AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,21

sur 338 notes

La Turquie de Tayyip Erdoğan, la démocratie fragilisée, le récurrent déni du génocide arménien, le problème Kurde, la montée de l'islamisme radical... c'est un pays bien différent de celui d'Atatürk que Valérie Manteau nous décrypte, dans un livre où elle se met elle-même en scène.

Il faut sans doute avoir quelques éléments de biographie pour comprendre les subtilités de ce récit/roman à une voix, sur l'enquête d'un militant pacifiste turco-arménien assassiné. En connaissant la collaboration de l'auteure à Charlie Hebdo, son attirance pour la Turquie où elle se partage avec Paris et Marseille, on la devine derrière ses mots, avec un regard à la fois impliqué et «européen».

Le style est parfois déstabilisant, il semble dispersé, mélange de dialogues, de narration, de descriptions. On ne comprend pas toujours qui parle et de quoi. Cela demande une certaine concentration mais offre le plaisir de l'originalité. Il n'empêche qu'on se questionne sur l'hésitation de l'auteure, entre roman, papier presse ou documentaire (qui ne donnerait à voir qu'une facette de la Turquie contemporaine)

Par des digressions de rencontres et d'errance stambouliote, le livre se structure peu à peu autour de nombreuses figures d'opposants politiques ou intellectuels et de la vague de répression par le pouvoir en place, consécutive à l'échec du coup d'Etat de 2016.

Le tout est assez vivant, spontané, amusant parfois, et parle de politique et de société, nous plaçant en position de spectateur.
Un livre éclairant et affligeant sur «la bascule d'un État de droit vers l'arbitraire »
Commenter  J’apprécie          310
Quel livre déroutant ! La fiction rejoignant la réalité.  Et pour dérouter encore plus , le style de Valérie Manteau enfonce le clou. Des phrases sans ponctuation, des personnages en veux tu en voilà,  des noms turcs,kurdes,arméniens et puis le dédale d'Istanbul,ces quartiers européens ou asiatiques, la traversée quotidienne du Bosphore ou de la Mer de Marmara.
Je me suis perdu dans ce livre qui paraît foutraque, mal maîtrisé .
J'ai pensé laisser tomber.
De prime abord je n'ai pas compris que le sillon est reçu le Prix Renaudot.
Et puis je suis allé au bout de cette plongée dans Istanbul et dans la Turquie d'aujourd'hui.
Tout cela à infusé.
Et en définitive le suis tombé sous le charme du Sillon de Valérie Manteau.
Ce livre est à l'image de ses villes arabes avec leurs souks, leur médina .
on a du mal à  s'orienter,à comprendre le cheminement de ruelles , on est submergé par les odeurs , la langue arabe.
On ressort de ces villes tout bizarre, sans tout comprendre ce que l'on a vécu
Et pourtant le temps passant, il reste une nostalgie de ses médinas, de ces ambiances. Peut être  un besoin impérieux d'y retourner pour retrouver cette ambiance.
Le  sillon m'a laissé la même impression. le livre est complexe, déroutant comme l'époque ou il est écrit et comme la situation de la Turquie.
Et puis l'auteure narratrice est ,elle aussi, déroutée, interrogative, à  la recherche d'une compréhension de cette Turquie du 21ème siècle.
Ce pays aux confins de l'Europe et de l'Asie, au prise avec une dictature rampante.
Qu'en est il des peuples qui ont peuplé ces territoires: Arméniens, Kurdes, Syriens, Turcs.
La Turquie se ferme, se rabougrit, exile ses contestataires,  les emprisonnent ou les tuent.
C'est cela que nous raconte le sillon en prenant comme figure de proue Hrant Dink journaliste arménien assassiné en 2007 devant son journal Agos ( le sillon en arménien )
Hrant Dink était un homme de pays défendant aussi bien les Arméniens que les Kurdes
C'est dans ses pas que va marcher Valérie Manteau alors que la France est marqué par l'attentat de Nice et la Turquie par la tentative de coup d'État de juillet 2016.
Elle va rencontrer Asli Erdogan, écrivaine qui dénonce le régime autoritaire turc et prend position en faveur des kurdes. Ce qui lui vaudra 6 mois de prison et sous la pression internationale, une libération.
Mais Asli Erdogan comme beaucoup d'autres prendra le chemin de l'exil
Après la lecture de le Sillon il est salutaire de lire ou relire Le silence même n'est plus à toi d'Asli Erdogan ,recueil de ses chroniques dans le journal pro kurde Ozgur Gundem
Cela resitue le livre de Valérie Manteau et la profondeur de celui ci.


