Songez que Reginald est le dernier des Seymour !… De plus, tous ceux qui ont vu Reginald à cette époque avec sa femme ont tout de suite été convaincus que ce mariage américain ne saurait durer. Lillian était une de ces chercheuses d’or qui n’avait vu dans Reginald qu’un banquier prêt à satisfaire tous ses caprices. Et, si elle n’avait pas été tuée dans cet accident, actuellement, elle ne serait sûrement plus sa femme ! Elle lui faisait, paraît, des scènes affreuses ! Coquette, inconstante, elle aurait voulu voir Reginald ramper à ses pieds. Reginald rampant aux pieds d’une femme, c’est assez comique, pour qui le connaît !
Tous les Ecossais aiment l’automne et je croirais trahir mes aïeux si je n’affirmais pas comme eux que j’ai la nostalgie des journées brumeuses. J’aime les peupliers qui, le long des chemins creux, se dressent comme de hautes flammes funéraires. La campagne a une dernière beauté fugitive qui prend un aspect de deuil. A mon âge… miss Dubail, on songe davantage aux morts qu’aux vivants, puisque presque tous les êtres qui nous ont entourés ne sont plus. Même certains qui, jeunes, auraient dû vivre, ne sont pas épargnés.
Elle était Américaine. Elle n’est venue qu’une seule fois à Merwick. Elle ne comprenait pas nos vieilles traditions et s’est tout de suite heurtée avec ma mère qui, elle-même, d’ailleurs, n’a rien fait pour aplanir certains angles. Une vieille génération et une nouvelle sont souvent séparées par un abîme. En outre, Lilian a détesté ce pays ! Comment peut-on détester Merwick ? Cette région a tant de charme !
Nous autres, Ecossais, sommes attachés aux légendes de notre pays et le surnaturel n’a, pour nous, rien d’étrange. Ici, les châteaux ont tous leurs fantômes, Alors, ne soyez pas surprise, miss Dubail, si, avec vos cheveux blonds dénoués sur votre nuque et avec votre robe, vous avez créé l’illusion qu’une morte était toujours vivante.
Je sais analyser chaque élan de mon cœur, vous êtes tendre et reposante. Près de vous, je me sens prêt à affronter toutes les difficultés, à vaincre tous les obstacles, à me disculper de toutes les accusations.