AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,93

sur 346 notes
5
9 avis
4
7 avis
3
5 avis
2
3 avis
1
0 avis
La crucifixion en rose
Tome I SEXUS
Henry Miller (1891-1980)
« Ce doit être un jeudi soir que je la rencontrai pour la première fois, au dancing…Je me sentais frais et dispos le coeur pur, obsédé par une seule idée : la posséder à tout prix…J'approchais de ma trente troisième année, l'âge du Christ en croix…J'étais au plus bas de l'échelle ; un raté dans toute l'acception du terme…J'étais loin de me figurer que cette semaine allait être l'apothéose de ma vie et durer sept longues années… »
Ainsi débute ce roman et d'entrée le ton est donné par le narrateur, marié il faut le savoir avec une personne qu'il hait, Maude, une femme qui secrète une tristesse accablante au sein d'un foyer qui ressemble à un sépulcre. Il n'espère guère que sa vie va changer suite à cette rencontre quand il dit :
« Voilà trente ans que je porte la croix de fer de la servitude infâmante, que je sers sans la foi, que je travaille sans gages, que je me repose sans connaître la paix. »
Il n'y a vraiment pas de raison que ça change, et pourtant …
Dès lors, il n'a de cesse de la rechercher dès le lendemain, pour des retrouvailles orgasmiques lorsque Mara allume pour lui, pleins feux la rayonnante incandescence de son amour.
Travaillant dans le télégraphe, il est peu motivé et songe plutôt à une carrière d'écrivain. D'une humeur sombre quand il n'est pas avec Mara, il voit le monde en larmes pour l'éternité, le rire n'étant qu'un instant qui passe et la joie une folie passagère dans un monde de tristesse.
« Faire rire le monde est une chose ; faire son bonheur, c'est une autre paire de manches. Personne n'y a jamais réussi. »
On peut dès l'entame admirer le beau style de Henry Miller :
« Mara était vêtue d'une robe noire à pois, à la mode suisse, qui soulignait l'opulence de ses formes. La brise jouait légèrement avec la masse noire, luisante, de ses cheveux, avivant son visage lourd d'une pâleur de craie, comme l'embrun qui fouette la falaise. Dans sa foulée rapide et souple, si sûre d'elle, et alerte, je vis une autre preuve d'un sens renouvelé de la vie : c'était l'animal jaillissant de la chair éclatée, avec la grâce et la beauté fragile de la fleur. C'était elle dans son être diurne, fraiche, saine, vêtue très simplement et parlant presque le langage de l'enfance. »
Magnifique.
L'autre trait de caractère d'Henry est d'être constamment désargenté tout en étant très généreux dès qu'il a trois sous, issus soit de son salaire soit d'un emprunt aux amis Ulric ou Kronski.
Son ami le Dr Kronski passe son temps dans de grands discours à nettoyer le monde, remettant de l'ordre dans la « grande bâtisse », préparant la voie à la fraternité humaine ! et au règne de la liberté de pensée. Kronsky qui ne se prive pas de privautés avec Mara qu'il fait plus que guigner :
« La tête blottie dans le giron de Mara, telle une vipère dilatée, il laissait les mots filtrer de ses lèvres, à la façon du gaz qui fuit d'un robinet mal fermé. C'était la plainte étrange de l'irréductible atome humain, la sub-âme errant dans les caves de la misère collective. »
Henry pense que Mara ne lui dit pas tout de sa vie et chaque jour connaît son lot de découvertes et de déconvenues passagères qui lui permettent de renouer temporairement avec Maude après qu'il lui a avoué sa liaison avec Mara.
Un nouveau rival se profile en la personne de Carruthers et Henry entrevoit la possibilité de s'établir avec Mara pour couper court à toute intrusion.
C'est plus tard le début d'une vie commune : Henry et Mara ne peuvent plus se quitter et s'installent dans le Bronx. Henry avoue qu'il ne possède pas Mara même si elle est entièrement sienne presque esclave, mais que c'est lui qui est possédé, la proie d'un amour comme il ne s'en est jamais offert, un amour qui est un gouffre, un amour total…pour se prosterner devant l'image de la divinité, mourir mille morts imaginaires, anéantir toute trace de soi, découvrir l'univers entier, incarné, enchâssé dans l'image vivante de l'autre… À présent ils sont Mona et Val : ils ont changé de vie et de noms !
