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3,68

sur 571 notes
Recherche Noëlle Lefebvre obstinément.
Recherche est probablement le mot qui résume le mieux les romans de Patrick Modiano. Ses recherches ne sont jamais théoriques, elles s'appliquent au narrateur lui-même alors que leur objet apparent est extérieur (souvent une femme). Pour Encre sympathique, on retrouve les caractéristiques habituelles des oeuvres de Modiano mais on découvre aussi des traits qui dessinent la spécificité du roman.
Modiano, c'est d'abord une attention précise aux lieux, Paris bien sûr et ici Annecy, avec ses pérégrinations soigneusement décrites, ses fréquentations de petits commerces à dimensions humaines (cafés, garage, poste, parfumerie,…). C'est aussi une sensibilité particulière au passage du temps, une certaine nostalgie à la source d'une atmosphère quasi dépressive. C'est enfin et surtout une enquête quasi-policière, un questionnement maladif de la mémoire avec ses incertitudes, ses demi-vérités, ses non-dits, ses fausses pistes, ses chronologies tronquées qui renforcent une ambiance énigmatique. le tout est relevé par des listes précises de lieux ou de personnes auxquelles le narrateur se raccroche comme des bouées de sauvetage, mais qui s'avèrent le plus souvent inutiles. Ce climat particulier de la narration concourt à stimuler l'imagination du lecteur qui cherche, lui-même, à redonner de la cohérence à l'histoire.
Dans Encre sympathique, en plus de retrouver l'ensemble de ces caractéristiques, Modiano nous gratifie de quelques données originales : un nouveau lieu (Rome)mais surtout la nouveauté repose ici sur le fait qu'on a affaire à un roman « clos » c'est-à-dire avec un début, un développement et une fin (même si cette dernière dépend d'une promesse plutôt que d'une certitude : Modiano demeure tout de même un maître du flou narratif !!). J'ai l'impression que c'est la première fois qu'il organise une histoire de cette façon.
Lecteur assidu de Patrick Modiano, je dévore avec avidité chacun de ses livres en sachant qu'à l'intérieur d'un cadre romanesque relativement rigide, il parvient à réaliser des variations telles que chaque nouvel opus produit sa part d'originalité. Dans cette optique, Encre sympathique me semble particulièrement réussi. Sa relecture fait apprécier encore davantage les différentes facettes du talent de l'auteur. le propre des grands écrivains consiste bien à savoir se renouveler en restant profondément eux-mêmes.

Lien : https://www.onlalu.com/livre..
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Je crois n'avoir pas lu de Modiano depuis Rue des boutiques obscures, c'est dire si je ne suis pas une inconditionnelle.. Encre sympathique m'a été prêté et ma foi j'ai passé un très agréable moment à sa lecture.
Modiano nous embarque dans une déambulation matérielle et mémorielle , dans les rues de Paris et les méandres de sa mémoire , à la recherche d'une énigmatique Noëlle qui s'éloigne un peu plus à chaque rencontre des « témoins » de son existence... Si les lieux sont toujours extrêmement précis , des adresses dans Paris surtout, les personnages demeurent énigmatiques. Réflexion sur la mémoire, sur le passé oublié. Mais faut il se souvenir de tout ? « J'ai peur qu'une fois que vous avez toutes les réponses, votre vie se referme sur vous comme un piège, dans le bruit que font les clés des cellules de prison. Ne serait -il préférable de laisser autour de soi des terrains vagues où l'on puisse s'échapper ? »
Il y a incontestablement une « petite musique  modianesque » avec laquelle on se sent bien . Celui que Bernard Pivot a qualifié fort joliment de « coloriste des souvenirs » nous a charmé.
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C'est à une errance dans Paris et dans le temps qu'invite Patrick Modiano dans "Encre sympathique".
L'encre sympathique c'est celle qui nous permet d'écrire notre histoire, nos souvenirs. Ils s'effacent et réapparaissent au fil du temps et des rencontres.
C'est mon premier roman de cet auteur. Un des plus abordables paraît-il. Il est facile à lire, et court. Sa réflexion sur la mémoire m'a intéressée, mais il m'a manqué un enjeu qui aurait permis d'ancrer les pérégrinations du narrateur.
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Ce livre commence par une recherche dont on ne saisit pas le sens, la quête d'un personnage qui ne prend forme qu'au tournant de la page 110, sans vrai suspens ni révélation. Cette dimension quasi policière est le prétexte de marches qui déroulent leurs méandres à très petits pas dans Paris et plus tard dans Rome.