Commenter  J’apprécie          261
Voilà un livre qui ne se laisse pas appréhender aisément. Et c'est cela, parfois, que je recherche dans un prix littéraire.
Le style est quelque peu haché, apparemment brouillon parfois, apparemment. Car il en émane finalement une sorte de poésie, de transcription de la pensée comme elle vient. Il faut un peu s'accrocher, comme pour suivre le fil de la pensée, de la vie stambouliote de l'auteure/narratrice.
La Turquie je n'y connais strictement rien, alors sa politique... Au début j'étais frustrée, j'avais l'impression de ne rien comprendre, je voulais savoir qui était chaque personnage, je m'y perdais. Puis j'ai lâché prise. J'ai accepté de ne pas les connaître, de me contenter de ce que me livrait l'auteure. Et là j'ai pu profiter des mots, des sensations, des impressions, et tant pis si je passais à côté de moments historiques capitaux. Les échos à l'actualité, relatée dans les médias français, m'ont donné des repères supplémentaires.
Un style qu'il faut apprivoiser, mais qui vaut le détour.
Commenter  J’apprécie          230
Lecture exigeante mais nécessaire

Je suis loin d'être une grande connaisseuse de l'histoire turque et de son actualité. J'ai vaguement entendu parler de Guezi et de Ash Erdogan mais jamais de Hrant Dink. Ce roman permet de comprendre le positionnement géographique et culturel de la Turquie entre l'Europe et l'Asie. le souhait d'une partie des turcs de se rapprocher de l'Union Européenne et de ses idéaux. Dans son roman, Valérie Manteau, décrit et analyse la vie sous le régime Erdogan : l'arrestation et l'emprisonnement des intellectuels, la fragilité de la démocratie et le dysfonctionnement de la justice. Elle revient sur l'assassinat de Hrant Dink par un nationaliste en 2007. Hrant Dink, à travers son journal Agos, prônait la réconciliation entre les arméniens et les turcs. Il a été accusé « d'insulte à l'identité turque ».

Enfin, l'ecriture de Valérie Manteau redonne vie à Istambul. On se perd avec elle dans les rues d'un côté et de l'autre du Bosphore, on est aux terrasses de café avec des amis ou des connaissances. Elle nous fait traverser les différents quartiers de la ville.

Je recommande la lecture de ce livre riche et exigeant. Ce roman est exactement le pourquoi j'aime tant lire : découvrir, apprendre, réfléchir et voyager.
Lien : https://lilietlavie.com/2019..
Commenter  J’apprécie          50
Un gros coup de coeur pour l'excellent roman de Valérie Manteau , le Sillon, un très beau livre émouvant reflet du désespoir humain ...où l'auteure avec une écriture féminine, légère et fluide va nous entrainer dans le tourbillon, de son histoire d'amour autobiographique entremêlée d'une enquête sur le journaliste Hrant Dink assassiné en 2007 pour avoir rêvé la paix, devant les locaux de son hebdo «Agos» (le sillon, en français), par un nationaliste turc de 17 ans .
Un roman brillant, où la fiction s'abreuve de la réalité et où la réalité se nourrit de la fiction... Une auteure impartiale, qui dénonce la situation terrible d'un pays.
Un pays en proie à la dictature et à l'intégrisme, un pays où les droits de l'homme s'étiolent au fil du temps, un pays où la liberté d'expression n'existe quasiment plus
L'héroïne française quitte la France peu après les attentats de Charlie Hebdo et s'installe à Istanbul pour retrouver l' homme qu'elle pense aimer. Là, elle est envoutée par cette ville qui l'enveloppe , la fascine, l'angoisse, l'avale dans ses entrailles et lui transmet sa peur frénétique et ses folies.... Elle se met à arpenter les parcs, les rues et cumule les rencontres , L'histoire d'amour défile sous nos yeux mais les élans du coeurs et les mouvement des corps font corps avec le coeur de la Turquie, l'ombre de Hrant hante ses nuits prenant la place de son amant , Istanbul , objet de ses fantasmes, Istanbul la fascinante et la romanesque au brassage multiculturel se teinte d'un voile de danger
On ressent les émotions de l'auteure, ses doutes, ses questionnements, ses déchirements intérieurs, on serre les poings avec elle, on vibre, on se révolte et on trace des sillons à l'image de ces hommes et de ces femmes, le roman se fait journal intime, quête personnelle, sentimentale et se double de cette enquête minutieuse socio politico journalistique Humaine
.

