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EAN : 9782070372935
214 pages
Gallimard (09/06/1981)
3.7/5   192 notes
Résumé :
Quatorze récits où l'autobiographie se mêle aux souvenirs imaginaires. L'auteur peint aussi bien une soirée de l'ex-roi Farouk que son père traqué par la Gestapo, les débuts de sa mère, girl dans un music-hall d'Anvers, les personnages équivoques dont le couple est entouré, son adolescence, et enfin quelques tableaux de son propre foyer. Tout cela crée peu à peu un "livret de famille".
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Critiques, Analyses et Avis (17) Voir plus Ajouter une critique
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Petite musique de nuit... Petites histoires mi-figue, mi-raisin. Modiano s'amuse à nous perdre dans ses souvenirs ; il va et vient d'existences réelles et d'identités trafiquées. Il joue à saute mouton avec les années. Personnages connus, méconnus, inconnus, il jongle avec, témoin indirect de sa propre vie. je trouve l'écriture de Modiano légère comme une bulle de savon, un peu transparente, comme si l'obsession de son identité ne devait peser qu'à lui-même. Famille disloquée et fantasque, entourée de personnages troubles, comme dans la meilleure des séries Z où tous les traits sont un peu caricaturaux.
Il y a quelques histoires cocasses ; celles où Modiano va déclarer sa fille à l'état-civil et celle où lui et son père sont invités à un week-end de chasse.
Chez Modiano tout est toujours incertain, bancal, proche de la catastrophe ou l'évanouissement. Il semble ailleurs, souvent ironique et en même temps fureteur. A l'affut des détails, des visages, des noms, des rues, du temps, consignant tout et rien.
Livret de famille n'est pas un des meilleurs Modiano ; il a le sens du récit, cela va s'en dire. Hors du temps, hors de soi. Ce petit bouquin me fait l'effet d'un exercice de style, mais derrière la simplicité de l'écriture rien n'est limpide ni assoupi.
Modiano fait un travail de taupe, il creuse, il creuse. Les galeries de son existence se croisent et s'entrecroisent à l'infini.
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Modiano à la recherche des identités des personnes qu'il croise pour figer la sienne dans le temps et passer outre son inexistence administrative.
"J'ignore en effet où je suis né et quels noms, au juste, portaient mes parents lors de ma naissance."
Les personnages sont autant de repères précieux
Qui se souvient encore de la chanson les oiseaux reviennent publiée aux éditions Fantasia, interprétée par Henri Seroka et primée au festival de la chanson de Sopot sur les bords de la mer Baltique en Pologne.
Allez y faire un tour, vous n'en serez pas déçus
https://www.youtube.com/watch?v=CYjJIxRVXt0
Modiano sait faire revivre cette lutte vaine des chanteurs à texte et à émotion, luttant contre la vague du Rock anglo saxon.
Il évoque aussi, entre autres souvenirs, celui du Grand Concours de la Chanson de Barcelone et le prix convoité par toute vedette qui se respecte, , le fameux Tilleul d'Or de la Chanson décernée dans la ville d'Evian.
L'auteur y hante les bars de piscine et regarde d'un oeil désabusé, les flirts aquatiques d'éphèbes en "(...) maillot de bain bleu clair échancré en V sur les cuisses (...)."
Son père le traine chez des affairistes fumeurs de pipe et amateurs de chasse à courre dans la forêt de Sezonnes, dont il assure à son fils que cette fois ils l'ont "In the baba", qu'ils "vont signer".
Atmosphère mystérieuse guère détendue par le conseil de son ami :
"Tu es pâle constata Seroka. Tu devrais prendre un porto-flip."
On y découvre un Modiano scénariste ; tenu de placer dans les dialogues
"on peut être juif et être un as de l'aviation, Monsieur." ; embringué dans une affaire de poker parce que l'actrice du film a perdu gros et lui emprunte la quasi totalité de ses émoluments sans espoir de retour.
Au hasard de ses déambulation dans Rome où il travaille chez un libraire il assiste au spectacle de "Claude Chevreuse (...) Vers minuit, elle apparaissait en manteau de vison et en robe de gala et se livrait à un très lent strip-tease tandis que le pianiste (...) ,jouait la mélodie de la jeunesse. Deux caniches blancs et nains virevoltaient autour de Claude Chevreuse (...) et prenaient entre leurs dents les bas, le soutien-gorge, les jaretelles (...) au fur et à mesure qu'elle les ôtait."
Une recherche qui le ramène toujours à ses origines, dans Paris
"Pourquoi ici plus que dans n'importe quel autre endroit, ai-je senti l'odeur vénéneuse de l'occupation, ce terreau d'où je suis issu."

