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3,68

sur 571 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Voici le commentaire d'un livre que je n'ai pas lu. En effet, pour la première fois, je me suis adonné à l'essai du livre audio ; et le faire - confinement obligeait - hors du temps, au coucher, vous emporte inexorablement dans une autre dimension.

L'écriture de Modiano et le thème du roman ne sont pas, j'imagine, tout à fait étrangers à cette expérience sensorielle dans laquelle on se retrouve embarqué en une espèce d'entre-deux dans une perambulation onirique, par-delà l'espace et le temps, en compagnie de personnages dont on ne sait plus très bien s'ils appartiennent à votre réalité ou s'ils procèdent du rêve, tout cela imbriqué en une sorte de fantasmagorique mise en abyme.

D'un Nobel l'autre, comment dans ces réflexions sur le temps, l'absence, la répétition, l'intériorité, l'errance, ne pas établir un parallélisme avec Claude Simon, principalement sa Route des Flandres, mêmes traces mnésiques d'un passé vécu, reconsidéré, à l'aune des fragments mémoriels de l'inconscient.

Bref, si comme votre serviteur, habités par les peurs, les culpabilités, les remords, et surtout les regrets, vous éprouvez quelques difficultés d'endormissement, nul besoin de faire appel aux soins hypnotiques d'un Benjamin Lubszynski, la voix impeccablement monocorde de Denis Podalydès (même si je préférais celle de ma grand-mère) et son régulier phrasé sauront apaiser vos angoisses nocturnes de grands nourrissons et vous mener, de l'autre côté du miroir, à la recherche de Noëlle Lefebvre perdue.
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Modiano me fait toujours l'effet d'un auteur qui serait resté enfermé quelques décennies dans une boîte très hermétique que l'on aurait enfin ouverte. Rien de ce qui fait le XXIe siècle ne concerne ses romans: pas de traces de téléphones portables, d'ordinateurs ou de réseaux sociaux… Non, chez Modiano, on cherche un nom dans le Bottin, on écrit des lettres avec de l'encre bleu Floride, on parle de dancing et de bureau des PTT, de magnétophone et de télégramme…
Les gens sont aimables ou méfiants, habitent ou ont habité Paris (ils peuvent aussi être absents momentanément de Paris, ce qui est toujours vaguement inquiétant ou risqué) et s'appellent comme on ne s'appelle plus : Gérard Mourade, Noëlle Lefebvre ou George Brainos...
Généralement, l'un d'entre eux a disparu et un narrateur le recherche. Pourquoi ? On ne sait pas vraiment et lui non plus dans le fond. S'ensuit une espèce d'errance essentiellement parisienne, dans un périmètre assez limité et une chronologie relativement vague. On a toujours l'impression que le narrateur souffre d'une myopie prononcée qui l'empêche de voir au-delà d'une certaine distance (autrement, ce qu'il voit est flou) et qu'une forme d'amnésie l'a frappé peu de temps après sa naissance. le personnage principal est donc quelqu'un qui ne se souvient pas et les gens qu'il interroge ne se souviennent pas eux non plus. Bref, tout le monde a tout oublié et l'on cherche des gens que personne n'a jamais rencontrés, et qui sont certainement morts depuis longtemps (mais là, c'est pas sûr!)
(Seules les traces font rêver, disait René Char… )
Bref, on tourne pas mal en rond, on rencontre une poignée de personnages (très peu) mais on finit quand même par les confondre (moi en tout cas), on se perd dans des détails (des histoires de lettres, de dossiers égarés ou incomplets…), les années passent, on vieillit (mais on ne change pas vraiment), on ne renonce pas à chercher (en s'autorisant quelques pauses assez longues tout de même) comme si le sens de la vie dépendait de ce qu'on allait trouver (ou pas) et puis, on finit toujours par mettre la main sur une personne : est-ce vraiment celle que l'on cherchait au début ou bien quelqu'un qui lui ressemble vaguement ? Peu importe, elle fera l'affaire.
Dans cette atmosphère hors du temps et hors de tout, des paroles d'une très grande banalité prennent soudain l'allure de questionnements philosophiques très profonds : exemple page 26 : « Et vous, qu'est-ce que vous faites dans la vie ? » Eh oui, qu'est-ce qu'on fout là, dis-le moi…
Bref, on aime Modiano ou pas. Si vous aimez, vous adorerez ce roman ; si vous n'aimez pas, passez votre chemin.
