🌸Dernière lecture de septembre parmi les romans de la rentrée littéraire, ce roman présent sur la liste de sélection pour le prix Goncourt délivre un message fort, humaniste et engagé.
Sybille, qui élève seule son fils de 16 ans, Samuel, à la suite de son divorce d'avec Benoît, le père de l'adolescent, voit son fils lui échapper. Période que tous jugent comme critique, l'adolescence lui explose en pleine figure et Sybille ne parvient pas à trouver le moyen de nouer un dialogue avec son fils sans être dans une relation domination (du parent)/ soumission (de l'enfant).
Suite à une énième et "énorme" bêtise de Samuel, Sybille qui suite à un drame s'est plutôt laissée aller dans sa vie, décide d'empoigner le problème et de prendre une décision très radicale pour éloigner son fils de son environnement à l'influence néfaste et aux fréquentations toxiques! Samuel, au look "légèrement" skinhead et aux idées "légèrement" racistes, ne correspond pas aux idéaux d'égalité, de tolérance dans lesquels sa mère a été élevée.
Après avoir souffert d'un événement tragique dans son passé, après avoir renoncé à sa carrière de chirurgienne, jeté aux oubliettes un roman qu'elle avait écrit et qui semblait plaire aux maisons d'édition, divorcé d'un homme qui ne lui a jamais inspirée un véritable amour, Sybille qui se sent coupable de la dérive de son fils, ne peut pas se résigner à accepter un échec de plus dans sa vie.
Sybille, qui est infirmière, se mettra en disponibilité, vendra la maison de ses parents - à laquelle elle était très attachée - et partira dans des contrées lointaines, sauvages, pour redonner un souffle à sa vie, pour sauver son fils, pour se trouver, se retrouver. La nature, les chevaux, les grands espaces, un quotidien réduit au strict minimum, voilà de quoi éloigner tout ce qui est superficiel et superflu dans nos vie pour revenir à l'essentiel.
Dans la première partie, on suit le rythme des deux "aventuriers".
Laurent Mauvignier aime décrire avec acuité certains détails, et toute la première partie présente les attentes des personnages ainsi que la manière dont ils prennent place dans ce nouvel espace, plutôt hostile par ailleurs. Ce qui semble dominer dans la relation mère/fils est cette colère qui pour l'une est intériorisée et pour l'autre explosive. La tendresse a du mal à trouver sa place .
Petit à petit, Samuel retirera ses écouteurs pour écouter la nature, les chevaux, sa mère et écouter ce qu'il a dans son for intérieur et qui lui faisait vaciller l'âme...pour ne plus avoir peur, partir à la rencontre de l'autre et comprendre le monde qui l'entoure "Samuel a besoin de savoir d'où vient sa peur, lui qui ne savait pas qu'on peut être musulman sans être arabe; lui qui n'imaginait pas qu'on puisse être arabe sans vivre en banlieue. Lui qui n'avait jamais parlé à des gens qui ne lui ressemblaient pas..."
Dans une écriture très visuelle et rythmée dans la seconde partie du roman,
Laurent Mauvignier met ses personnages face à leur course contre le temps en faisant en sorte qu'il prennent le leur pour se réveiller, se reprendre; il interroge leur rapport à ce temps, la mère sentant qu'elle ne doit pas le perdre pour ne pas perdre l'avenir de son fils et Samuel qui dans sa "toute-puissance" d'adolescent ne voit pas le temps passer, vit comme dans un temps figé.
Beaucoup de réflexion sur la question des peurs suscitées par des événements tragiques qui font échos à l'actualité.
Laurent Mauvignier nous livre un regard indispensable sur notre temps et prend le prétexte de son roman pour nous dire des vérités "...et fuir quoi? simplement parce qu'elle lui a coupé la parole quand il disait des conneries sur les musulmans? ah oui comme ça la fatigue d'entendre toutes ces conneries! comme s'il allait piocher dans le discours ambiant, pathétique, méprisable d'une France qui ne se reconnaît plus et qui tombe dans la facilité de la violence, du rejet,bon Dieu, elle qui a tant lutté contre ça, voilà maintenant que son fils la rejette et rejette les musulmans [...] est-ce qu'il sait qu'accepter les musulmans ça ne veut pas dire devenir musulman? qu'accepter les pédés ce n'est pas devenir pédé? Comme si les autres, il avait peur d'être contaminé par eux [...] comme si au fond, leurs discours racistes c'était juste l'incertitude sur soi, la peur de ne pas savoir être soi-même et d'être capable de le rester en face des autres". Je crois que l'auteur soulève ici une problématique essentielle et sur laquelle vont encore se cristalliser les débats des mois à venir...l'identité, l'autre, la peur, le rejet, l'amalgame, etc.
POUR FINIR /
Sybille et Samuel finiront par se rapprocher. Cette "fugue" sera la révolte de Sybille, pour pallier ses échecs passés, pour retrouver celle qu'elle était avant d'être brisée; son défi sera de sauver son fils de la déchéance.
Dans ce huis-clos familial à ciel ouvert c'est l'amour qui triomphera non sans être passé par de terribles épreuves lors de ce voyage initiatique.
Je résumerai donc ce roman par une citation que j'aime beaucoup "face à la roche, le ruisseau l'emporte toujours, non pas par la force mais par la persévérance".
Sybille et son fils vont "
continuer" de vivre, de s'aimer, de se découvrir, de se comprendre. Un très beau message d'amour et d'humanité que je vous invite à découvrir et à savourer.
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