Ce puzzle est finalement le travail de mémoire d'un auteur qui s'observe : « Je crois qu'il est préférable de laisser courir ma plume. Oui, les souvenirs viennent au fil de la plume. Il ne faut pas les forcer, mais écrire en évitant le plus possible les ratures. Et dans le flot ininterrompu des mots et des phrases, quelques détails oubliés ou que vous avez enfouis, on ne sait pourquoi, au fond de votre mémoire remonteront peu à peu à la surface. Surtout ne pas s'interrompre, mais garder l'image d'un skieur qui glisse pour l'éternité sur une piste assez raide, comme le stylo sur la page blanche. Elles viendront après, les ratures ». Dès lors le lecteur prévenu commence à relever les métaphores. le skieur dans la neige, l'encre sympathique qui apparaît par l'addition d'un révélateur, le film à la pellicule voilée, les rues dans la pénombre, un paysage effacé par la neige, le phare quand on s'éloigne du rivage, des corps intacts conservés dans un glacier, un maître chanteur dont on croit qu'il a perdu votre trace, un agenda perdu ou caché. Je suis certain qu'un thésard de lettres modernes complètera cette collection. J'en reste là, sans préméditation, avec ennui.

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Qu'ai-je vu dans ce petit livre ?

D'abord le format presque policier, l'utilisation d'une enquête sur une personne disparue pour soutenir l'intérêt - particulièrement au départ. C'est classique, mais bien fait.

Ensuite, l'inscription dans le temps du roman : légèrement désorganisée - là aussi pour soutenir l'intérêt - en faisant des "découvertes" dans le passé. On pourrait imaginer chez l'auteur une volonté de faire passer quelque chose... mais si c'est le cas, le message est loin d'être clair ! De ce fait, je ne peux en aucun cas considérer Modiano comme un héritier ou un continuateur de Proust qui est dans une démarche très méthodique de recherche méticuleuse sur le passé - sans qu'il n'y ait jamais dans la Recherche un seul flashback, procédé dont on a trop abusé - recherche qui aboutira à une conclusion précise dans le Temps Retrouvé, véritable aboutissement de l'ensemble des livres précédents.

La psychologie n'est pas du tout un élément important du livre de Modiano, on est en rupture avec la littérature du 19° particulièrement. Il y a quelques notations sur l'état immédiat de l'humeur des uns ou des autres, méfiance, tristesse, mais il n'y a rien de construit et surtout, de prolongé ou d'interactif. On serait d'ailleurs bien en peine pour caractériser le narrateur principal. de même, on ressent pour lui, du fait de sa neutralité affective, une légère empathie, et rien d'autre. On voit que Modiano est dans la droite ligne de Sartre critiquant Flaubert, et exerçant une pression assez forte sur la littérature pour être considéré comme un inspirateur lointain du nouveau roman (dont la Nausée pourrait être une ébauche) : on est dans une apparente objectivité narrative. En fait très apparente, car même si le narrateur ne s'attarde pas sur ses affections et goûts personnels, il fait état de ses impressions et doutes à de nombreuses reprises - d'ailleurs comme Roquentin quand il regarde la racine. C'est donc beaucoup plus un héritier lointain de Sartre que de Proust qu'on verra en Modiano à travers ce livre. Mais un Sartre qui ne serait pas dans une démonstration ou une illustration de : l'existence précède l'essence.

La construction utilise un bref moment un "truc", celui de l'encre sympathique, pour faire apparaître une feuille non lue dans le carnet personnel de la disparue. L'auteur n'insiste pas, il n'y a pas de fortes connotations magiques dans cette observation (qui aurait pu faire l'objet d'une nouvelle de Poe). Cette encre sympathique justifie le titre sans l'expliquer : pourquoi pas, l'auteur n'a pas de comptes à rendre.

En fait, le procédé du livre, c'est la création des mystères à travers la description progressive de personnages un peu exceptionnels (changer de prénom, de nom, de profession, de lieu de vie en rompant tous les ponts, tout cela est en fait rare, quand on y pense ; il y a même un meurtrier, personnellement je n'en ai jamais rencontré), mais dont on ignore quelles sont leurs liens. Et donc quel est le système de causalité, de passions, qui les fait interagir. On a six personnages en quête de relations.

Le narrateur dit d'ailleurs que le livre avance, mais que son enquête n'avance pas - en fait qu'il ne se passe rien, qu'il n'y a pas de progression malgré le temps qui s'écoule - c'est peut-être une clé. D'ailleurs, la fin du livre ne dévoile pas un quelconque mystère, même si Albertine finit par être retrouvée.

Le style est d'un moderne classicisme, avec une utilisation principale de l'imparfait et du passé composé (on est bien dans une problématique du temps passé), avec quelques passages au présent. Ce style est agréable, sans complaisances ni boursouflures, sans doute la meilleure qualité de l'auteur.

Au total, je serais de mauvaise foi si je disais que le livre m'avait déplu. Mais il ne m'a pas enthousiasmé. On n'y trouve ni puissance, ni profondeur, ni une distance particulière avec l'objet décrit (comme par exemple dans Sarraute ou Pérec par exemple). Modiano utilise des procédés d'écriture qui sont souvent novateurs, agréables, servis par un style très propre, sans une ombre de putasserie, et c'est déjà très bien. Mais ils ne sont pas mis au service d'un message présentant un quelconque intérêt, et ils ne sont pas portés par un souffle.

Ou bien l'intérêt ou le souffle m'ont échappé !