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Dans ces quinze courtes nouvelles (et non pas quatorze comme l'annonce la quatrième de couverture), il est question essentiellement d'Identité, comme le laisse entendre le titre de l'ouvrage d'ailleurs.
Pour la majorité d'entre elles, il est question de l'Occupation allemande, des juifs sans papiers et obligés de se cacher .
Concernant celles qui sont fortement inspirées de la vie même de l'auteur, c'est avant tout une recherche des racines, d'une enfance que l'on voudrait se remémorer afin de ne jamais l'oublier dont il est question.

Le lecteur passe facilement d'une nouvelle à l'autre, qui ne sont pas nommées mais simplement indiquées par un numéro de chapitre, sans trop de difficultés et sans vraiment être désorienté. Cet ouvrage fait en quelque sorte une boucle (et je crois que c'est là où les rédacteurs de la quatrième de couverture ont voulu en venir en ne considérant qu'il n'y avait que quatorze nouvelles bien qu'il y ait quinze chapitres) car l'on peut facilement ramener la dernière à la première en tant que continuité de l'histoire. Certes, les avis seront certainement partagés là-dessus mais c'est en tout cas l'impression que cela m'a donné et je trouve que ce serait alors un véritable trait de génie de la part de l'auteur.

Pourquoi n'ai-je pas alors accordé la note maximum à cet ouvrage, me direz-vous ? Tout simplement parce que certaines nouvelles m'ont plus enchanté que d'autres mais dans l'ensemble, c'est vraiment un très bon livre qui vaut le coup d'être découvert !
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Bien avant « Un pedigree », son autobiographie reconnue pour telle publiée en 2005, Modiano avait initié ses fidèles à une insolite collecte généalogique et « Livret de famille » (1977), dédié à son frère Rudy, en fait partie. C'est le livre de ses trente ans, presque dix ans après nous avoir renseigné sur La Place de l'Étoile peu de temps avant le Goncourt, moment où il entre en paternité tout en poursuivant sa propre quête paternelle et littéraire, celui où il fait dire à un jeune homme en train d'écrire « J'avais dix-sept ans et il ne me restait plus qu'à devenir un écrivain français » (Les vies d'Harry Dressel, récit 12).

Le premier de ces quinze fragments de jeunesse, tous écrits à la première personne (lui ou un autre lui), il l'a réservé à sa fille Zénaïde et à l'officialisation de sa venue au monde ; son enregistrement à l'état civil est bourré de drôlerie. le dernier fragment lui est également consacré – elle a tout juste un an et « pas encore de mémoire », conclut-il comme sous l'effet d'un soulagement ou peut-être d'une inquiétude...

Entre ces deux moments s'intercalent les souvenirs épars d'un adolescent et ceux d'un jeune homme à peine plus âgé ou tout juste marié. La mémoire de Patrick Modiano n'est pas sage. Elle lui joue des tours, fait s'emboîter la Shangai des années trente dans la Chine populaire de Chou En-Lai (récit 2) ; le rattrape toujours quand il se voudrait amnésique, résurgences d'un passé récalcitrant obsédant précédant sa naissance, ainsi du voyage en Suisse où il est poursuivi par les fantômes de la rue Greffulhe (récit 9). Quelques dates incontournables : mai 1940 et les débuts cinématographiques de sa mère à Anvers (récit 4) ; adressant au passage un dernier salut à ceux qu'il recherche ou qui ne laissent que peu ou pas de traces, comme ce James Levy, parent de sa grand-mère, peut-être fusillé par erreur comme espion allemand (récit 3) ou encore cet émigré russe dont il a oublié le nom que la mort surprend dans un café un soir de 1973 alors que « quelque chose touchait à sa fin » (récit 6). L'appartement familial du quai Conti a effectivement beaucoup compté dans la vie de Modiano (récit 14) qui un jour a recherché son acte de baptême (récit 8) ou suivi malgré lui une meute de chasseurs dans une forêt solognote.

