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3,56

sur 462 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
L'écrivain des lieux hantés par les souvenirs.
D'un livre à l'autre, Patrick Modiano ressasse son enfance. Les mauvaises langues comme moi, qui aimeraient bien maîtriser aussi bien que lui la langue, diront qu'il radote un peu trop, que ni les éboueurs, ni les pompiers, ni le facteur, n'ont réussi à lui vendre un calendrier depuis sa majorité. Les étrennes trainent.
Non content d'avoir arrêté sa montre il y a plusieurs décennies, il autopsie toujours les mêmes quartiers et des coins de province trop timides pour être touristiques. Nul doute, qu'une fois pleiadisé, en ces lieux, des pèlerinages seront organisés pour lecteurs nostalgiques.
Jean Bosmans, son double littéraire, un vrai pédigrée, sort à nouveau sa DeLoréan du garage et retourne dans le passé pour résoudre un mystère et remiser sa peine à voir ses souvenirs s'effacer. Il veut chasser le brouillard qui entoure des personnages iconoclastes croisés chez les amis de ses parents. Il va cartographier les coïncidences de son existence en découvrant les liens qui unissent toutes les personnes en orbite de la maison de la rue du Docteur-Kurzenne.
Je n'ai jamais mis les pieds à Jouy-en-Josas, ni le reste d'ailleurs, n'ayant jamais connu de Josas (désolé), ni d'Evelyne dans les Yvelines si vous voulez tout savoir, mais les romans de Modiano, m'ont presque rendu l'endroit familier. J'ai l'impression d'y avoir passé des week-ends par temps de pluie, de m'y être écorché les genoux, d'y avoir embrassé quelques filles, d'y avoir des souvenirs. C'est la magie de cet auteur nobélisé, capable de trafiquer nos mémoires.
Comme dans tous les souvenirs d'enfance, il y a toujours une part d'invention. Chez Patrick Modiano, cela devient de la fiction. L'histoire tourne autour de lieux et notamment le glaçant hôtel Chatham à Paris, devenu ici le repère des compères Michel de Gama et Guy Vincent, personnages dont l'âme sent le soufre. Bosmans ne va pas y faire pipi autour mais il va essayer de répondre à des impressions de soupçon.
Le dénouement importe peu et nous savons que cet auteur n'est pas un fin limier : il ne découvre jamais toutes les vérités. C'est un détective du flou. Nous sommes juste contents de rajouter une pièce dans le puzzle de son oeuvre.
Chevreuse rime avec berceuse et j'ai retrouvé dans cet excellent millésime la voix douce son auteur. J'avais été un peu déçu par ses derniers romans catalogués par mon irrécupérable mauvais esprit : Bonnets de nuit dans un lit douillet.
Chouette dimanche sous la couette.
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Patrick Modiano renoue avec ses premiers titres La place de l'Etoile et Les Boulevards de ceinture, publiés cinquante ans plus tôt, et baptise Chevreuse son roman dont l'intrigue est immédiatement localisée et facilite son ancrage dans la mémoire du lecteur. Notre Prix Nobel de littérature adopte souvent des titres insignifiants (Villa triste, quartier perdu, accident nocturne, l'horizon) qui, associés à des intrigues erratiques et des personnages fantomatiques, confondent le souvenir que nous retenons de ces oeuvres. Mais après tout ses livres n'en forment-ils pas qu'un ?

J'avoue donc être incapable de me remémorer Livret de famille ou Chien de printemps alors que je me souviens bien de Dora Bruder au titre fort explicite et je pense qu'il en sera ainsi pour Chevreuse.

Chevreuse nous ramène en territoire connu, celui que Remise de peine explorait en 1991, où ont vécu, ou parfois survécu, des silhouettes qui, après l'occupation, vaquent à diverses occupations parfois peu recommandables en cherchant un magot résultant du marché noir.

Le romancier restitue une époque où les taxis maraudaient, où les numéros de téléphone avaient la poésie d'un AUTEUIL 15 28, et nous rajeunit en nous promenant dans Paris et ses environs dont il nous parle en cumulant hésitations et silences … un réel plaisir pour qui aime ce style et cette atmosphère qui me régale depuis plus d'un demi siècle.
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Et je retrouve cette ambiance si particulière de Modiano. Ce retour confus dans un lointain passé trouble comme déposé sur un sol humide tapissé de feuilles mortes avec une pierre dessus. Mais là c'est encore plus nébuleux. Les évènements remontent à une cinquantaine d'années mais aussi à une quinzaine d'année encore en arrière.
Tout remonte par à-coups, par rebonds.
Tout se mêle, s'entremêle.
Des hasards enchevêtrant le tout, y mettant bon ordre ou bon désordre…

Accrochez vous bien. Tout tourne, il y a un demi-siècle, autour d'une maison de Chevreuse que l'amie de l'amie de Bosmans va louer alors que lui-même l'a habitée sans leur dire. le nom de la propriétaire lui fait remonter un flot de souvenirs plus vieux encore d'une quinzaine d'année alors qu'il était un enfant âgé d'une dizaine d'années.
Et là ça devient modianisime car l'associé d'un ancien employeur de son amie était le mari de cette propriétaire.
Me suivez-vous ?