Le critique bienveillant dira que le but de l'auteur est avant tout l'évocation quasi poétique d'un monde où l'on voit décrits dans un temps éclaté des objets qui inspirent : Rome - dont malgré tout je ne vois pas trop pourquoi Modiano qu'elle est "la ville de l'oubli", ce qui me semble parfaitement gratuit, même s'il s'agit d'une antithèse, Rome étant au contraire chargée d'histoire ; des quartiers de Paris - tout le monde n'est pas parisien, et il faut l'avoir été pour comprendre le choix très délibéré et subtil des rues, on voit que Modiano s'adresse à un certain lectorat ; des voitures américaines et des bars louches ; et des personnages qui sont plus des silhouettes vagues, des contours imprécis, pour laisser le lecteur sur sa faim, ce qui est précisément l'intention de l'auteur. Comme de lui laisser une impression de brouillard et de légèreté, qu'on pourrait assimiler avec de la poésie.

Mais non. Moi, cela ne me convient pas, j'ai besoin de nourritures plus lourdes et plus fortes. On peut ne pas être d'accord !
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Je dois me rendre à l'évidence, malgré son incontestable talent, Patrick Modiano m'ennuie.
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Moins mauvais que les précédents.

On peut aimer le clair-obscur cotonneux de la narration, le passé qui s'enfuit à mesure qu'on l'évoque, les personnages tremblotants dans une mémoire incertaine… Mais même si l'on apprécie que cette fois il y ait une fin digne de ce nom, il me paraît difficile de crier au chef-d'oeuvre. Je ne comprends pas plus les éloges dithyrambiques concernant ce dernier opus que je n'ai compris l'attribution du Nobel en 2014. Il y en a tant de meilleurs que lui…
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Mandaté par le directeur d'une agence de détectives privés, Hute, le narrateur part à la recherche d'une Noëlle Lefebvre sur la base d'une fiche de renseignements sommaire. A partir de ces notules, il enquête dans le 15ème arrondissement de Paris, la poste restante, des lieux susceptibles d'avoir été fréquentés par NL. Relatant cette enquête qui l'a occupé peu de temps dans le passé mais dont son esprit ne s'est pas détaché dans les trente ans qui l'ont suivie, le narrateur fait remonter des détails qui apparaissent peu à peu et la vie de NL prend de la consistance, comme si l'encre sympathique faisait son effet.
La fin du livre nous mène à Rome et nous livre la parole de NL. Ce changement de narrateur, parfois utilisé par PM, est bienvenu. Cette histoire toute fine (120 pages) est subtile. le charme de Modiano opère toujours aussi bien. Une nouvelle piste dans le labyrinthe…
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Un excellent court roman dans la pure tradition de Modiano, à savoir un voyage dans le Paris d'autrefois à la recherche d'une femme qui fréquente des gens un tantinet douteux.
Le charme opère toujours.
Patrick Modiano a l'art de nous emporter avec lui dans ses souvenirs de jeunesse.
A chaque fois, le retour dans le passé nous transporte dans un cadre disparu avec des personnages dont le discours n'est plus celui d' aujourd'hui.
Un vrai régal …
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J'ai retrouvé avec plaisir la plume de Patrick Modiano dans Encre sympathique.

Dans Encre sympathique, Patrick Modiano nous propose un enquêteur qui mène sur plusieurs années une recherche d'une jeune femme Noëlle Lefebvre disparue du jour au lendemain. On découvrira l'inclinaison forte de ce détective à trouver le fin mot de l'histoire.
Comme toujours chez Patrick Modiano, on retrouve une héroïne emplie de mystère, une provinciale partie sur Paris pour le travail, un environnement masculin un peu louche, des souvenirs épars, un passé cotonneux, un agenda qui donne des pistes, et un enquêteur qui s'entête à trouver la vérité. Et pour une fois, une fin qui clôt la quête (c'est mon interprétation).

J'ai passé un très bon moment avec Encre sympathique qui à l'image de ce qu'elle représente, résume parfaitement le fil rouge littéraire de son auteur :

page 92 : "Encre qui, incolore quand on l'emploie, noircit à l'action d'une substance indéterminée. Peut-être, au détour d'une page, apparaîtra peu à peu ce qui a été rédigé à l'encre invisible, et les questions que je me pose depuis longtemps sur la disparition de Noëlle Lefebvre, et la raison pour laquelle je me pose ces questions, tout cela sera résolu avec la précision et la clarté des rapports de police. D'une écriture très nette et qui ressemble à la mienne, les explications seront données dans les moindres détails et les mystères éclaircis. Et, en définitif, cela me permettra peut-être de mieux me comprendre moi-même."

D'Encre sympathique, je retiendrai des trajets en bus émouvants et pleins de promesse, la plume constante et fantastique de simplicité, de précision, un style qui coule et aux mots sonnants. Patrick Modiano propose un récit cohérent et facile à suivre, avec l'économie de phrases tout en intégrant savamment les détails et descriptions. Rien à jeter, rien à ajouter : tout est parfaitement en place. Comme d'habitude.
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