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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
François Médéline s'est librement inspiré de l'affaire Jérôme Cahuzac pour composer un roman noir de politique fiction absolument jubilatoire. Son double littéraire, Serge Ruggieri, est ici ministre de l'Intérieur. Mediapart révèle l'existence d'un compte caché au Luxembourg via l'enregistrement d'une conversation privée compromettante, ce qui menace la promesse d'un Etat exemplaire prôné par un François Hollande fraichement élu président de la République. En attendant le résultat de l'instruction judiciaire, une guerre de communication féroce est lancée entre les différentes parties concernées ou possiblement éclaboussées par le scandale en cours.

Le récit reprend toutes les étapes de l'affaire Cahuzac, de ses débuts en décembre 2012 jusqu'au d'avril 2013. Ce qui frappe avec une évidence immédiate, c'est l'incroyable maitrise de l'auteur à fusionner fiction et faits réels, que ce soit au travers des personnages ou de leurs actions.

Ainsi le récit en lui-même est entrecoupé de « documents en encart » : des titres et sous-titres d'articles, des extraits d'interviews et surtout d'hilarantes transcriptions d'écoutes téléphoniques de la NSA ( grâce au lanceur d'alerte Edward Snowden, on sait que l'agence gouvernementale américaine a espionné la France ) classées confidentielles, entre des hommes politiques ( Hollande et le Foll, Sarkozy et Hortefeux ) ou des journalistes ( Edwy Plenel et Fabrice Arfi ). Les dialogues fusent à tout va, c'est drôle, cynique, irrévérencieux !

Quand les personnages fictifs entrent en piste, c'est tout aussi incisivement réjouissant : la députée suppléante de Ruggieri, Djamila Garrand-Boushaki ( « Je suis jeune, je suis une femme, je suis Arabe. Ça les arrangerait si ça tournait mal pour moi »), une vraie badass qu'on déteste au départ mais dont on finit par adorer la ténacité rageuse lorsqu'elle est prise pour cible pour allumer un contre-feu ) ; le commandant Dubak ( héros de L'Ange rouge ), toujours aussi flingué mais qui n'a rien à perdre pour mener une enquête parallèle ; et mon préf', un truculent barbouze dont on découvre la vie familiale à l'opposé des coups tordus dont il est expert.

Le rythme est ébouriffant, prend à la gorge, sensation renforcée par la performance stylistique syncopé, phrases courtes débit mitraillette à la James Ellroy ( la référence revendiquée de l'auteur ). Avec cette orchestration narrative magistrale, on a beau être quelque peu blasé par la multiplication des scandales politico-judiciaires, on a beau se souvenir parfaitement de l'affaire Cahuzac, le travail de Médéline est tellement bluffant de lucidité, sa plongée dans les arcanes peu reluisants de la République tellement sidérante que le lecteur est tour à tour écoeuré, désespéré, incrédule, révolté, alors même qu'il se marre (noir) sous la percussion de la charge.

Le titre est juste parfait. Evidemment on se demande comment vont résister les différents « organes » politiques avec leurs ramifications parfois consanguines, prêts à tout pour survivre. En novembre 2023, dix ans après sa chute puis sa condamnation ( quatre ans de prison dont deux ferme, 5 ans d'inéligibilité ) Jérôme Cahuzac est réapparu dans le paysage médiatique, laissant planer le doute sur un éventuel retour en politique ( les prochaines municipales ne sont pas si loin ) …

Ce roman est incontestablement brillant, je me suis régalée.
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« La politique c'est comme l'andouillette, ça doit sentir un peu la merde, mais pas trop ».

En bon Lyonnais, François Médéline a sans doute fait sien cet adage d'Edouard Herriot, ancien maire de la capitale des Gaules. Mais en parfait connaisseur des arcanes off des élus, il sait mieux que quiconque l'importance de ce « mais pas trop ».

Dans La Résistance des matériaux, il nous en fournit l'éclatante démonstration, plongeant fin 2012 Serge Ruggieri, un ministre de François Hollande, dans les affres de la fraude fiscale via compte offshore, révélée au grand public par Médiapart.

