Sommes-nous prêts pour la guerre ?

Sommes-nous prêts pour la guerre ?

Voici une question que bien de nos dirigeants devraient se poser avant de multiplier les déclarations va-t-en-guerre
Ils pourraient même faire de cet excellent essai de Jean-Dominique Merchet leur livre de chevet.
A condition toutefois de ne pas faire que le poser sur leur table de nuit, mais le lire et comme l'auteur pousser la réflexion sur les différents aspects et sur toutes les strates de la vie d'un pays qui sont impactés lorsqu'il est en guerre.
Alors sommes-nous prêts pour la guerre ?
A l'évidence, non.
Non, la société française n'est pas prête pour la guerre, ni psychologiquement, ni matériellement.
Alors que le canon tonne à nouveau aux frontières de cette Europe qui a été créée après la Seconde Guerre Mondiale pour pouvoir enfin vivre le « plus jamais ça » qui était alors le credo de tous les pacifistes.
Mais si la France n'a pas connu la guerre sur son sol depuis 80 ans, elle a été engagée dans diverses opérations depuis, et ça c'est souvent bien mal fini (Dien Bien Phu, la Guerre d'Algérie, et plus proche de nous la façon lamentable dont nous quittons le Sahel….)
Alors non, décidément non, nous ne sommes pas prêts pour la guerre.
La planète s'embrase toujours un peu plus, et nous savons que certains sont à l'affut et lorgnent sur leur voisin (Taïwan en est l'un des exemples les plus flagrants).
Il ne nous reste plus qu'à espérer que les voix des pacifistes seront plus fortes que celles des bellicistes, alors que 2024 va battre un record : celui du nombre d'élections dans le monde, et que la moitié des hommes et femmes en âge de voter sur cette planète seront appelés aux urnes cette année.
Les résultats de ces urnes pourraient bien redistribuer les cartes, et nous apporter des jours sombres si nous n'y prenons garde.

Un grand merci à Babelio et aux éditions Robert Laffont pour ce livre reçu dans le cadre de la masse critique.

Sommes-nous prêts pour la guerre ?

Cette question que nous pose Jean-Dominique Merchet et qui pouvait encore paraître étrange il y a 5 ans ne l'est plus tant que ça. Si la France a depuis longtemps multiplié les OPEX sous son propre pavillon ou sous celui de diverses officines internationales, force est de constater que la guerre en Ukraine a considérablement modifié la donne.

Pourtant, ce serait méconnaître les équilibres géopolitiques que de faire de cette guerre européenne le seul facteur inquiétant pour notre état de préparation. La France petit à petit perd de son influence. Nous nous faisons botter les fesses en Afrique, après avoir échoué à pacifier les montagnes afghanes ; nos amis européens préfèrent l'aventure outre-Atlantique pour se fournir en armement et boudent notre Rafale pour lui préférer le F35 entre autres… Même la Cour des comptes s'y met qui sonne les cloches de Saint Cyr ! Bref, rien ne va plus !

Dans cette essai, Jean-Dominique Merchet s'interroge au long de 9 chapitres qui chacun tente de répondre à une question simple. le ton est plutôt didactique et l'argumentation développée, même si elle ne fait pas l'économie d'une certaine « orientation politique », est plutôt intéressante. En tous cas, le questionnement touche juste.

Il fut un temps où pour gagner la paix, on préparait la guerre. Plus que notre état de préparation, il me semble que ce qu'interroge l'auteur, c'est notre vision du monde et notre capacité à imaginer les conflits de demain. Or, il n'est qu'à regarder l'Histoire, nous avons rarement eu de politiques très visionnaires en la matière.

Autour de neuf questions, Jean-Dominique Merchet entend mettre en lumière les forces, mais surtout les faiblesses, de la stratégie de défense française, avec pour fil directeur l'interrogation ultime qui n'a de réponse qu'au moment où elle ne se pose plus, mais s'impose à une nation : « Sommes-nous prêts pour la guerre ? ». L'auteur nous accorde tout de même sa réponse en conclusion, mais c'est bien le déroulé argumentatif qui intéresse davantage le lecteur. Beaucoup des arguments avancés par « Jean-Do » sonneront aux oreilles des habitués du journal l'Opinion, mais leur mise en cohérence et l'ajout d'autres critiques, toujours justifiées, donne un ouvrage qui condense tous les tabous, illusions et non-dits sur l'armée française, et plus globalement, sur notre stratégie de défense. Même si le livre est à destination du grand public, avec une profondeur d'analyse qui a souvent pennée à aller au-delà des recherches que peut se faire un lecteur averti du monde de la défense, quelques idées structurantes méritent d'être mentionnées. Les raisons sociologiques et historiques pour lesquelles les acteurs politiques et militaires français sont frileux quant au soutien de l'Ukraine, la proposition audacieuse d'une entrée de la France dans le NPG (OTAN), l'optimisme sur la résilience du peuple français, et la tendance de notre appareil politico-militaire à subir et commémorer des défaites, sont des exemples de passages pointus qui m'ont profondément intéressés. Un point m'aura néanmoins interloqué: la faible considération des Outre-mer et l'oubli des responsabilités qu'a la France à défendre ses citoyens et ses territoires, avec une priorité de réflexion assumée sur une sphère de 2000km autour de l'hexagone: « plus loin, c'est notre choix d'y être ou de ne pas y être »… vraiment ? On sait que l'armée française est imparfaite et qu'il y a une décorrélation entre l'ambition politique (arrogante), les moyens militaires (limités) et les menaces qui s'imposent à nous et à nos alliés; pourtant, les acteurs politiques et militaires français ne remettent en question qu'à la marge cette stratégie qui doit assurer notre défense et la préparation à toute éventualité. Ce livre a ainsi le mérite de poser les bonnes questions et d'offrir un premier socle pour repenser, en profondeur, la stratégie de défense française: il doit donc être lu pour disposer d'un état des lieux franc et complet, condition indispensable à toute réflexion. L'objectif étant, finalement, de préserver la paix et, si jamais cela était nécessaire, d'être prêt pour la guerre.

Puissance nucléaire, OTAN, autant d'éléments dissuasifs qui devraient permettre à la France de ne pas être contrainte à un conflit de haute intensité (selon la formule consacrée) avec une nation ennemie.

Dans les faits, c'est un peu plus complexe que ça. Jean-Dominique Merchet, journaliste spécialiste des questions militaires ayant travaillé à Libération, Marianne et l'Opinion, dresse un état des lieux des capacités réelles de la France, de son armée, de son industrie militaire, de son rôle sur la scène internationale et de l'efficacité de sa dissuasion nucléaire. Il nous livre ses analyses sur les menace actuelles et sur l'évolution de la doctrine française, nucléaire ou non, tout en revenant sur tous les conflits dans lesquels la France a été engagée depuis la fin du XIXème siècle et les théâtres d'opération dans lesquels elle intervient depuis la seconde guerre mondiale.

À la fois court et dense, c'est un essai qui se lit rapidement et qui mériterait une seconde lecture. Écrite après l'invasion russe en Ukraine et après l'attentat en Israël du 7 octobre, c'est une analyse militaire tres actuelle qui est à la fois complexe et peut-être insuffisamment approfondie, c'est du moins ce que j'ai ressenti.

On en sort avec un sentiment mitigé, teinté de pessimisme. L'auteur le précise, il ne fait pas de politique-fiction, il se contente d'analyser et de dresser un bilan. Malgré sa confiance, que je partage, en un système, une industrie, un peuple, capables de résilience et d'adaptation, il est difficile d'être complètement serein face aux enjeux de demain.