Henry ne s'est pas rendu compte, au début de leur relation, du grand besoin que Mona a de lui, ni du changement qu'elle a opéré dans ses habitudes, afin de lui offrir d'elle une image idéale. Elle fait l'impossible pour se rendre indispensable, pour aimer Henry avec dévotion et abnégation. Et Henry de reconnaître qu'il a certainement plus besoin d'elle qu'elle de lui.
Mona incite de plus en plus Henry à se mettre à l'écriture qui lui de son côté se dit qu'il se doit de commencer ne serait-ce que par amour pour elle. Et alors Henry s'épanche en des phrases magnifiques pendant des nuits de hantises, où regorgeant de créations il ne voit rien que les yeux de Mona et dans son regard, montant comme des lacs de lave bouillante, des fantômes s'exhalant en surface, se fanant, s'évanouissant, réapparaissant, trainant avec eux l'effroi, l'appréhension, la peur, le mystère. Image fugitive et toujours poursuivie…et derrière ses fantômes se dissimule une créature enfantine, diminutive faisant mine de s'offrir lascivement…
« « Nuit après nuit, je ne quittais les mots que pour trouver le rêve, la chair, le fantôme. Possession et dépossession...chair blanche et frêle de l'enfant…et la nuit, c'est le désir et l'attente, l'attente au-delà de toute endurance. »
S'en suit une longue réflexion sur la création littéraire, un thème qui obsède Henry entre deux épisodes amoureux, s'interrogeant sur les grands mystères du rapport entre l'Homme et l'Univers. Pour lui, l'artiste se doit de franchir en force les frontières du réel.
« L'intelligence est peut-être une bénédiction ; mais la confiance totale, la crédulité poussée jusqu'à la simplicité d'esprit, la reddition sans condition, c'est une des joies suprême que réserve la vie. »
Henry sous prétexte de voir sa fille rend régulièrement visite à Maude dont il n'est pas encore divorcé et les corps avec nostalgie se rapprochent dangereusement… Sans compter avec Mélanie, la servante de sa femme, un être fantasmatique à priori ridicule mais dont la bestialité provoque Henry « comme le ferait une brebis en chaleur pour un berger solitaire… Ses cheveux blancs ne faisaient que mieux souligner le leurre frémissant de sa chair, ses yeux étaient d'un noir de jais, son sein ferme et plein, sa hanche telle un champ magnétique…Elle donnait l'illusion d'aller et de venir nue…Elle me hantait comme un feu rouge en pleine nuit…Songeant à la beauté démente de Mélanie, je m'abandonnais souvent à d'extatiques rêveries charnelles… » Mélanie, une veine de fabulation qu'Henry étalerait sur le papier un jour…
Henry, toujours aussi désargenté, plus tard connaît des moments d'exaltation et d'inspiration qu'il raconte, comme habité en marchant dans les rues du Bronx pour écrire le livre d'une vie.
« le soleil se couchait à l'ouest comme d'habitude, dans le dégoût cependant, et non dans la splendeur et le rayonnement, pareil à une omelette somptueuse noyée dans des nuées de morve et de glaires catarrheux. »
Alors qu'il se livre à des ébats avec Maude, il est appelé d'urgence ; Mona a fait une tentative de suicide. Elle ne supporte plus les visites répétées d'Henry à son ex. Elle décide d'abandonner la danse pour le théâtre, ce qui lui va bien, car elle est dans la vie de tous les jours capable de changer de rôle avec une rapidité dévastatrice :
« Elle changeait de rôle sous vos yeux, avec ce talent incroyable et insaisissable de prestidigitateur qui permet aux étoiles de music-hall d'incarner les personnages les plus divers. Ce qu'elle avait fait inconsciemment toute sa vie, elle apprenait maintenant à le faire délibérément grâce au théâtre. »
La relation amoureuse entre Mona et Henry prend alors un tour nouveau :
