Je viens de relire ce classique de la BD publié en 1961. Sur un thème (l'énergie, le pétrole) déjà d'actualité à l'époque,
Jacques Martin fignole une intrigue où les rebondissements s'enchaînent avec une précision impeccable. Les décors somptueux et mystérieux à souhait (le Mont Saint-Michel, la Bretagne) sont remarquablement mis en valeur par le graphisme élégant et réaliste de l'auteur. Son dessin (superbe) traduit parfaitement ce monde clair et ordonné où le Bien ne peut que triompher au final; telles sont les conventions du genre qu'il faut accepter. Lefranc (quel nom emblématique, Prince Vaillant n'est pas loin !) est un journaliste comme Tintin, c'est-à-dire n'écrivant jamais le moindre article, trop occupé à résoudre les énigmes les plus mystérieuses, quand ce n'est pas à sauver le monde. Moriarty pour Sherlock Holmes, Olrik pour Mortimer, le héros doit avoir un adversaire à sa hauteur. Jacques martin ne l'ignore pas en imaginant Axel Borg, "méchant" des plus séduisant qu'on pourra retrouver opposé à Lefranc dans l'album suivant : "Le Mystère Borg"(autre chef-d'oeuvre). Dans les années 90,
J. Martin victime d'une grave maladie des yeux devra (hélas !) abandonner le dessin, continuant la série uniquement pour le scénario. Ce qui était le reflet si réussi d'une époque devait-il continuer, inchangé dans un monde qui changeait tant ? J'avoue avoir cessé la lecture dès lors que Martin ne tenait plus le crayon.
C'est dans le journal Tintin que j'avais découvert (une page chaque semaine !) cette deuxième aventure de Lefranc, avec la fébrilité impatiente mais délicieuse de l'enfance. Mais la nostalgie (ah! les voitures ... de la Peugeot 202 à l'Alfa Romeo ) ne fut pas la seule cause du plaisir ressenti aujourd'hui.
Dans cette trinité (sainte ?) de la BD franco-belge, constituée d'
Hergé (le père), Jacobs (l'esprit)
Jacques Martin tient à merveille le rôle du fils.