J'aime lire
Patrick Modiano, me laisser porter par ses déambulations , ses errances dans le temps et son obsession de la trace qu'il peut laisser sur les êtres et sur les choses... Je pensais ne pouvoir jamais être déçue par ses parcours d'écriture, comme autant d'invitation à la nostalgie douce. Je suis donc la première étonnée d'être restée sur le quai sans jamais vraiment partir à la recherche de Noëlle Lefebvre avec le narrateur.
J'ai essayé de comprendre les raisons de cette réserve:
J'ai été gênée par le rythme de la narration d'ordinaire si fluide chez
Modiano, ici, il m'a paru heurté, hésitant, comme "fatigué", le procédé d'inscrire le lecteur dans la boucle, m'a paru alourdir encore le fil du récit, sans que rien ne justifie à la page 63 puis à la page 100, ce semblant d'arrêt sur image. Dans un récit où le traitement du temps est volontairement brouillé, est il vraiment utile de faire dire au narrateur que la chronologie lui importe peu? ce souci d'explicite casse la magie du roman, c'est dommage.
Le rapport au passé s'écrit par ailleurs au fil du récit, dans une contradiction soutenue, le narrateur n'a de cesse d'en appeler au souvenir de celle qu'il a recherché , en même temps il s'en défend :"je n'avais pas l'habitude ni le goût de me tourner vers le passé"(p83), "NL ne m'aura en trente ans, occupé l'esprit qu'une journée" (p100)
Cette inconnue qu'il recherche trente ans avant d'écrire ces lignes et, au bout du compte de la retrouver, ne parvient pas à convaincre le lecteur, son profil reste flou tout comme celui de tous ceux qui ont croisé sa route et que le narrateur croise à son tour. On est loin de la matérialité de
la petite bijou qui cherche le manteau jaune, on est loin de la quête de
Dora Bruder.
Finalement l'objet du roman repose sur les hasards qui se dévoilent après coup, et sur l'incertitude qu'il y a entre ce qu'on a pu vouloir et ce qui arrive sans qu'on y ait pensé, comme l'
encre sympathique peut révéler ses mystères longtemps après. La dernière partie du roman, racontée de Rome par Noëlle Lefebvre, ne parvient pas toutefois à donner à l'ensemble du récit sa force et sa cohérence.
Je suis déçue par ma lecture mais curieusement cette écriture me touche malgré tout jusque dans la maladresse du récit.