Il égrène les lieux d'une géographie locale s'étirant entre Paris, périphérie et grande banlieue et plus lointaine : Mégève, Lausanne, il revient à Biarritz, pousse à Nice sur les hauteurs des collines de Cimiez ; il fantasme de plus hasardeux territoires propices à ses rêveries comme Alexandrie ou les jardins de Tauride à Saint-Petersbourg. La petite chambre du square du Graisivaudan présente dans son dernier roman (2014) est évoquée ici de même que la rue des Boutiques obscures (Prix Goncourt 1978) fréquentée par le dernier roi d'Egypte déchu et boulimique, dans son exil romain – « Le Gros » – qui s'empiffre des lasagnes vertes à longueur de journées face à celui qu'il a baptisé « Poker », son ami narrateur.

Une diversité surprenante de noms propres issus d'états civils lacunaires, d'identités défaillantes ou recomposées, réinventées : son annuaire à lui. Livret de famille prend dejà en compte l'effacement de ceux que l'histoire ignore ou délaisse, balaye. Ecriture peut-être destinée « aux êtres qui n'ont jamais eu d'assise au cours de leur vie, ni d'état civil très précis » qu'il évoque (p. 204). Quinze épisodes, imprégnés parfois de « l'odeur vénéneuse de l'Occupation » qui marque la rencontre de ses parents, ou de celle plus supportable de l'après-guerre. En DS 19, la recherche du moulin de caractère de l'oncle Alex est vraiment savoureuse par contraste, et presque comique son besoin d'enracinement (récit 11). Ce n'est pas tant le passé que Modiano cherche à explorer quand il se souvient, mais plutôt le moment exact où il se révèle ou se dérobe. « Mémoire et oubli » à l'oeuvre ensemble et toujours comme il le dit dans un de ses livres, quelque part, je ne sais plus où.
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Une nouvelle plongée dans le prodigieux monde modianesque, fait de souvenirs à la fois précis et incertains.

Plus qu'un livret de famille, c'est un album de famille que l'on feuillette ici.

L'agencement du roman en 15 petites histoires, parfois très courtes, est moins désordonné qu'il n'y paraît de prime abord.
La première et le dernière nous mènent dans le temps présent, celui de Patrick, sa femme, sa fille bébé: la différence est que la première fait encore ressurgir une ombre du passé en la personne du vieux Monsieur Koromidé, alors que la dernière ne fait plus référence au passé, mais au thème obsédant de la mémoire, envahissante chez le père, encore absente chez sa petite fille. "Elle n'avait pas encore de mémoire", c'est sur ce constat "d'état de grâce" que se termine le livre.
Et en quelque sorte en résonance avec les histoires du début et de la fin, la nouvelle du milieu, la VIII, nous évoque le retour de l'auteur au temps de son baptême.

Les autres histoires mettront en scène des moments de la vie de la "famille", la grand-mère, la mère quittant Anvers en guerre, le père emmenant son fils à une étrange partie de chasse, les retrouvailles avec l'appartement où se rencontrèrent et s'aimèrent ses parents, la balade avec l'oncle Alex.
D'autres récits évoquent des bribes du temps de la vie de Patrick, adolescent en Suisse troublé par la résurgence d'un être malfaisant, ou amant de la jeune et belle Denise Dressel pour laquelle il s'évertuera à écrire l'histoire de son père absent (et peut-être mort), jeune adulte scénariste d'un film improbable, ou en Tunisie avec sa future femme, ou enfin, simple témoin de la mort soudaine d'un homme dont il cherchera à retenir un peu du passé...

Même si cette petite fresque autobiographique n'est pas aussi puissante que l'autre, Un Pedigree, ni au niveau des récits majeurs que sont par exemple Dora Bruder, Rue des Boutiques Obscures, Dans le café de la jeunesse perdue, La petite Bijou,...toute la magie de Modiano est cependant là: l'écriture fluide, la construction si musicale des phrases, et surtout la mémoire, l'irruption du passé dans le présent, avec l'atmosphère des lieux, et si souvent une mélancolie, une angoisse latente et une incertitude, mais aussi, ce qui distingue notre Patrick de notre Marcel, cet autre explorateur de la mémoire, une empathie et une tendresse profonde pour les gens.

