Livre étrange, dont le genre est difficile à déterminer.
Est-ce un roman ? On peut le penser si l'on considère le style, la façon qu'a l'auteur d'amener certaines révélations, ménageant un suspense dans une histoire dont l'on connait déjà la fin.
Est-ce une biographie ? On peut le croire, même si l'auteur s'en défend, puisque l'on suit quarante ans de l'histoire de Pink Floyd. Mais une biographie de qui ? de Syd Barrett, premier "leader" du groupe ? de
Roger Waters, qui lui succéda comme maître à penser, compositeur et parolier principal ? Ou encore de
David Gilmour, troisième possesseur des clés, après le départ de Waters au début des années 80, mais aussi (et surtout) celui qui fut la guitare au son si caractéristique de ce groupe ? Ou bien est-ce tout simplement la biographie de Pink Floyd ? La biographie d'un groupe, ce groupe devenant alors, indépendamment des membres qui constituent ses organes, un être vivant à part entière. C'est ce que laisse entendre l'auteur, en nous montrant et en nous faisant entendre, à plusieurs reprises dans le livre, un monstre a deux têtes, à la fois rose et fluide, qui symbolise le groupe.
Pourtant, tout en posant la question sur le fond de ce roman/biographie/recueil de témoignages, je crois détenir la réponse. Car si l'on découvre le monstre (pardon, le groupe), si l'on découvre Waters et Gilmour, mais aussi Mason et Wright, il n'en reste pas moins que tous ces acteurs de la vie de Pink Floyd semblent possédés par celui qui n'en fit partie que pendant deux ans : Syd Barrett. Quelle que soit l'importance des autres, voilà donc, sans doute, celui dont ce livre est la biographie.
En conséquence, le thème principal de "Pink Floyd en rouge" ne serait-il pas le pouvoir des absents ? Mais aussi l'origine de l'inspiration, puisque ce pouvoir peut-être, justement, de créer des sentiments (de manque, d'abandon, d'injustice, de colère, de tristesse, de culpabilité) qui vont pousser à créer certaines formes, à écrire certains mots. Sans parler de la folie qui sert de fil conducteur à au moins deux albums majeurs de Pink Floyd, Wish You Were Here et The Wall. Une folie directement inspirée de celle de Barrett. Car même si Waters se défendit d'avoir composé ces deux albums en référence à Barrett, même si des témoignages plus récents portent à croire que ledit Barrett n'était pas fou, mais seulement dérangé passagèrement (un passage de quelques années quand même), par la prise de LSD, de nombreux points communs troublants existent entre les comportements du premier leader de Pink Floyd et l'attitude de "Pink", le personnage "fictif" mis en scène par Waters dans The Wall.
Pour terminer, je dois reconnaître que j'ai adoré ce livre non seulement parce qu'il décrit comment peut naître l'inspiration, comment peut évoluer un (ou des) créateur(s), sous quelles influences, par quels mouvements de rejet ou au contraire d'identification, mais je l'ai aussi beaucoup apprécié parce qu'il parle de Pink Floyd et que j'adore Pink Floyd. Pour quelqu'un qui serait totalement indifférent à ce groupe, je ne suis pas certain que ce livre puisse présenter un quelconque intérêt. Car même si j'ai découvert pas mal de petits détails, il y a de grandes chances que j'ai été aidé dans ma lecture par la connaissance de beaucoup des personnages cités. Outre les membres du groupes, on croise Clapton, Bowie, Alan
Parsons, John Bonham, Stuart
Sutcliffe, Brian Jones.... Pas mal de lecteurs doivent se demander qui sont toutes ces personnes. Ce sont tout simplement certains des acteurs de l'histoire du rock des années 60 et 70.
Mais c'est loin tout ça. Et Syd Barrett est mort, maintenant. Il n'existe plus que pour hanter les disques de Pink Floyd. Et ceux qui les écoutent.