La bombinette lancée, les camps se mettent en ordre de bataille : les journalistes enfoncent le coin, progressivement, sans surtout brûler les étapes pour garder quelques atouts en main ; le clan majoritaire fait bloc et convoque officines et barbouzes pour organiser la riposte. Ou plutôt les ripostes. L'opposition veille…

Les pièces sont en place et comme en physique, reste à voir comment vont résister les différentes composantes de cette structure politique placée sous pression maximale.

Au milieu de tout cela, il y a les pièces collatérales, pas encore victimes du souffle de l'explosion, mais ça viendra : Dubak le flic marginal déjà entrevu dans L'Ange rouge et Djamila, la beurette devenue élue régionale, députée suppléante du ministre et épouse de son dircab.

Continuant à alterner le roman historique et le polar politique, François Médéline renoue avec ce dernier genre et signe assurément son livre le plus abouti.

Jouant avec beaucoup d'aisance entre faits réels (2012, ministre d'Hollande, compte offshore, déni… : toute ressemblance nananinanère…) et fiction, il excelle à reproduire les réactions du microcosme et on se délecte des échanges entre le Foll, Mosco, Sarko, Guéant et consorts, sous l'écoute attentive des grandes oreilles de l'Oncle Sam. Un régal !

Il réussit surtout à parfaitement décrire les incidences politiques entre le national et le local, cette dernière dimension étant particulièrement bien traitée pour qui connaît un peu ses arcanes.

C'est punchy, cash, cynique et la trame se déroule sans temps mort au rythme d'un fil de dépêches AFP. Avec au passage, quelques clins d'oeil appuyés de l'auteur à des seconds rôles de choix : un chef de sécurité au nom de Corvoisier et un pote de la DCRI fan du PSG au nom de Wespiser

Au même titre qu'un Dugain ou qu'un Leroy, Médéline est un as de la littérature politique fictionnelle. Et perso, j'adore cela quand c'est aussi bien traité. Alors amateurs du genre, on se précipite !
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Le moins que l'on puisse dire, c'est que la tentative de retour aux affaires politiques de Jérôme Cahuzac paraît quelque peu compromise face au tollé que cet ancien ministre délégué au Budget a provoqué dans l'ensemble des médias, en affirmant avoir toute la légitimité pour briguer un nouveau mandat en estimant qu'il avait payé sa dette après avoir purgé sa peine suite à sa condamnation pour fraude fiscale et blanchiment de fraude fiscale. Exit donc tous les aspects de la confiance qu'il avait piétiné en s'inscrivant dans une logique de mensonge. Mais finalement, on saluera cette tentative de come-back mettant en perspective La Résistance Des Matériaux, nouveau roman noir de François Médéline qui, avec un sens du timing se révélant plus que parfait, s'inspire très librement de la trajectoire hallucinante de cet homme politique qui avait nié avec ferveur, "les yeux dans les yeux", les assertions des journalistes de Médiapart faisant état de la possession d'un compte non-déclaré à l'étranger. Il faut dire que François Médéline connait parfaitement les rouages du monde politique en ayant occupé, durant dix ans, des fonctions de conseiller, de chargé en communication et même de chef de cabinet auprès de divers élus de la République avant de se lancer dans l'écriture pour retranscrire son expérience avec La Politique du tumulte (La Manufacture de livres 2014), un premier roman noir s'articulant notamment autour du clivage entre Chirac et Balladur lors de la campagne présidentielles de 1995. François Médéline réitèrera l'expérience du thriller politique avec Tuer Jupiter où il imagine toute une machination autour de l'orchestration et de la mise en oeuvre d'un attentat visant le président Emmanuel Macron. On le voit, il y a cet esprit de provocation et de singularité qui rejaillit dans l'ensemble de ses textes à l'instar de polars sombres tels que Les Rêves de Guerre (La Manufacture de livres 2014) ou plus récemment L'Ange Rouge (La Manufacture de livres 2020) dont on retrouve certains protagonistes dans La Résistance Des Matériaux à l'instar du commandant Alain Dubak qui va donc évoluer dans les arcanes d'un monde politique dévoyé que l'auteur dézingue avec une énergie peu commune.

