Il s'agit de la réédition (augmentée d'une préface sur l'auteur) du livre écrit à 60 ans par
Louis Mercier Vega, pseudonyme de Charles Cortvrint, militant anarchiste depuis l'âge de 16 ans, combattant dans la colonne Durutti pendant la guerre d'Espagne, puis journaliste et écrivain, défenseur d'un anarchisme empirique de l'action politique, mort en France en 1977.
Le livre est divisé en 8 chapitres, d'abord strictement historiques, puis consacrés à l'analyse du bilan de la première époque péroniste, de son héritage et de ses suites avant le bref retour aux affaires du « Lider » après un exil de 17 ans, sa réélection rapidement suivie de sa mort en 1976, puis sa succession par sa seconde épouse, Isabelita.
L'intensité et l'instabilité extrêmes de la vie sociale et politique durant la période, l'alternance ensuite de gouvernements plus démocratiques, et d'épisodes de dictature militaire parfois effroyables, rendent impossible toute simplification.
La lecture est ardue, en raison de la complexité du sujet, du très grand nombre de protagonistes, et de notre (en tout cas mienne) méconnaissance de l'histoire argentine. Il apparaît clairement que le péronisme, clairement inspiré par les régimes autoritaires européens d'avant-guerre, ne peut être tout à fait réduit à l'étiquette vague de populisme. Certes il s'agit d'un régime autoritaire, liberticide, répressif, basé sur l'intégration du mouvement ouvrier par l'institutionalisation syndicale et la manipulation des masses populaires grâce au contrôle de la totalité des moyens d'information, un nationalisme assumé et agressif, une politique sociale dont beaucoup d'avantages matériels furent hélas rapidement annulés par une inflation récurrente, une politique économique erratique.
Son originalité tient à des conditions particulières, géographiques (un pays immense au sud de l'Amérique du Sud), populationnelles (une population très majoritairement immigrée pour des raisons économiques et/ou politiques d'Europe depuis moins d'1 siècle), sociales (un modèle archaïque latifundiaire dominant jusqu'à la seconde guerre mondiale), religieuses (l'influence de l'église catholique est majeure, essentiellement conservatrice jusqu'aux années 1970), économiques (agriculture/élevage intensifs exportateurs, industrie très faible jusqu'à la seconde guerre mondiale), à la nature particulière de l'armée (qui tend d'autant plus à agir sur la politique intérieure qu'elle est inoccupée à l'extérieur)…enfin à la personnalité particulière du « Lider », fait de charisme, de rhétorique, d'alternance de chaud et de froid, d'opportunisme constant, de démagogie permanente…et de l'image plus charitable que véritablement sociale incarnée par son épouse Evita.
Pour finir, le péronisme, même s'il a changé de figure, reste très présent (pesant ?) dans la vie politique argentine (et pas qu'elle !), et le passé éclaire souvent le présent.
Le livre est donc très intéressant et instructif, mais froid, alors que le climat politique argentin ne l'est pas…A conseiller aux lecteurs d'ouvrages historiques/politiques plus qu'aux amateurs de romans, donc.
Livre analysé dans le cadre de « Masse critique »