« Elle dégageait une force, un magnétisme, un charme rayonnant. Elle faisait penser à une de ces Italiennes de la Renaissance dont le regard méditatif et le sourire énigmatique vous contemplent, du fond d'une toile qui recule à l'infini…C'était mon devoir, ma mission, ma destinée en cette vie de la chérir et de la protéger… Un revenant de la Renaissance, tombant sur Mona et moi à l'improviste, eût parfaitement pu nous prendre pour deux personnages délogés d'un tableau représentant la fin violente de l'escorte miteuse d'un Doge sybarite. Nous gisions à l'orée d'un monde en ruines, composition présentant les caractères d'une étude plutôt précipitée de perspectives et de raccourcis, où nos corps prostrés mettaient la touche picaresque. »
À noter les très belles descriptions de New York page 566 et 567 conjuguées avec la vie sexuelle échevelée de Henry Miller qui est relatée sans circonlocutions dans la plus verte crudité dans le chapitre XIX. Tout ce chapitre est un moment d'anthologie peu égalé dans la littérature érotique.
Ce livre de 666 pages (diaboliques !) est un grand, passionné et féroce récit autobiographique avec le présent et le passé alternant, avec des analepses savoureuses comme ce souhait d'Henry d'instaurer un ménage à trois avec sa femme Maude et une de ses maîtresses Carlotta, avec l'évocation de tranches de vie avec ses amours et ses amis et les réflexions métaphysiques induites. Ou encore quand Henry psychanalyse son ami Kronski moyennant finance et se constitue une petite clientèle, toujours à l'affut de quelques dollars à gagner.
C'est une oeuvre étonnante, ardente, riche, puissante, totale avec comme fil conducteur l'amour indestructible pour Mona.
Extraits :
« On ne devient jamais que pour être. »
« du peu de lectures que j'avais faites, j'avais tiré cette conclusion que les hommes qui trempaient le plus dans la vie, qui la moulaient, qui étaient la vie même, mangeaient peu, dormaient peu, ne possédaient que peu de biens, s'ils en avaient...Ce qui les intéressait, c'était la vérité, rien que la vérité. Ils n'accordaient de valeur qu'à une seule forme d'activité : créer… Et créer, c'est trouver ma légende où entrerait ma clef qui ouvre l'âme. »
« L'objet de la discipline est de promouvoir la liberté. »
« L'imagination, c'est la voix de l'audace. »
« Les gens continuent à espérer jusqu'à leur lit de mort. L'espoir est un signe funeste ; symbole d'impuissance. le courage n'est pas plus utile. »
« le cul d'une femme vous renseigne exactement sur elle : caractère, tempérament.. ; il vous dit si elle est ardente, morbide, gaie ou légère, responsive ou non, maternelle ou amoureuse du plaisir, active ou indolente, voire même si elle est sincère ou menteuse de nature ! »
En visite à la cathédrale de Naples : « Deux mille ans d'imposture et de calembredaine pour aboutir à ce triomphe de foire ! »
Quand on est sans travail et trop dégouté pour en chercher, mieux vaut encore aller s'asseoir dans un trou puant… »
À lire absolument !
Commenter  J’apprécie          72
Quand j'ai embrassé Henry Miller dans les années 75, j'ai failli tout laisser y compris Léon Tolstoï que je vénérais et que je vénère toujours, non pas Léon, je lui ai commis une infidélité en le laissant dormir un peu. En fait C'est Georges Moustaki qui me l'a suggéré. Georges était fan d' Henry Miller, au delà de la raison ..Et comme j'aimais énormément Georges, le personnage, la singularité, la liberté, sa beauté de pâtre grec, j'étais tout jeune, sur un petit nuage, je me suis mis comme un fan à aimer ce qu'il aimait..
Et comme tout a une triste fin, quand Georges au crépuscule de sa vie a sorti un livre sur les artistes qui ont compté pour lui dans sa vie, je n'ai même pas retrouvé le nom d'Henry Miller qui l'avait tant enchanté dans ses années canoniques ! Je fus intimement déçu, mortifié !
Je suis avec sur les bras Henry Miller avec sa Cruxifixion en rose, mais je le garde près de moi comme une étoile qui a illuminé ma vie à un moment donné, et j'entends le garder près de moi irrépressiblement.
PG 29 08 2022