Le gouvernement exemplaire de François Hollande a du plomb dans l'aile lorsque Serge Ruggieri, ministre de l'Intérieur, est mis en cause dans les colonnes de Médiapart affirmant qu'il posséderait un compte caché au Luxembourg qui lui aurait permis de dissimuler, pendant des années, des fonds aux origines douteuses. S'ensuit une guerre de communication avec un ministre qui s'emploie à affirmer son innocence auprès de tous les médias et de toutes les instances politiques, ceci jusqu'au plus haut niveau de l'Etat. Mais dans les arcanes de la République chacun se prépare pour tirer son épingle du jeu au cas où Ruggieri tomberait, en prenant soin de ne pas se laisser entrainer dans sa chute. Nicolas Sarkozy se dit qu'il y a un coup à jouer dans le cadre des prochaines élections présidentielles. Dans de telles circonstances, un important entrepreneur du pays, principal soutien de Ruggieri, s'emploie à mettre en place un contre-feu afin de détourner l'attention du public, en mandatant Gérald Hébert, un homme de main inquiétant, qui va monter un pseudo scandale pour impliquer la jeune députée Djamila Garrand-Boushaki dans une affaire de terrorisme. Une machination qui risque de tourner court avec l'intervention du commandant Dubak de la SRPJ de Lyon qui est chargé d'établir un rapport administratif en lien avec l'affaire Ruggieri. Une enquête de routine qui va pourtant révéler quelques zones d'ombre extrêmement troublantes.

Il y a chez François Médéline, cette capacité tout à fait hallucinante à concilier la fiction aux faits réels en atteignant un seuil de perfection absolue avec La Résistance Des Matériaux dont l'intrigue reprend les étapes de l'affaire Cahuzac, ce scandale d'état qui a défrayé la chronique et que l'auteur a décidé d'attribuer au personnage fictif de Serge Ruggieri afin de s'accorder une marge de manoeuvre lui permettant de piloter son intrigue à sa convenance. Mais pour distiller davantage de vraisemblance dans les entrelacs d'une affaire abondamment commentée et dont nous connaissons les principaux ressorts, François Médéline a eu l'heureuse idée d'intégrer sa perception des parties prenantes de ce scandale au gré du procédé tout "ellroyen" de transcriptions de la NSA captant les conversations téléphoniques entre François Hollande et ses ministres François le Foll et Pierre Moscovici, de celles mettant en exergue les velléités de reconquête de Nicolas Sarkozy conversant avec Claude Guéant et Eric Woerth empêtré jusqu'au cou dans la prise illégale d'intérêt dans le cadre de la vente d'une partie du domaine de Compiègne, ainsi que les discussions entre les journaliste Edwy Plenel et Fabrice Arfy s'interrogeant sur le moment de point de rupture d'un homme politique acculé et empêtré dans ses mensonges. Il faut y ajouter quelques encarts des journaux ainsi que l'interview de Jean-Michel Apathie, où le ministre de l'intérieur s'enferre dans le déni, pour observer les manoeuvres malsaines qui se mettent en place sur l'échiquier du marigot politique français. A partir de cette orchestration dynamique, on observera les entrelacs des arcanes du pouvoir par le prisme de la députée Djamila Garrand-Boushaki dont on suit le parcours chahuté par les éclats du scandale rejaillissant notamment sur les épaules de son mari qui, en tant que chef du cabinet de Serge Ruggieri, s'emploie à limiter la casse avec l'aide de toute une armée de communicants. On appréciera la force de caractère de cette femme ambitieuse qui s'aperçoit avec un certain fatalisme que tous les moyens sont bons pour sauver sa peau tout en faisant les frais d'une machination savamment orchestrée pour la mettre dans l'embarras en impliquant ses frères dans une affaire de terrorisme islamiste. L'homme des basses-oeuvres, c'est Gérald Herbert, un ancien barbouze de la DST se mettant désormais au service d'individus puissants et dont il faut souligner l'ambivalence géniale entre une vie de famille banale de père et mari aimant et les machinations occultes, parfois mortelles, qu'il organise pour discréditer les adversaires de ses employeurs. Pour contrer les manoeuvre visant à discréditer la députée, ce sera le commandant Alain Dubak qui fera office de preux chevalier, même si le policier semble avoir un peu morflé après l'affaire de L'Ange Rouge qui l'avait mis sur le grill il y a de cela 15 ans. Désormais affecté à la brigade financière de la SRPJ de Lyon, le personnage, débarrassé de ses excès, ftrimbale son ennui et son désenchantement même si une étincelle paraît l'animer à la rencontre de la députée qu'il va tenter de protéger par tous les moyens. Tout cet ensemble parfaitement orchestré se décline au rythme de petites phrases cinglantes et brutales qui vous bousculent en permanence en alimentant un texte maitrisé de bout en bout qui font de la Résistance Des Matériaux un récit lucide et mordant nous permettant d'appréhender, avec une certaine aisance, les entrelacs complexes des arcanes de la politique française que François Médéline dynamite sans complaisance, ceci pour notre plus grand plaisir.