Une chose étrange dans ce texte est la consonance anglaise des noms propres, pas tous. Comme si Patrick Modiano voulait nous narrer une histoire dont les protagonistes britanniques ou américains étaient enferrés dans le moule obsessionnellement parisien de l'écrivain. Et voilà qui ajoute un trouble aux méandres des souvenirs brumeux de Bosmans

Et ce n'est pas tout car Jean Bosmans, je vous le donne en mille, est un écrivain d'environ 75 ans.

Tout est construit pour diablement mettre le lecteur sous cette pierre étouffant la mémoire de Bosmans tentant de reconstituer cette enfance confuse.
Tout comme dans notre mémoire parfois les évènements trouvent une simultanéité qui n'exista jamais, des personnages des rôles qui ne furent jamais les leurs. Lorsqu'un pathos rajoute une couche on arrive à ces totales confusions dont le talent de l'auteur est de nous faire y goûter.
L'art de nous faire pénétrer le subconscient n'appartient qu'à Modiano et moi j'adore ça…

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Il suffit d'un mot pour que les souvenirs ressurgissent. Patrick Modiano convoque à nouveau le passé, nous parle de ce temps d'autrefois parfois flou, des trajets en voiture, de maisons abandonnées et d'un drôle d'hôtel , de filles qui fréquentent des gars peu recommandables. Toujours cette même petite musique que scandent les pas dans les rues de Paris. L'écriture de Modiano reconnaissable entre mille qui réécrit à l'infini le temps passé.


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Une fois encore je me suis laissée séduire par Modiano et son écriture si particulière, son écriture pleine de silences.
Selon son habitude Modiano part d'un détail, d'un mot qui parle à sa mémoire. Chevreuse ...un mot, une image , des mots, des images ... et la mémoire s'éveille.
D'Auteuil à Chevreuse de Chevreuse à Auteuil . C'était il y a 50 ans et même d'avantage il n'était encore qu'un enfant mais "on ne pensait pas à écouter le témoignage des enfants, en ce temps-là " C'est à cette époque là d'ailleurs qu' il a appris à se taire ou à parler le moins possible.
D'Auteuil à Nice et de Nice à la Rive gauche c'était il y a cinquante ans et eux étaient ils réels ou sortis d'un rêve éveillé?
A lire bien sûr ...

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C'est toujours un plaisir de retrouver un Modiano.
Il y a toujours un charme particulier, indéfinissable, qui fait la marque du Prix Nobel.
Cela commence par un air fredonné par un certain Serge Latour – inconnu pour moi – et ce surnom pour une femme, « Tête de mort » qui interpelle. Et puis des noms de lieu, comme celui d'Auteuil.
Et surtout le second : Chevreuse.
« Ce nom attirerait peut-être à lui d'autres noms, comme un aimant » dit l'auteur, dès le début. Et c'est bien ce qui se passe.

Le personnage principal s'appelle Jean Bosmans. Au début du roman il accompagne « Camille » alias « Tête de mort » et « Martine Hayward » visiter une maison que Martine a louée. Et c'est le début d'une remontée de souvenir, parce que Jean a habité cette maison précisément. Il se souviendra que la propriétaire s'appelle Rose marie Krawell – toujours ce goût de l'écrivain pour ces noms d'une autre époque et qui sont sa marque de fabrique.
Et il sera question aussi d'un appartement, d'un numéro de téléphone désaffecté – AUTEUIL 15.28 – et de gens étranges qui fréquentent cet appartement la nuit. Il y a sera question d'un enfant, qui habite l'une des chambres de cet appartement, de la baby-sitter qui garde cet enfant, une certaine Kim à qui Jean Bosmans va rendre visite plusieurs fois, et d'un certain René-Marco.

Quinze ans se sont passés entre les deux moments. Et près de cinquante ans avant que le personnage principal ne repense à tout cela.
Car le sujet principal, comme très souvent chez Modiano, c'est la mémoire.
Mémoire D un lieu, mémoire d'un visage, d'un numéro de téléphone d'une autre époque, d'un territoire que le personnage principal – l'auteur ? – vient revisiter en pensée. Peu importe l'histoire en fait, c'est toujours la même ritournelle et cela qui me plaît chez Modiano. « On ne peut revivre la passé pour le corriger, le meilleur moyen de les rendre définitivement inoffensifs et de les tenir à distance, ce serait de les métamorphoser en personnage de roman. » explique-t-il.

