De bonnes critiques sur Babelio, un auteur français, une intrigue parisienne et qui avait l'air de sortir des sentiers battus... Il ne m'en a pas fallu davantage pour me jeter sur ce roman.
Malheureusement, dès les premières pages, mon enthousiasme a été refroidi et, plus ma lecture avançait, plus j'ai compris qu'hélas je m'acheminais vers une grosse déception, ce qui n'a finalement pas manqué d'arriver.
Si je devais synthétiser les différents défauts (et ils sont nombreux...) que j'ai trouvé à ce livre et qui me font émettre un avis aussi négatif, je les classerais en trois grandes catégories: l'intrigue, le contenu idéologique, et enfin ce que je pourrai appeler le manque flagrant de "réalisme policier".
Je vais commencer par le second point car il conditionne en partie le reste. Assez rapidement, on comprend que
Louise Mey n'entend pas simplement raconter une histoire (ce qui est finalement la principale raison d'être d'un roman), mais qu'elle souhaite aussi - et peut-être surtout - faire de son ouvrage une tribune pour dénoncer les violences faites aux femmes et, plus généralement, le machisme sous toutes ses formes. La première difficulté, à mon sens, est que le genre policier n'est absolument pas le vecteur idoine pour qui veut écrire de la littérature engagée, car le lecteur recherche avant toute chose du suspense et la résolution d'un mystère, et n'est de ce fait pas spécialement conditionné à subir un pensum idéologique, même si la cause qui est défendue est évidemment parfaitement louable, ce qui est bien sûr le cas de celle-ci (ne me faites pas dire ce que je n'ai pas dit). Mais même si l'on écarte cette difficulté, il en demeure une autre qui consiste en la manière même d'aborder le sujet: en la matière, et considérant le fait qu'on est en présence d'un roman policier, et pas d'un pamphlet, d'un essai ou d'une satyre, on s'attendrait à ce que l'auteur fasse preuve de subtilité dans sa façon d'amener le sujet, afin de faire passer son message en douceur, sans excès ou exagération qui pourrait lui nuire. Or, et c'est mon principal reproche, c'est tout le contraire que fait
Louise Mey ici: elle force le trait, taille à la hache, en rajoute des tonnes et, finalement, tombe dans la caricature.
Ainsi, on se retrouve dans un monde presque entièrement en noir et blanc, ou presque tous les personnages masculins sont d'immondes connards qui ne pensent qu'à frapper les femmes, d'horribles crétins imbus d'eux-même qu'une femme va se faire un plaisir de remettre à leur place, d'affreux pervers qui ne voient les femmes que comme des bouts de viande, ou encore les trois à la fois. Inversement, les personnages féminins sont sans exception tous positifs, sans doute en raison de leur statut de victimes, réelles ou potentielles, de tous ces méchants hommes. Ainsi, entre autres exemples, le passage avec le professeur Magnier ne présente strictement aucun intérêt pour l'enquête et n'est là que pour mettre en scène un imbécile prétentieux et raciste que l'héroïne va évidemment moucher comme il se doit. On en dira autant des scènes avec le journaliste, le médecin légiste, le préfet ou encore le directeur de société, lequel, bien entendu, harcèle sexuellement ses employées féminines en toute impunité. Mais si les personnages sont grotesques, certaines situations le sont tout autant: ainsi Alex va être en l'espace de quelques semaines personnellement témoin, ou victime, de pas moins de quatre agressions sur des femmes, lesquelles sont en plus franchement caricaturales. Entendez-moi bien: je ne dis pas que cela n'existe pas, et je suis le premier à condamner ce genre d'agissements, mais honnêtement vous connaissez beaucoup d'hommes, même les plus détraqués, qui se masturbent en plein milieu du boulevard Magenta à Paris, devant des centaines de passants et d'automobilistes, collés contre la vitre d'une voiture conduite par une femme, qui évidemment va en être traumatisée à vie? Moi non, et pourtant c'est la scène sur laquelle commence le livre... Enfin, last but not least, on a droit aux habituelles attaques contre la religion catholique, encore une fois de manière très subtile puisque les cathos sont présentés comme d'horribles homophobes qui ont plein d'enfants à qui ils apprennent ces horreurs dès le berceau et qu'ils habillent en bleu pour les garçons et en rose pour les filles. En revanche, et c'est bien connu, les autres religions sont toutes très tolérantes envers les homos, ce qui est sans doute la raison pour laquelle l'auteur leur épargne ses critiques... Bref, vous l'aurez compris, à trop vouloir en faire,
Louise Mey se prend les pieds dans le tapis et nous décrit un univers qui est tellement exagéré qu'il en perd toute crédibilité.