A lire absolument ... Et si vous l'avez-vous lu, qu'en avez-vous pensé, j'attends vos avis.
Commenter  J’apprécie          102
J'ai beaucoup appris pendant cette lecture. Hrant Dink et Naji Jerf, deux inconnus jusqu'alors pour moi et qui, grâce à ce livre qui a ouvert une brèche dans mon inculture, vont rester plus que des souvenirs, car je regarderai maintenant un pigeon ou une colombe avec leurs espoirs. Je suis allée sur le net trouver ces visages pour leur donner encore plus de consistance et les graver dans ma mémoire. Pour que les mots deviennent réalité. C'est peut-être ce que je reproche à ce livre, son écriture. Trop hachée, trop difficile à suivre pou moi, parfois ne sachant plus qui parlait. J'ai pourtant ressenti aussi la difficulté des amours multiculturelles, les clivages liés à des réflexes de défense, minimes mais existants déjà entre deux sexes, qui sont accrus dans un contexte de danger. Et dans ce pays qui doit être si beau, j'ai senti la détresse et la tristesse devant le rouleau compresseur de l'oppression qui détruit l'individu. Merci Bookycooky pour ce conseil de lecture, j'espère un jour aller à Istanbul.
Commenter  J’apprécie          371
Ce livre degage une grande tristesse,le parcours d'une femme partie rejoindre son amant à Istanbul. le travail de la presse satyrique en Turquie entre censure et religion. le rapport de sexe est triste, une espéce de longue errance entre isolement et modernité. IL est difficile de parler de ce livre
Commenter  J’apprécie          20
Que dire ? Tout a été dit déjà...

Valerie-Manteau superpose ici, son quotidien chaotique, et le parcours de ce héros et martyr : Hrant Dink , fondateur du premier journal bilingue turc- Arménien :" infatigable promoteur de paix, "abattu le 19 janvier 2007 d'une balle dans le dos par un jeune nationaliste de 17 ans .

Sa narratrice ----- qui lui ressemble étrangement beaucoup ----vit une relation compliquée avec un turc qu'elle a rejoint, lorsqu'elle se décide à écrire une biographie de Hrant Dink.
C'est un livre exigeant qui demande une grande attention, complexe, très politique , tantôt précis, tantôt vague.---- entre fiction et réalité --- anecdotes individuelles -- errances personnelles ---et morceaux d'Histoire: celles d'Istanbul et de sa région , un état "de droit" qui a tendance à tanguer dangereusement .....
La narratrice s'inspire de ses expériences turques. Elle apprécie ce pays, où elle séjourne régulièrement , elle y construit sa vie sociale et amoureuse.

Elle décrit remarquablement ses déambulations nostalgiques, au coeur d'Istanbul.
Elle progresse peu dans la langue turque malgré cela, et cite ses artistes, ses cafés et ses intellectuels .....
Un pays dont le paradoxe tient en un nom : Erdogan , celui d'un président autocrate , autoritaire et d'une romancière engagée.

La force du Sillon , à mon avis, est de dépasser l'oeuvre de fiction et celle d'inventer une forme Hybride , originale, inédite afin de nous faire ressentir une réalité dure et brute, celle de "l'Intranquillité Turque " .
" De quelle paix parlons - nous, si nous fondons notre fraternité sur le sang versé ensemble?
" Ne pensez- vous pas que je vous demanderai à qui appartenait le sang que vous avez versé ? "

