encore la Femme Corbeau, sorte de Jeanne d'Arc africaine brûlée vive en raison de ses convictions religieuses et politiques. Toutes ces femmes donnent à cette région d'Afrique noire un visage bien plus humain.
"Le commerce des Allongés" est une fable légère et profonde, souvent drôle, émouvante à la fin, parfois un peu plus politique ou sociale, mais jamais indigeste.
Vous laisserez-vous tenter ?
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Auteur déjà lu avec son livre « Mémoires de porc-épic » je n'avais pas apprécié le style d'écriture et je n'avais pas accroché. Il s'est passé la même chose avec « le commerce des allongés », et ce, depuis les premières pages. En effet, le style chaloupé et la structure du récit au contraire pêchu ne m'a pas permise d'être au rendez - vous. Une prochaine fois, sans doute !
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Il y a très longtemps que j'avais envie de découvrir Alain Mabanckou.
Cet écrivain est un phénomène, et quand on l'entend parler d'un ton tonitruant, on se dit que ses textes doivent être tout aussi vivants.
J'ai enfin pu le vérifier grâce à l'écoute de ce roman très singulier.

Liwa se réveille au cimetière du Frère-Lachaise à Pointe-Noire.
Désorienté, il tente de se repérer et de comprendre pourquoi il est là mais il a du mal à tenir debout.
Heureusement, il n'est pas seul et le comité d'accueil va le guider et lui expliquer pourquoi il est là…

C'est pratique de choisir un personnage qui n'y connaît rien à l'endroit où il vient d'atterrir !
Un autre personnage plus avisé peut ainsi lui expliquer ce qu'il doit faire, et comment fonctionne son nouvel univers.
Liwa est effectivement mort, ce n'est pas un secret dans ce texte où l'intérêt consiste justement à découvrir pourquoi.
Après avoir pris conscience de son nouvel état, fait ses adieux à sa vie, il va raconter au lecteur pourquoi il est arrivé là.
Cette plongée dans les quelques jours qui précèdent est l'occasion de dévoiler le fonctionnement de cette société où les Riches sont très loin des Pauvres.
Liwa a mis le pied où il n'aurait pas dû et le retour de bâton a été terrible.

L'écriture d'Alain Mabanckou est vive, expressive, et comme l'auteur prend lui même en charge la lecture du livre audio, on a vraiment l'impression qu'il nous raconte cette histoire en direct.
Quand l'auteur est aussi emblématique, c'est vraiment un plaisir supplémentaire de l'écouter.

Je vous conseille donc cette lecture sans réserve et encore plus en version audio avec la voix d'Alain Mabanckou dans les oreilles !!


Lien : https://lirerelire.blogspot...
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Frustrant. C'est le mot qui me vient à l'esprit en refermant le livre.

Ce roman est très riche, truffé d'idées originales et de trouvailles. La verve de l'auteur s'accorde à merveille avec l'ambiance magico-africaine du récit.
Pourtant, il manque une grande histoire à ce livre. Plus qu'un roman, c'est une succession d'anecdotes et de fables. À chaque instant, on croise des idées géniales, en se disant que cela va être enfin la route principale que va suivre le livre, et puis l'idée s'éteint et nous laisse en plan, pour faire aussitôt la place à une autre.

J'ai trouvé la première partie – judicieusement intitulée « le rêve le plus long de ta mort » – interminable, à la limite de reposer le livre. Mais ensuite, la mosaïque de récits alignés les uns à la suite des autres – chaque mort raconte son histoire – devient intéressante. On s'attend à ce que tous ces destins finissent par se rejoindre et s'imbriquer, mais non, à la fin commence une énième piste qui, cette fois, est la bonne, et explique le décès du jeune héros.

En fait, je suis frustré que cette dernière histoire ne tienne pas la place principale du roman, car elle porte vraiment en elle tous les germes pour faire une oeuvre prenante, entre l'art de raconter d'Alain Mabanckou, son univers haut en couleurs, et l'intrigue qui tenait bien la route.

Il existe les auteurs-insectes, qui pondent des centaines d'oeufs d'idées et les laissent grandir tout seuls, et les auteurs-mammifères, qui font très peu d'enfants mais s'occupent de les élever.