Cela nous amène au deuxième point, qui est l'intrigue en elle-même. Indubitablement, l'idée est originale, mais malheureusement, elle est mal exploitée, d'abord parce qu'elle est parasitée par tous les scènes annexes mentionnées supra (si on retranchait tout ce qui n'a pas trait à l'enquête proprement dite, je pense qu'on ne garderait que la moitié du roman, et encore), mais aussi parce que, comme l'ont fait remarquer d'autres critiques, elle est poussive, n'avance pas, et fait que le lecteur en vient rapidement à s'ennuyer. Invsersement, tout s'accélère trop vite dans la dernière partie, et aboutit à un dénouement qui semble presque bâclé et laisse plusieurs questions en suspens. On aurait vraiment préféré que l'auteur s'abstienne des nombreux passages inutiles dont j'ai parlé, et au contraire qu'elle développe plus les points intéressants, mais au final cette nouvelle lacune ne fait que confirmer que, malheureusement, elle a privilégié le message et l'idéologie à l'intrigue proprement dite, ce qui donne un résultat qui, sans surprise, ne peut être que mauvais.
Enfin, le troisième point qui a achevé de me faire détester ce roman (sans soute parce que je travaille dans le milieu de la justice) est qu'il est bourré d'erreur juridiques ou sur le monde policier. Certes, l'auteur précise dès le début que la brigade qu'elle décrit n'existe pas, et que le fonctionnement du commissariat n'est pas conforme à la réalité. En fait c'est là un euphémisme puisque en fait rien, absolument rien (ou presque) n'est exact, et la réalité, à mon avis, est que
Louise Mey n'a même pas fait l'effort passer ne serait-ce que quelques heures dans un commissariat et de parler à des enquêteurs. Si elle l'avait fait, elle aurait apris, par exemple, que la présence d'un OPJ lors d'une autopsie est obligatoire: cela lui aurait évité de nous infliger la scène absurde où l'on voit le médecin légiste refuser à Alex et Marco d'assister à une autopsie, au motif que "madame pourrait être choquée". Franchement j'ai failli arrêter la lecture à ce moment-là, car trop, c'est trop. La vérité, c'est en fait que cette scène, pour absurde qu'elle soit, permet évidemment à l'auteur de nous présenter un personnage infect, et ce toujours dans le cadre de sa vision idéologique et manichéenne du monde. En fait, la police qui est représentée ici est une police américaine, dans laquelle les enquêteurs travaillent en binôme, ont une "plaque", appellent le "central", portent des revolvers et ont leur point de chute dans un bar où ils vont tous les jours après le travail. Tous ceux qui connaissent un peu cet univers professionnel, ou qui ont lu des auteurs qui sont eux-même policiers, comme
Hervé Jourdain ou
Danielle Thiéry savent que le "central" ne s'appelle pas ainsi, que les enquêteurs travaillent non pas en binômes mais en groupe, qu'ils ont une simple carte tricolore et sont dotés d'un pistolet automatique, et surtout qu'après avoir fini leur journée ils rentrent directement chez eux. Je passe sur les autres erreurs et inexactitudes qui parsèment le livre, et termine par celle qui, bien qu'anecdotique en soi, me rend fou et qui dénote vraiment un manque de sérieux chez cet écrivain: si Mme Mey me lit, je veux donc lui dire une bonne fois pour toutes qu'il n'y a plus d'inspecteurs dans la police française depuis 1995, date à laquelle ils sont devenus des officiers de police. Pour cette raison, il est donc tout bonnement insupportable de lire un roman policier qui est censé se passer en 2013 et dans lequel les personnages sont inspecteurs...
Pour résumer, voici un roman qui aurait peut-être pu être bon si l'intrigue avait été mieux développée et s'il n'avait pas été parasité par un contenu idéologique caricatural et desservi par un manque évident de réalisme. J'ai vu que l'auteur en avait depuis commis deux autres, dont un qui met en scène les mêmes personnages. Pour ma part, je passerai mon chemin...