Un livre important et déroutant ----qui fait réfléchir et s'interroger .....sur les injustices criantes d'un pays où l'état régente tout --- entre auto- fiction et récit documentaire ----où l'auteur dans un style très libre, nous livre ses pensées sans construire une vraie logique.
Elle tente surtout de comprendre , de se positionner pour des causes justes mais c'est sans compter sur les lois dictées par un état omnipotent et inflexible .....
Un témoignage intime et universel et une plongée sans compromis dans la Turquie d'aujourd'hui et celle d'hier ----- nostalgique de l'ancienne Contantinople ---- où cohabitaient alors Juifs, Grecs et Arméniens......
Un ouvrage à glisser entre les mains des plus engagés ?
Commenter  J’apprécie          514
Non, on ne peut pas parler de la situation politique de la Turquie en touriste ! De quoi le sillon est-il le nom ? D'un essai sur la Turquie contemporaine ? Alors il est inabouti et maladroit, l'oeuvre d'une béotienne qui pense explorer la vérité complexe de ce pays en interrogeant les témoins d'un seul bord. D'une fiction ayant pour décor une ville d'Istanbul en pleine mutation ? Alors, il s'agit d'une occasion manquée. le sujet eut été passionnant si l'auteur l'avait vraiment choisi car toutes les descriptions et les réflexions qui font référence à la transformation de l'ancienne Constantinople sont justes et fort bien amenées. D'une histoire d'amour ? Alors, elle est ratée. Les amants se croisent sans conviction, à commencer par l'auteur qui abandonne la bagatelle aux trois quarts du livre. D'un article trop long pour figurer dans un journal ? C'est probablement la meilleure définition. Autant de questions qui m'amènent à la question ultime : pourquoi lui donner le prix Renaudot ? Qu'ont-ils voulu récompenser ? Ou dénoncer ? Car la meilleure façon de mettre en lumière les travers du régime d'Erdogan, c'est de promouvoir directement les auteurs qui le combattent et notamment Esli, celle qui porte ironiquement le même nom que le dictateur. Et puis je m'interroge. Quand on ne connaît rien de la Turquie, comment peut-on s'intéresser à un tel livre ? J'ai eu la chance d'aller souvent en Turquie, y compris le lendemain de l'attentat de l'aéroport. Dans ma jeunesse, j'ai eu le bonheur d'étudier le destin de la Turquie, des ottomans à Mustafa Kemal Atatürk. Malgré cela, le sillon me laisse pantois. Soyons optimistes, espérons que les lecteurs auront envie d'en savoir plus sur la Turquie en lisant cet ouvrage. Je doute. Quant au prix Renaudot… Une sortie de route.
Commenter  J’apprécie          233
Début des années 2000, la Turquie hisse avec quelques hoquets sa tête hors du marasme économique. En 2013, l'espoir de faire basculer le pays dans la démocratie s'étouffe dans les gaz lacrymogènes, les coups de matraque, les arrestations, les disparitions et les morts. La narratrice a rejoint son amant à Istanbul, où les enfants des réfugiés syriens errent dans les rues. Elle souhaite écrire un livre sur Hrant Dink journaliste chrétien d'origine arménienne assassiné par un musulman. Agos, le sillon en français était le titre de son journal. Avec la narratrice, nous partons donc sur les traces de ce journaliste

« Il n'était pas comme les autres Arméniens qui avaient vécu toutes ces années sans oser parler. Lui ne voulait plus être du peuple des insectes qui se cachent, de ceux qui ne veulent pas savoir. »

L'occasion d'évoquer bien sûr la cause arménienne et le génocide, le rôle ambigu de l'Europe qui fait semblant de vouloir ouvrir sa porte à la Turquie, la tentative de coup d'État ratée contre le président Erdogan et la furieuse répression qui a suivi, les arrestations des journalistes, écrivains, universitaires où les femmes sont surreprésentées dont Asli Erdogan figure emblématique de la lutte pour les droits de l'homme.

« Une blague circule, racontant qu'un détenu a fait demander à la bibliothèque de la prison un roman d'Ahmet Atlan, et que le gardien serait revenu bredouille en disant que le roman en question n'était pas disponible, mais qu'on pouvait directement s'adresser à l'auteur quelques cellules plus loin. »

Une fois de plus le jury Renaudot n'a pas choisi un livre facile pour attribuer son prix. Je dois reconnaître que j'ai eu quelques difficultés à me plonger dans ce roman très politique où la narratrice déambule dans les rues d'Istanbul pour enquêter sur la mort de ce journaliste d'origine arménienne. La décomposition de son histoire d'amour est en parallèle avec celle de la Turquie, ce pays qui rend les gens fous où le président Erdogan a instauré un climat de suspicion, de haine et de terreur. Ce roman a le mérite de nous éclairer sur la Turquie d'aujourd'hui.

« La vérité est une cause perdue pour nous : c'est comme jouer aux échecs avec un pigeon : même si vous jouez selon les règles, le pigeon va renverser toutes les pièces et finalement chier sur le plateau, vous laissant gérer le bordel. Soyez prévenus. Depuis quinze ans, nous jouons aux échecs avec un pigeon en Turquie, et maintenant nous n'avons même plus d'échiquier. »

Commenter  J’apprécie          260



Autres livres de Valérie Manteau (1) Voir plus

Lecteurs (755) Voir plus




{* *}