(En fait je ne fais que rebondir sur le clin d'oeil d' AnnaCan
voir son remarquable billet sur Lady Chatterley de Lawrence)
Commenter  J’apprécie          122
Autobiographie d'Henry Miller (tome 1 sur 3 de la Crucifixion en rose), ce livre est un hymne à la vie. L'auteur critique la société de consommation, le modernisme, le travail. Alors quel alternative ? Employé dans une entreprise télégraphique « cosmococcyque » - ne chercher pas le sens -, Miller se dit écrivain. Dans le livre il ne nous raconte pas son travail d'écriture, pourtant, subtilement, l'oeuvre est en cours, devant nous.

L'ouvrage est un long plaidoyer pour la vie d'artiste, dont le statut est difficile, mais la tâche noble. Vivre en tant qu'artiste demande beaucoup de sacrifice, ne pas faire comme tout le monde. D'un autre côté Miller est tout le temps en train de quémander des dollars. On se demande ce qu'il fait de son fric – de son salaire d'employé -, il le dépense en viré nocturne, restaurant, bamboula. Peu de gens prenne ce chemin qui n'est pas celui de la facilité, d'une vie rangée. Au contraire, selon lui le monopole du travail « reviens de droit aux abrutis ».

Dans un mémorable paragraphe, Miller se lance dans un plaidoyer pour la création qui est à l'opposé du travail selon lui. L'auteur s'interroge sur le processus créatif, d'où vient l'inspiration romanesque.

Le livre est entrecoupé de scène de sexe plutôt cru, surtout pour l'époque (1949). Ces scènes témoignent de l'impérieux besoin de vivre de Miller, sans contrainte, de façon anarchique. Il quitte sa femme pour sa maîtresse mais a besoin de sauter sur tout ce qui bouge. Même quand le décor est carrément glauque (femme alcoolisé, prostituée, scène scatologique etc) il penses encore au sexe.

Pendant ce temps il ne s'occupe pas de sa fille. Si elle est cité plusieurs fois, il ne s'intéresse jamais à elle.

C'est une oeuvre que l'on vit physiquement, forte en intensité et en émotion. L'allusion au corps est souvent présente, Miller vit, mais ses observations cherche à le faire grandir, il tutoie dans certains passages une forme de spiritualité jamais vraiment atteinte. Sa philosophie, semble t-il penser, c'est sa vie d'homme libre.

Certains trouverons Miller antipathique, macho, pourtant on s'attache facilement au personnage. On ne le plaindrait pas, mais ses réflexions sur la vie sont parfois d'une grande profondeur. le rêve, synonyme de création est omniprésent. Parfois on se demande si Miller n'en rajoute pas, s'il ne fantasme pas. Alors ouvrage autobiographique ou surjoué ? Un roman c'est la liberté, alors ne doutons pas que s'il en a rajouté, il n'a pas tout dit...

Au niveau du style et de l'atmosphère, l'ouvrage ressemble à Voyage au bout de la Nuit (Céline), mais avec une toute autre histoire à raconter.
Commenter  J’apprécie          20
Décidément, le mythique Henri Miller est un écrivain qui m'ennuie. Non pas que je ne frétille pas sur quelques passages de temps à autre, mais dans l'ensemble, quelle lour-gueur... et ce sexus, récit auto-biographique de sa passionnante existence d'écrivain en devenir, de ses frasques et de ses débauches n'y ont rien changé.
Commenter  J’apprécie          20
Henry Miller n'est pas seulement pour moi un écrivain modèle, il est un modèle de vie, écrivant/luttant comme un forcené contre des démons extérieurs… et les terrassant ! Les ouvrages (et la vie) d'Henry Miller sentaient la sueur, la fornication et la rage de vivre. Henry Miller affrontait le chaos extérieur pour le sublimer en oeuvre d'art et il y parvenait.

