Malgré toute l'admiration et le respect que je voue à
Simone Veil et à sa famille, je n'ai pas trop apprécié ce livre.
Je salue la démarche de l'auteur et surtout la richesse des témoignages et souvenirs recueillis. J'y ai appris beaucoup sur Milou, Denise et
Simone, sur l'enfer qui s'éternise après la guerre, leur manque d'espace pour raconter et être véritablement accueillies et écoutées.
Un passage m'a émue aux larmes : celui où l'auteur raconte que Denise avait fabriqué pour
Noël un petit carnet à Violette, son amie des camps, avec rien : « un bout de toile de jute, des brins de laine de chandail, bleus et rouges. […] Sur celui de Violette, il y a des petites fleurs, et "La vie est belle, belle toujours". Il lui avait fallu un temps fou, prendre des risques, voler plusieurs aiguilles, du papier, se cacher pour le fabriquer. » (p.142)
Cependant j'ai été agacée par le style et le ton : très journalistique, l'auteur rassemble des faits, des souvenirs, des dates, l'ensemble manque de rondeur, de fluidité, de souplesse, et parfois de subtilité : par exemple reviennent souvent certaines formules, on a compris que
Simone Veil porte des tailleurs Chanel et un chignon impeccable, et que Denise a « le regard grave et les lèvres serrées ». C'est emprunté et maladroit à force d'être solennel. D'autre part, elle raconte (p. 234-235) qu'« En 1980, Denise avait entrepris des démarches en interrogeant les Archives de Bad Arolsen (Allemagne), autrement dit celles du Service international de recherches […] qui contient les registres des camps de concentration. Preuve, s'il en était besoin, qu'elle ne s'est toujours pas résolue à la disparition presque sans trace de son père et de son frère. » Qui peut « se résoudre » à une telle disparition ? Qui est
Dominique Missika pour commenter les démarches de Denise ? Qui est-elle pour affirmer qu'on peut un jour « se résoudre » ? Comment peut-elle être à ce point indélicate et venir commenter les réactions et les démarches personnelles d'une personne en souffrance ?
D'une manière plus générale, le texte manque de chaleur et d'intimité : le récit à la troisième personne est malheureusement froid et détaché, et donne le sentiment d'être « à côté » des soeurs
Jacob, comme on passe à côté de l'essentiel. C'est vraiment ce que j'ai ressenti et je le déplore.
Enfin, j'ai été gênée par ce besoin de la journaliste de vouloir absolument tout savoir : par exemple, elle explique que le mari de Milou reste un mystère et qu'elle regrette de n'avoir trouvé aucune information à son sujet (p.185-186). Et alors ? Laissez-le donc tranquille ! Pourquoi être à ce point intrusif dans les souvenirs de personnes qui ont autant souffert ?