Un graphic novel autobiographique de qualité.
Récompensée par un Eisner Award pour son travail sur cet épais volume (pas moins de 350 pages) ,
Tillie Walden concentre ici toute l'intensité d'un récit intime basé le portrait d'une adolescente plutôt solitaire, complexée... ainsi que son rapport compétitif /répulsif avec le patinage artistique. Cette discipline, que l'auteure a bien évidemment exercé pendant un certain nombre d'années durant sa jeunesse, est ici directement placée en parabole de son évolution en tant qu'adolescente, une jeune fille qui s'émancipe progressivement, sort de sa coquille, fait son coming-out, se découvre, bref qui change et devient adulte...
C'est une autobiographie de l'apprentissage, un portrait de vie efficace, touchant, parfois sombre aussi, mais jamais pathétique.
Tillie Walden illustre sa vie avec une certaine mesure, privilégiant des découpages simples , ordonnées, souvent en 6 cases, entremêlées avec des pleines-planches ou de vastes cases panoramiques qui mettent l'accent sur les moments-clés de son existence.
A noter que
Tillie Walden, comme elle le déclare elle-même sur la postface de son oeuvre, utilise avant tout ses souvenirs et non le souci de l'exactitude. Elle privilégie l'impact de l'affectif, du souvenir à travers de belles cases riches en émotions. Cet affect, elle l'utilise aussi pour parler de l'autre personnage principal de ce roman : le patinage.
Car l'intrigue est profondément reliée au patinage. Cet espace vaste et froid qui est à la fois une prison pour Walden mais aussi le lieu où elle s'émancipera, notamment par son départ. Un lieu de vide tout en blancheur qui constraste avec un noir légèrement bleutée ainsi qu'avec une couleur jaune dont les rayons semblent souligner l'impact d'événements importants. Toute le technique de Walden donne une narration efficace. L'autobiographie n'est jamais étouffante. On peut accuser quelques longueurs tout de même durant certaines parties du roman qui semblent faire du surplace sur la glace mais cela reste assez secondaire. le dessin de Walden me fait un peu penser à notre cher
Bastien Vivès. ¨Même si il a davantage d'expression au niveau faciale, je trouve qu'il y a un caractère minime, un style du silence , du peu, qui rappelle notre Vivès national. J'adore ce style. Quand un auteur ne se sent pas obligé d'en faire des caisses pour nous captiver.
Spinning n'est pas seulement un récit autour de l'homosexualité bien que Tillie montre son coming-out, son émancipation, je trouve que ce n'est pas le sujet central contrairement à l'excellent le bleu est une couleur chaude dans lequel le sujet aborde davantage de place.
C'est aussi un roman d'apprentissage en bd. Une vie ado autour d'un patinage pas forcément aimé, tantôt libérateur, tantôt obstacle... A cela, s'ajoute les rencontres du quotidien , la famille, les déménagements... Une vie parfois aussi mouvementée que les propres mouvements du patinage artistique.
Un récit de vie à découvrir, un titre qui n'a pas volé son Eisner Award et qui a lancé la carrière de
Tillie Walden, désormais une très bonne référence du graphic novel aux USA.