Dans sa trilogie Crucifixion en Rose (Sexus-Plexus-Nexus), ce n'était pas le Christ (Miller lui-même) qui finissait sur la croix, mais tous les Ponce-Pilate de la morale étriquée, tous les marchands du temple blafards, toutes les ouailles tremblantes de la non-vie.

Publiée entre 1949 et 1960, la trilogie de Miller précédait de loin la libération sexuelle des années 70. Je me rappelle avoir dû lire Sexus en anglais parce que l'éditeur français n'avait pas encore obtenu l'autorisation d'une publication en langue de Rabelais.

Ce qui me plaisait aussi en Henry Miller, c'est de savoir qu'en matière de fringale de vie, il avait son pendant féminin : Anaïs Nin.
Commenter  J’apprécie          30
Je viens de finir la lecture de ce livre que beaucoup présentent comme une oeuvre marquante, majeure.

Et je dois avouer que je suis déçu.

Certes, il souffle dans ce livre un vent de liberté et d'insouciance qui peut faire rêver dans la période que nous traversons.
Liberté sexuelle, liaison adultère, divorce, tumulte et richesse de la vie amicale et sociale, premiers pas de l'écrivain dans le Brooklyn des années 20.
C'est festif et haut en couleur.

Mais au final, le livre est long et assez répétitif, essentiellement ponctué de visites à sa maîtresse et de descriptions de leurs relations sexuelles.