François Médéline : La Résistance Des Matériaux. Editions La Manufacture de livres 2024.

A lire en écoutant : The World's Smiling Now de Jim James. Eternally Even. 2016 ATO Records.
Lien : http://www.monromannoiretbie..
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Djamila Garrand-Boushaki est une jeune députée qui exerce également ses talents au sein de la région Rhônes-Alpes. Issue de l'immigration, elle est ambitieuse et mariée au directeur de cabinet du ministre de l'intérieur, Serge Ruggieri, dont elle est justement la suppléante. Ce 4 décembre, alors qu'elle est en déplacement en Ardèche, une mauvaise nouvelle tombe depuis les colonnes de Mediapart : Serge Ruggieri posséderait un compte secret dans une banque luxembourgeoise.

Le commandant Alian Dubak, un ancien de la crim', est quant à lui désormais affecté à la brigade financière et en passe de boucler un dossier à quelques millions d'euros qui ne vaudra qu'une légère condamnation à son principal suspect qui vient enfin d'avouer. Dubak est un flic meurtri et blasé, coincé dans un placard pour lequel il n'a pas les compétences requises (ceci expliquant cela). Lui aussi apprend la nouvelle. Elle lui entre par une oreille, puis ressort par l'autre.

Gérald Hébert a commencé sa carrière au sein de la DST avant de bifurquer vers le privé quand on a voulu sa tête. Il travaille désormais en free-lance pour le compte de Hugues Corvoisier, grand entrepreneur et bétonneur en chef de la région lyonnaise où il remporte 80% des marchés passés par la région et les affidés de son ami Serge Ruggieri. Ce compte luxembourgeois dont fait écho Mediapart, il le connaît : c'est lui qui l'a alimenté. Il sollicite Hébert afin de dresser d'urgence un cordon de sécurité. Pas question qu'on touche à ses « petites » affaires si toutefois il faisait partie de ceux visés par cet article malfaisant.

François Médéline est un auteur pressé. Il écrit comme s'il montait sur un ring. Dès l'entame, les coups pleuvent, rapides, précis. On est pris à la gorge par un déferlement virtuose, ça vient de tous les côtés et ça fait mouche. Phrases courtes, incisives. Dialogues percutants. Rythme incessant. Tension palpable et entretenue.
Il vous attrape et ne vous lâche plus. Une vraie teigne...

Le ministre Ruggieri porte plainte pour diffamation contre Mediapart, et c'est là que le commandant Dubak, à qui est confié le dossier, entre véritablement en piste. Sauf qu'il se retrouve très vite bridé par les bizarreries de la procédure, savamment orchestrées par les avocats du ministre. Il n'en faut pas plus pour titiller sa curiosité. « Si c'est flou, c'est qu'il y a un loup. »
Quant à Hébert, maître es manipulation, il se doit de protéger son client d'éventuelles éclaboussures. C'est entendu, tôt ou tard Ruggieri va tomber. Autant qu'il s'écrase seul...
Le plan qu'il peaufine est machiavélique et la malheureuse Djamila en constitue le coeur.