L'essentiel se trouve donc dans les blancs que le lecteur tisse de lui-même, dans ses « silences » dont parle Jean Bosmans à propos de Camille : « la prose et la poésie ne sont pas faites simplement de mots mais surtout de silences » fait-il dire à son personnage, et on a l'impression que tout Modiano est là, dans ces silences autour de l'histoire qu'il nous conte, dans le style fluide qui glisse d'une indication à l'autre sans vraiment s'arrêter et du charme de son écriture qui m'emporte d'une traite jusqu'à la fin : merci Mr Modiano pour ce plaisir de lecture
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Après 40 ans de compagnonnage fidèle aux romans de Patrick Modiano, est-il encore possible d'être surpris ? Évidemment, non, eu égard au caractère obsessionnel de l'écrivain et à son style si personnel. Mais cela n'empêche pas d'être séduit, encore et toujours, et admiratif de ces courts textes qui, sans relâche, ressassent un passé nébuleux et convoquent une mémoire forcément sélective de dont des réminiscences hantent le présent, comme un rêve ou un cauchemar récurrent. Mélange de lointains souvenirs personnels de l'auteur et de fiction déjà abordée dans des oeuvres précédentes, Chevreuse est un nouvel épisode d'un A la recherche du temps perdu modianesque, plus addictif qu'une série. Dans ce thriller à trous et mélancolique, l'auteur fait une fois de plus merveille dans la description d'une époque révolue et trouble, où l'on compose Auteuil 15.28 dans une cabine téléphonique et où un enfant se retrouve mêlé à un milieu interlope sans bien comprendre les enjeux ni le caractère des personnages douteux qui le composent. le roman est comme une collection de photos surexposés, de climats parfois paranoïaques, d'inquiétude existentielle et d'hypothèses dignes d'un flou à lier. Et constamment avec cet amour de la topographie, un seul nom de rue pouvant évoquer des souvenirs enfouis. Bref, Chevreuse est un pièce à conviction de plus dans un casier déjà bien fourni en matière de bienfaits commis pour la cause littéraire.
Lien : https://cin-phile-m-----tait..
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Modiano c'est la nostalgie, c'est le Paris de son enfance, de son adolescence. Si l'on est sensible à cela et à sa plume précise et vagabonde, on ne peut qu'aimer Modiano.

Donc, j'ai aimé ce livre, qui correspond à ce que nous offre l'auteur à chaque fois. Je n'ai pas connu ce Paris mais j'ai aimé encore une fois déambulé avec lui, partir à la recherche de souvenirs enfouis qui refont surface.

Souvent, lorsqu'il y a une quête ou une enquête policière, on veut trouver la solution, mais là tout ce que l'on désire c'est que le protagoniste (ou Modiano lui-même) arrive à recoller les morceaux de son puzzle et ressorte en toute quiétude de ses souvenirs.

Un Modiano dans toute sa splendeur.
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C'est difficile de suivre Modiano dans es pérégrinations: il fait souvent nuit, les ombres poursuivies sont obscures comme les traces de mémoire auxquelles son écriture s'accroche, sur lesquelles elle glisse dans une mélancolie vaguement nauséeuse.
Cette fois-ci et contrairement à d'autres de ces romans lancés sur les traces de son passé, j'ai eu du mal à le suivre, à comprendre cette recherche, à me projeter dans une vallée de Chevreuse noire d'angoisse.
Ne me reste de fait qu'une impression de déjà vu, de nouvelles figures interlopes croises dans une obscurité qui cette fois m'a maintenue à distance plutôt que rapprochée de la riche intériorité de l'auteur. Ses écrits sont si personnels qu'il me semble difficile d'y trouver toujours des points d'adhésion.
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Étrange sensation de sortir d'une nappe de brouillard, d'un nuage de fumée au moment où je referme ce livre. Des personnages fantomatiques, sans visage, sans silhouette, à peine dotés d'un nom, se croisent entre la vallée de Chevreuse et le très chic quartier d'AuteuiL. Une maison dans un village préservé, un appartement dans une rue calme. Les silhouettes, les noms se croisent, sans jamais vraiment faire partie du même ensemble. Qui sont ces gens, dont il faut se méfier, qui se réunissent chaque nuit dans cet immeuble cossu doté d'un ascenseur à l'ancienne, chic et lent ? Et qui est donc cette Kim qui y séjourne, seulement en journée, nourrice d'un enfant qu'on ne voit jamais mais qui partage « le fond de l'appartement » avec elle ?

Auteuil 15 28. C'est sur cette ligne, obsolète aujourd'hui, qu'on prend rendez-vous avec les silhouettes pâles de la nuit. Personnages à éviter, dit Kim.
Et cet appartement cossu a la même propriétaire que la jolie maison de Chevreuse, réminiscence du passé du narrateur, qui y a séjourné dans l'enfance. Il y accompagne ses amies Camille-Tête-de-Mort et Martine Hayward mais n'y entre pas.

Un hôtel louche, des êtres nuisibles qui l'invitent, peut-être pour trouver un trésor dont lui seul connaît - peut-être- la localisation. Atmosphère lourde de menaces, réminiscences de la dernière guerre et de ses secrets honteux : l'air est à peine respirable. La nuit, la brume, les silhouettes fuyantes, les propos lourds de menaces à peine voilées, tout est réuni pour effrayer le lecteur et le narrateur aussi.

Au final, on ne sait pas très bien ce qu'on a lu : un thriller sans résolution, les dernières images d'un rêve, la flânerie mentale de personnages en quête d'auteur ?

Troublant, poétique, superbement écrit.
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