Il faut entendre sa lecture, pour que vos yeux dansent sur les pages. Il faut que les personnages passent devant vous en coup de vent, qu'ils claquent les portes, pour que votre sourire s'étire vers le lieu de leur disparition soudaine. Il faut un peu d'épices locales, pour que votre nez valide l'image qui nait devant vous.
La Breizh Brigade vous propose tout cela, et encore bien plus, le tout offert après une dernière touillade par l'excellent Mo Malø, qui revient aux sources pour nous délivrer un délicieux cosy mistery. En tous cas, cette catégorie est celle que j'ai retrouvée plusieurs fois, pour qualifier ce roman.
En réalité, ce roman est autant un polar, qu'une comédie, qu'un guide touristique, qu'un livre de réconciliation familiale, et j'en passe.
Les Corrigan sont dans la place de St Malo, ou plutôt, dans ses remparts ! de son homonyme - le korrigan, petit elfe des forêts bretonnes -, les Corrigan de l'histoire tirent malice et espiègleries (un peu plus corsées que celle de Candy!). Les farfadets de l'histoire portent les costumes de femmes de trois générations : Enora, jeune fille espiègle et future vétérinaire, Louise, sa mère, institutrice, et enfin l'implacable Maggie, irlandaise de soixante-dix ans et mère et grand-mère des deux précédentes. Oubliez tout de suite limage de mamie qui vous viendrait a lesprit, Maggie a conserve une vie epanouie, et une sexualité décomplexée. Pour et grâce à l'union de ces trois générations, le Manoir des Corrigan est une adresse renommée et un cocon bienvenu. Chaque rue de pierre devient la complice du trio lorsque le leader du groupe local de musique bretonne (le bagad) est retrouvé mort dans sa chambre, dans des circonstances qui ne laissent pas le doute sur une intervention extérieure. L'enquête laissée aux mains des autorités, quand celles-ci se matérialisent en un grand gaillard un peu pataud (mais probablement moins idiot que les vaillantes dames pourraient le croire) serait promise au gâchis. Ou bien serait-ce que le jeu est plus vibrant que le spectacle ?
"- Il faut se méfier des idées reçues, vous savez. Un flic qui a l'air d'un con ne fait pas usage de sa connerie à tous les coups. de même qu'une vieille dame qui possède une canne de marche n'en a pas toujours l'utilité non plus. Maggie en resta bouche bée."
Ce roman vibre de mille sons, et j'entends
Alain Souchon (mon amoureux depuis toujours ^^) me murmurer à l'oreille "c'est pas toi qui y'est, c'est pas toi qu'est beau"
"Soufflant tonnerre dans du roseau, disait un chanteur populaire à propos des bagadou bretons. Maggie partageait cette impression. Ou plutôt, cette sensation physique d'étre battue par le vent et les embruns. D'abord le roulement métronomique de la section de tambours. Puis le bourdon lancinant des bombardes. Avant qu'enfin ne s'élève le grand souffle aigu des cornemuses, emportant tout sur son passage. Ce n'était plus de la musique, c'était une tempête de notes et d'harmonies qui la battait par vagues. Il lui semblait que les ondes sonores colonisaient chacun de ses muscles ou de ses os, avant de repartir au loin."
Ce roman me réconcilie avec la lecture joyeuse, qui sait ne pas être plate, avec le doux parfum de ma Bretagne toute proche, et me confirme, encore une fois - comme si la conquête de mon âme n'était pas déjà acquise - que Mo Malø est un génie à mille facettes ! On m'annonce à l'oreillette un triptyque, j'espère bien garder Maggie, Louise et Enora bien plus longtemps dzns mon fil de lecture !