François Médéline nous fait visiter la cuisine, l'arrière-cuisine, voire le local poubelle de la politique française. Magouilles, manipulation, billard à trois, cinq ou sept bandes, rien ni personne n'est épargné. Il réussit le mariage parfait entre fiction et réalité. Fort de sa connaissance d'un milieu qu'il a longtemps pratiqué, tant comme communicant que comme directeur de cabinet, il met en scène le personnel politique qui a fait les grandes heures des plateaux de télévision ou des colonnes de la presse écrite lorsqu'éclate en décembre 2012 ce qu'on appellera « l'affaire Cahuzac », alors ministre délégué chargé du budget, accusé par Mediapart de détenir un compte offshore, et qu'on reconnait facilement dans le personnage de Serge Ruggieri, ministre de l'intérieur dans le roman.
Sont donc convoqués, entre autres, François Hollande, Jean-Marc Ayrault, Stéphane le Foll, mais aussi Nicolas Sarkozy, Eric Woerth, ainsi que les journalistes Edwy Plenel et Fabrice Arfi, pour ne citer que les plus connus. Ceux-là sont l'ancrage dans une réalité tangible liée à une affaire qui a défrayé la chronique durant de nombreux mois. La fiction apparaît lorsque Cahuzac devient Serge Ruggieri, dans le rôle du menteur patenté, tout en restant ancrée dans une réalité très concrète.

Il y a deux volets dans cette affaire. D'un côté, l'aspect politique et comment, autour du mensonge d'un ministre en exercice devant la représentation nationale, s'organisent les démentis, les soutiens, ceux à l'affût d'une dégringolade ou encore ceux qui ne veulent pas sombrer avec le navire, voire l'enfoncer. Toutes les nuances politiques sont représentées. Les jeux de pouvoir sont en place et s'agitent frénétiquement, y compris le pouvoir médiatique. Les communicants de tous bords sont en surchauffe. L'entre-soi est à l'oeuvre à tous les étages.
Lorsqu'il rejoint la fiction, c'est la zone sombre, oubliée, de l'affaire Cahuzac qu'il explore à sa manière. Car enfin, si le ministre Ruggieri a cru nécessaire d'avoir un compte caché au Luxembourg, c'est bien pour y verser de l'argent. Sale, l'argent ? Et sa provenance ?

On le dit, on le sait. Depuis la nuit des temps la politique est aussi affaire d'argent, donc de corruption et de renvois d'ascenseur. Chez nous, cet argent a une odeur nauséabonde ; on le cache. Et si l'on tente par tous les moyens de l'obtenir pour financer ses opérations, ses campagnes, on souhaite aussi qu'il disparaisse des radars et n'apparaisse jamais aux regards indiscrets.

Le personnage de Djamila Garrand-Boushaki, en qui on reconnait la figure de Najat Vallaud-Belkacem, fait le lien entre le monde politique déliquescent et la manipulation orchestrée en sous-main par les pourvoyeurs de fonds et dont elle est au coeur. Tout en ambivalence, elle est à la fois le symbole d'une ambition démesurée rendue nécessaire pour survivre, en tant que femme et en tant « qu'étrangère », dans la sphère politique qu'elle a intégrée, et rattrapée par ses origines qu'elle n'a eu de cesse de chercher à gommer. Un rôle par forcément reluisant, mais rendu touchant par l'auteur.

Djamila croyait que les règles étaient différentes chez les riches et les Blancs (...) Elle sait désormais que les règles sont les mêmes partout : la réussite sourit spécialement aux voleurs, aux vicieux et aux fils de putes.