Je me suis lassé au fil de la lecture.
Et je ne lirai pas les deux autres volumes de la trilogie "La Crucifixion en rose".
Commenter  J’apprécie          10
Comme tout les grands écrivains américains de sa génération, l'oeuvre de Miller est presque totalement autobiographique, un prodigieux conteur par ses élans prophétiques, l'omniprésence dans ses textes du rêve et du fantasme. Il cherche tous les moyens d'expression possibles et inimaginables comme un contempteur impitoyable de l'Amérique, de son matérialisme et de la perversité des moeurs; tandis que le sens même de sa démarche artistique reflète une exigence vitale qui s'apparente à Arthur Rimbaud.
Commenter  J’apprécie          63
Alors voilà, j'ai découvert Henry Miller lors de mon tour du monde, à 33 ans. Et j j'ai dévoré ces pages d'errances, d'alcool, de rêves, de triste réalité, d'un New York dur mais plein de promesses. Henry et ses petits boulot, le journal, ses potes de beuverie, Mona....
Il a écrit notamment quelque chose dans ce style: "Je venais d'avoir 34 ans et j'avais décidé de ne plus jamais travailler" Cette phrase, et son vagabondage incessant, à la recherche de quelque chose, tout cela m'a beaucoup marqué
Commenter  J’apprécie          40
Premier volet d'une trilogie indispensable, Sexus est un pseudo-roman nous racontant le parcours sexuel d'un artiste qui n'en est pas encore véritablement un (lui manque juste l'oeuvre - mais comme nous l'explique merveilleusement l'auteur - p 185 à 189 -, c'est moins l'oeuvre que sa condition qui fait d'un homme un artiste). Ici l'histoire n'est prétexte, semble-t-il, qu'à la confidence de pensées métaphysiques sur l'Art, le rapport de la société au sexe et dans une moindre mesure son rapport avec l'Amour. Mais c'est avant tout une oeuvre autobiographique où chacun jugera de ce qu'il sera bon de conserver et d'appliquer à soi : quelle importance accorder au regard des autres lorsqu'on aime une femme, jusqu'on peut-on aller pour dire à cette femme qu'on l'aime du plus profond de notre chair, qu'attend réellement une femme de la part d'un homme, la tromper sexuellement sans la quitter n'est-ce pas aussi lui prouver à quel point on l'aime, ne pas la comprendre entièrement signifie-t-il vraiment quelque chose, une femme qui s'abandonne sexuellement et complètement à vous ne mérite-t-elle pas d'être aimée... ? Autant de questions qui bousculent les clichés et l'ordre établi sur la manière de se comporter sexuellement, voire affectivement, dans notre société actuelle. Loin du romantisme contemporain exacerbé et finalement fabriqué, une réflexion qui risque de laisser des traces. En tous cas une histoire bien plus passionnante que les mièvreries dont nous avons coutume de voir perpétuellement remplies les librairies (la mondialisation de la culture est en marche), même si certains passages tournent effectivement parfois à la pornographie et qu'on ne peut croire que tout cela soit totalement "vrai".
Commenter  J’apprécie          30
Il commence fort. Dès le premier paragraphe, il m'a eu. Tout mette en jeu comme il l'a bien écrit, l'enjeu est nul car l'estime de lui-même se résume en deux mots : un raté. Ainsi, le voyage commence. Une quête de la belle. Celle qui vous empoisonne, vous obsède. C'est elle la bonne, l'unique. Elle vous rendra heureux, vous sortira de vos basques et surtout elle consolera vos chagrins. Tout cela, n'est que fantasme car la réalité n'est tout autre. L'image du paumé est bien dépeint ici, pas de fric, une obsession pour une fille de joie dont il rêve et se projète même dans un futur imaginaire, le héros cherche sa plume et son obsession est d'y arriver à pondre un livre ou même écrire quelque chose dont ses amis se réjouiront. le début du livre est morcelé d'hésitation dont un écrivain peut ressentir. le héros vagabonde d'un coin à autre sans aucun sens comme un auteur qui en quête du fil conducteur. le style est présent et le ton aussi, il y a tout pour vous reconnaitre en ce héros, ce héros qui cherche sa belle et qui sait quoi d'autre pour le satisfaire et finir par apporter une réponse à sa question : suis-je capable d'écrire un bon livre ?
Après une bonne rasade d'alcool, il se met à écrire un texte très bon. Qui peut savoir, est-ce à cause de l'alcool, l'écrivain réussi à se libérer et chier une bonne bouse ou c'est vraiment parce qu'il est comme le paumé chanceux, à qui la fin de la journée un coup de vent lui apporte une pincée d'épices pour un bon plat improvisé. L'écrivain à en devenir, à l'image de l'auteur, n'hésite pas à se comparer à des personnages de romans connus et à des auteurs qu'il admire : Kafka, Dostoïevski, Whitman et plein d'autres. Il y a dans sa quête une bonne dose de Pedro Juan Gutiérrez, un apprenti de Gutiérrez plutôt. Quelques anecdotes semées par-ci et par-là rappellent la touche du maître. Un écrivain frustré par ses ratés et son manque d'investissement dans une quête plus sérieuse, il va même chercher le soutien auprès d'amis qu'il n'hésite pas à rabaisser dès qu'on tourne la page. Parfois, il arrive à cracher un bon jet. Et d'autres fois, il chie de la merde. Ce livre, bien écrit, vous donnera le goût de lire de bout en bout et surtout chercher le beau dans toute chose. Miller explore l'inconnu et dépeint son histoire avec humour et plaisir, parfois se laisse aller, comme un hommage à ses maître, dans un réalisme sale mais ficelé de bout en bout pour sentir le goût des choses.
Commenter  J’apprécie          20




Lecteurs (1098) Voir plus



Quiz Voir plus

Les écrivains et le suicide

En 1941, cette immense écrivaine, pensant devenir folle, va se jeter dans une rivière les poches pleine de pierres. Avant de mourir, elle écrit à son mari une lettre où elle dit prendre la meilleure décision qui soit.

Virginia Woolf
Marguerite Duras
Sylvia Plath
Victoria Ocampo

8 questions
1722 lecteurs ont répondu
Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

{* *}