Alain Mabanckou a fait le choix respectable d'être un auteur-insecte…

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La vie, puis la mort : racontee par l'intéressé. 4 jours de deuil puis une 2eme vie au cimetiere des pauvres "le Frère-Lachaise".
de tres interessantes fréquentations de trepassés qui ont chacun une vision de leur nouvelle vie, très active et même engagée...! .
Notre ami Liwa, jeune adulte rangé va-t-il suivre ces conseils ou agir, mort, parmi les vivants ? Il ne serait pas le premier car les 2 populations se fréquentent en intelligence - bonne ou mauvaise, selon les volontés des marabouts.
Une vision africaine décalée et ironique de notre societe humaine.
4,5/5 pour la prose et cette vision de l'humanité.
A lire. - si ce n'est déjà fait - de la même plume et dans le même esprit "mémoire de porc-epic".
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En un mot spirituel.
J avais envie de mettre un de mes poèmes à la place d une critique.
hibiscus


Les dents m en tombent
cela pue la mort cela respire la mort cela sent la mort
à bras de corps
la vie s agrippe
la mort rôde bourreau eternel
de cette existence
elle n aime pas être provoquée
sinon elle accourt
elle n aime pas se faire oublier
sinon elle envoie une lettre de rappel
elle se faufile elle maugree un peu
sournoise elle s insinue et puis crie .
elle est douce agonisante ou soudaine
rarement tendre
les dents m en tombent
cela pue la mort cela respire la mort cela sent la mort.
elle viendra quand elle voudra car elle est capricieuse
+ que la vie qui lui rend la pareille en toute circonstances .
elle viendra quand elle voudra non quand cela vous plaira
car on choisit finalement rarement sa vie mais on ne chosiit jamais sa mort
elle viendraquand elle voudra
imprevisible elle etonne elle surprend
elle danse un slow avec la vie sur les tombeaux sur les berceaux
fleur infidele qui dés qu elle emet un parfum se fane aussitôt
de ses yeux mornes elle vous saisit et la vie prise au depourvu
va semer ses vains petales au gré de la brise
cela sent la mort cela respire la mort cela pue la mort
elle danse un slow avec la vie sur les tombeaux sur les berceaux sur tous les anneaux de mariage
langoureuse musique ( dangereux flirt )
attends un peu juste un peu
que je vive ....
mais je meurs .
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Le soir de la fête de l'Indépendance de la République du Congo, Liwa Ekimakingaï, notre héros, meurt.
On le suit alors dans le cimetière de Frère-Lachaise à Pointe-Noire où il assiste à sa propre veillée funèbre et à son enterrement.

Dans ce cimetière, il rencontrera une galerie de personnages hauts en couleurs aux histoires plus fascinantes les unes que les autres.

Sur fond de traditions africaines avec une pointe de mystique, la belle plume d'Alain Mabanckou nous embarque dans le royaume des morts où Liwa cherche à savoir ce qui lui est arrivé…
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Le jeune Liwa émerge d'un profond engourdissement, et très vite, tout comme lui, nous nous rendons à l'évidence : c'est au royaume des morts qu'il reprend progressivement conscience, plus précisément dans le cimetière du Frère-Lachaise, à Pointe-Noire, capitale de la République du Congo. Il aura beaucoup affaire, entre la découverte de ce monde nouveau, peuplé de défunts hauts en couleur de la société congolaise, et les visites au monde des vivants dans lequel il a encore des choses à accomplir. Après une enfance joyeuse, au milieu des danses et des odeurs de beignets de la rue du Joli-Soir, qu'a-t-il pu arriver à Liwa pour être si brutalement séparé de Mâ Lembé, sa grand-mère ? Reparcourant le fil de sa vie et le passé de sa famille, il part en quête de vérité, et de réparation.
Grâce à l'usage d'un « tu » s'adressant à la fois au personnage et au lecteur, Alain Mabanckou nous guide à travers une culture où les morts sont aussi agissants que les vivants. C'est avec un bonheur presque enfantin, que nous acceptons que les frontières s'abolissent, dans ce récit onirique où l'humour n'affaiblit en rien l'expression d'un vrai besoin de justice sociale et d'égalité entre les sexes.
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Ce récit est très intrigant : on nous y raconte la mort d'un jeune homme, tout en gardant le mystère sur les conditions dont celle-ci est survenue. On y découvre des croyances et des superstitions très ancrées dans la vie africaine locale.
L'intrigue nous tient en haleine jusqu'à la révélation finale !
Cependant, la narration à la deuxième personne du singulier est très déstabilisante et alourdit énormément la lecture.
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Je retrouve Alain Mabanckou dans un récit de fiction haut en couleurs quelque part à Pointe-Noire, entre le cimetière de Frère Lachaise et le Cimetière des Riches.
Nous suivons LIwa Ekimakingaï dès son réveil, après ce que nous pensons être un séisme. Liwa revient à la vie après avoir été tué.
Il vit, dans la première partie du roman, comme dans un rêve, revoyant la veillée de ses proches autour de son corps, l'occasion de présenter le cadre géographique et social.
Dans la seconde partie, on apprend qu'un mort qui se réveille doit suivre quelques règles. Les anciens du cimetière viennent lui tenir compagnie, le conseiller, lui raconter leur propre parcours, élargissant cette fois le milieu social, permettant de saisir les inégalités sociales de Pointe Noire et d'ailleurs au Congo à travers la mort.
Un peu comme un conte, ces chapitres, axés chacun sur un personnage du cimetière vont nous permettre d'apprendre ce qui est réellement arrivé à Liwa.
"Aussitôt enseveli, il ressort de sa tombe? Pour se venger?''
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