Amusement, admiration, abandon.
Pour moi ça ne se fait pas (malgré tout ce qu'en dit
Pierre Bayard) de parler d'un livre qu'on n'a pas fini. C'est aussi la première fois que j'interromps une lecture juste parce qu'une haute pile m'observe et que j'en attends plus de plaisir. L'impatience du jeune (retraité), sans doute.
Et pourtant, ce livre « a obtenu le prestigieux prix Bagutta 2002 », et est loin d'être nul. J'ai vraiment aimé au début l'humour avec lequel il décrit des intellectuels célèbres et leurs marottes, juste avant la deuxième guerre mondiale. Les personnages réels sont un peu caricaturés, ont des prémonitions épatantes et des raisonnements maniaques qui m'ont amusé. J'ai bien aimé aussi voir intervenir les personnages de roman, et même le Bibendum des vieilles publicités de Michelin. Les obsessions à propos des nains maléfiques, du Golem etc. m'ont moins intéressé, et pourtant la substance prophétique de la narration passe par eux.
Deux problèmes : il y a narration, mais tellement peu de progression que j'ai eu l'impression que
Michele Mari pouvait continuer pendant des milliers de pages à m'éblouir de son érudition sans que je sois sûr qu'il tienne la promesse de l'éditeur (« une anticipation grotesque et fabuleuse de la grande catastrophe qui va bouleverser sous peu le monde réel et ses fantômes »). Et puis, ce mélange d'érudition et d'imagination m'a amené à passer trop de temps à aller vérifier la réalité, ce que j'ai trouvé fatigant. (Bon, maintenant je sais qui était vraiment Henri l'oiseleur et pourquoi Himmler s'intéressait à lui).
Et finalement, je veux recommander cette lecture bluffante sans avoir dépassé la moitié du livre. C'est d'ailleurs sans doute picorable avec plaisir.