"Tout un monde lointain, absent, presque défunt vit dans les profondeurs" de ce Livret de famille et nous procure, comme toujours chez Modiano, le "charme profond, magique, dont nous grise, dans le présent, le passé restauré".

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Citations et extraits (25) Voir plus Ajouter une citation
Elle était coiffée d’un casque d’aviatrice d’où dépassait une mèche blonde. Marignan m’expliqua qu’elle avait jadis battu des records du monde dans de « vieux coucous impossibles »
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« L’autre jumelle avait rapproché sa tête de celle de sa sœur et leurs fronts se touchaient. J’étais effondré.
— Alors, que faire, madame ? demanda Koromindé.
Elle avait décroché le téléphone et composé un numéro à deux chiffres.
Elle demandait si le prénom « Zénaïde » figurait « sur la liste ». La réponse était : NON.
— Vous ne pouvez pas donner ce prénom.
Je vacillai, la gorge serrée.
Le moustachu s’approcha à son tour et prit le formulaire.
— Mais si, mademoiselle, chuchota Koromindé, comme s’il dévoilait un secret. Nous pouvons donner ce prénom.
Et il leva la main, très lentement, en signe de bénédiction.
— C’était le prénom de sa marraine.
Le moustachu se pencha et appuya son front de bélier contre les grillages.
— Dans ce cas, messieurs, il s’agit d’un problème particulier, et la chose est tout à fait différente.
Il avait une voix onctueuse qui ne correspondait pas du tout à son physique.
— Certains prénoms se transmettent dans les familles, et si curieux fussent-ils, nous n’avons rien à dire. Absolument rien.
Il moulait ses phrases et chaque mot sortait de sa bouche imprégné de vaseline.
— Va pour Zénaïde ! »
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"La mémoire elle-même est rongée par un acide et il ne reste plus de tous les cris de souffrance et de tous les visages horrifiés du passé que des appels de plus en plus sourds, et des contours vagues."
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Je descendis les escaliers de l’hôpital en feuilletant un petit cahier à couverture de cuir rouge, le : « Livret de Famille ». Ce titre m’inspirait un intérêt respectueux comme celui que j’éprouve pour tous les papiers officiels, diplômes, actes notariés, arbres généalogiques, cadastres, parchemins, pedigrees… Sur les deux premiers feuillets figurait l’extrait de mon acte de mariage, avec mes nom et prénoms, et ceux de ma femme. On avait laissé en blanc les lignes correspondant à : « fils de », pour ne pas entrer dans les méandres de mon état civil. J’ignore en effet où je suis né et quels noms au juste, portaient mes parents lors de ma naissance.
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Et pourtant, comme la vie était belle, ce printemps-là... Aux heures de liberté que nous laissait notre travail, nous nous donnions rendez-vous, Papou, Muzzli et moi, au bord de la petite piscine d'un hôtel situé à l'angle de l'avenue d'Ouchy et de l'avenue de Cour. Elle était construite au fond d'un jardin et protégée de l'avenue d'Ouchy par un rideau d'arbres. Micheline Carole venait nous y rejoindre, à son réveil, vers une heure de l'après-midi. Elle prenait des bains de soleil toute la journée, car son travail à elle ne commençait que le soir. Deux sœurs jumelles étaient aussi des nôtres, deux ravissantes et minuscules Indonésiennes, qui - disaient-elles - "faisaient des études" à Lausanne.
Sur l'eau vert pâle flottaient des bouées d'enfants qui portaient cette inscription : "Jours Heureux", suivie du numéro de l'année. 1965? 1966? 1967? Peu importe, j'avais vingt ans.
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Géraldine Mosna-Savpye et Nicolas Herbeaux en parlent avec nos critiques, Elise Lépine, journaliste littéraire au Point, et Virginie Bloch-Lainé, productrice à France Culture.
#litterature #critique #livres
Vignette : Maryna Terletska/Getty Images _____________ Livres, films, jeux vidéo, spectacles : nos critiques passent au crible les dernières sorties culturelles par ici https://youtube.com/playlist?list=PLKpTasoeXDrosjQHaDUfeIvpobt1n0rGe&si=ReFxnhThn6_inAcG une émission à podcaster aussi par ici https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/les-midis-de-culture
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