Avec La Résistance des Matériaux, François Médéline atteint la plénitude. Son style percutant, incisif, emprunté un temps à James Ellroy à qui il voue une grande admiration, arrive à maturation et c'est un pavé de cinq cents bonnes intentions bigrement assénées qu'il nous envoie en pleine gueule.
Reçu, cinq sur cinq !
Lien : https://polartnoir.fr/livre...
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Une chronique de Yann, sur Aire(s) Libre(s)
Et vlan ! un petit dynamitage de début d'année n'a jamais fait de mal à personne. On a beau se sentir blasés depuis des années face aux turpitudes de nos gouvernants, l'énormité des actes et l'assurance des mensonges énoncés les yeux dans les yeux continuent encore et toujours d'exercer sur nous un mélange d'incrédulité, de colère et de désespoir. Alors, quand François Médéline, fin connaisseur de la chose politique en France, s'attaque à l'affaire Cahuzac (mais si, souvenez-vous, ça n'est pas si vieux), il frappe fort et juste, faisant de la Résistance des matériaux un des romans les plus jouissifs de cette rentrée d'hiver. Et pourtant, on n'y rigole pas trop, c'est le moins qu'on puisse dire.
Bref rappel des faits : fin 2012, Jérôme Cahuzac (ici nommé Serge Ruggieri), ministre du Budget du gouvernement Hollande, est accusé par le site d'information Médiapart d'avoir détenu un compte bancaire en Suisse puis à Singapour, compte alimenté par des fonds non déclarés. Cahuzac / Ruggieri nie toutes ces accusations et clame son innocence pendant des semaines, y compris devant les députés à l'Assemblée Nationale. L'affaire prend des dimensions nationales jusqu'au 2 avril 2013, où Cahuzac finit par reconnaître les faits devant un juge d'instruction.
Les faits sont là, indiscutables, impitoyables, avérés. C'est d'eux que François Médéline tire les presque 500 pages de son roman. Mais ce qu'il y insuffle fait immédiatement basculer le texte du reportage vers une fiction politique ébouriffante. L'exercice est périlleux et relève de l'équilibrisme, tant la frontière est – volontairement – floue entre réalité et imagination, entre personnages réels apparaissant sous leurs vrais noms (et ils sont nombreux) et protagonistes créés pour le roman, dont les destins se croisent et s'entremêlent dans une chorégraphie savamment millimétrée. Tout l'art de Médéline repose ainsi sur cette double capacité bluffante à romancer le réel et à rendre crédible la fiction.
Celles et ceux qui avaient lu L'Ange rouge (La Manufacture de Livres – 2020) retrouveront ici Alain Dubak, commandant de la brigade financière au SRPJ de Lyon, écorché notoire, placardisé par sa hiérarchie.
« La coke est l'héritage de son passage aux Stups. La mort est l'héritage de son passage à la Crim. La haine de soi est l'héritage de sa naissance. »
Djamila Garrand-Boushaki est députée de la 2ème circonscription du Rhône et, par ailleurs, la femme de Jean-Michel Garrand, chef de cabinet de Serge Ruggieri. Par ailleurs également, un de ses frères a des accointances sérieuses avec le milieu salafiste. C'est de cet élément que vont se servir les « amis » de Serge Ruggieri pour allumer un contre-feu et tenter de faire oublier l'affaire en cours.
La suite :
Lien : https://aireslibres.net
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D'abord un bilan. le monde politique n'a jamais pris autant de place dans nos vies qu'aujourd'hui. Il y a quelques dizaines d'années, les hommes politiques (peu de femmes) se montraient dans les téléviseurs en période électorale. Rarement davantage. Ils gagnaient ou perdaient les élections et retournaient au placard pour sept ans.

Aujourd'hui la classe politique nous a pris en otages. Elle s'affiche qu'on le veuille ou non dans tous les médias, dans toute sa laideur, dans toute son incongruité. Les contribuables sont désillusionnés. Tous pourris. Il y a consensus.

Alors pourquoi, me demanderez-vous, en rajouter en lisant un thriller politique ?

Tout simplement parce que La Résistance des matériaux est effectivement un très bon roman !

Sa basant sur des faits qui remontent à une bonne dizaine d'années – l'affaire Cahuzac qui avait défrayé la chronique – François Médéline nous livre un roman dans lequel il est difficile de distinguer ce qui relève des faits et ce qui relève de la fiction.

Tenant à la fois du polar, du reportage et du roman d'espionnage par son style et son propos, ce roman est redoutable sous bien des rapports.

Pas le temps de respirer, le lecteur engrange une information à la seconde. A ce rythme on ne voit pas les presque 500 pages passer, elles filent aussi vite que la lecture le permet.

Les personnages de fiction côtoient les personnes politiques connues, le récit alterne avec des pseudos coupures de presse ou des écoutes téléphoniques des services secrets américains.

Ceux qui sont capables de saisir le second degré trouvent cela très drôle, mon ignorance en la chose politique moderne ne m'a pas permis d'en rire ni même d'en sourire, j'en ai plutôt grimacé de dégoût à plus d'une reprise.

Mais au bout du compte, je me dis que l'on tolère l'intolérable depuis tellement longtemps que les paupières de notre vigilance morale s'affaissent et qu'il est bon de lire un livre, même purement fictif (raclement de gorge exprimant une certaine dubitation) pourvu qu'il nous permette d'écarquiller les yeux quelques instants.

Une chose est certaine, si François Médéline continue d' écrire des thrillers politiques il n'est pas près de se trouver en mal d'inspiration…

Lien : https://cequejendis.fr/2024/..
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