Quant à moi, je fais partie des fans absolus : j'aime l'écrivain qui à chaque question qu'on lui pose répond par « C'est compliqué » avant de plonger son regard inquiet dans le vide et de répéter une autre fois comme quelqu'un qui prend douloureusement conscience de la difficulté de traduire l'existence en mots, « oui, c'est compliqué »… J'aime ses textes parce qu'ils expriment une vision du monde très personnelle, et c'est bien là la caractéristique d'un grand écrivain, isn't it ?
L'errance modianesque dit le temps qui passe, s'effiloche, la mémoire qui vacille et l'oubli qui prend le relais. Les lieux, seuls, forment de vagues repères… et encore… Rien ne résiste au temps, ni les gens, ni les choses…
L'homme n'est qu'un passant… Un passant de passage… Qui a presque tout perdu et tout oublié.
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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Modiano, comme le dit avec humour Clara Dupont-Monod, "est notre écrivain GPS".
Dans ce très joli roman ( son 29ème ), comme dans tous ceux qui constituent l'oeuvre de notre Prix Nobel ( le 15ème français ), celui-ci nous entraîne dans une visite guidée nostalgique, quelquefois mélancolique mais toujours envoûtante du XVème arrondissement de Paris mais également d'Annecy et de ses environs, sans oublier l'incursion finale à Rome.
Comme dans l'essentiel de sa bibliographie, le narrateur, très jeune apprenti dans une agence de détectives privés, enquête sur une jeune femme, Noëlle Lefèbvre, à propos de laquelle il ne bénéficie que de très peu d'informations, d'une photo si floue que s'il la croisait dans une de ces rues qu'il nous fait emprunter ou s'il était assis à côté d'elle dans un de ces cafés, bistrots, que Modiano affectionne, il ne pourrait pas la reconnaître.
Il tente donc, thème modianesque, de retrouver sa trace.
"À mesure que je tente de mettre à jour ma recherche, j'éprouve une impression très étrange. Il me semble que tout était déjà écrit à l'encre sympathique. Quelle est dans le dictionnaire sa définition ? "Encre qui, incolore quand on l'emploie, noircit à l'action d'une substance déterminée."
Ce n'est pas pour le seul plaisir de citer que je fais référence à ce passage du livre.
En fait, ces lignes disent tout sur cet ouvrage, mais d'une manière générale éclairent le parcours, le cheminement littéraire de Modiano.
L'obsession de Modiano, c'est tenter de "faire réapparaître un passé oublié, le temps perdu, les souvenirs effacés, des êtres, des objets, des lieux disparus."
Noëlle Lefèbvre, la belle inconnue qui s'est mystérieusement évanouie dans l'espace et le temps se dérobe aux recherches, au temps, aux témoins, aux traces... jusqu'à faire douter le narrateur de sa réalité.
Cependant cette mystérieuse jeune femme a pris en quelque sorte possession de lui... au point de le convaincre qu'il la connaît, qu'il l'a déjà vue, déjà rencontrée...
Le tout se déroule dans un paysage bien connu des lecteurs de l'écrivain.
Le Paris des années 50, avec ses rues, ses cafés, un dancing au bord de la Seine, un garage et son propriétaire vendeur de Chrysler.
Il y a une poste restante, une lettre énigmatique et un agenda qui l'est tout autant.
Le roman s'articule autour de cette géographie, de ces éléments et de cette quête-enquête.
Ce livre sur la mémoire part de l'idée que ladite mémoire n'est faite que de bribes qui surnagent de l'immense oubli au sein duquel nous vivons.
D'où la métaphore de l'encre sympathique avec laquelle a été écrit tout ce qu'on a oublié et dont certaines substances, certaines circonstances permettent de faire émerger quelques souvenirs, quelques fragments lisibles de ce passé, de cet oubli écrit à l'encre invisible.
Cela étant, il faut être prudent avec ces souvenirs réapparus à l'occasion de tel ou tel évènement.
Il en faut très peu pour être mystifié par ces souvenirs.
Une mystification née de plusieurs causes, volontaires ou involontaires.
Noëlle Lefèbvre est-elle morte ?
Si oui, dans quelles circonstances ?
Est-ce une fugue ? Et pourquoi ?
Ou bien autre chose dont on saura ou pas en expliquer les raisons.
Suivez Modiano dans cette enquête.
Vous serez happé par son déroulement et sensible à sa chute.
J'ai lu quelques romans de Modiano.
J'ai été bouleversé à la lecture de - Dora Bruder -.
J'ai beaucoup apprécié - Rue des boutiques obscures -.
Celui-ci a un charme singulier, une mélancolie tout en grâce.
C'est un livre qui a été qualifié, le mot n'est pas de moi, de "Modianissime", et je suis d'accord avec cette appréciation.
Je le recommande à ceux qui sont un peu réticents à l'égard de l'auteur, et je le conseille à ceux qui veulent faire connaissance avec l'oeuvre de grand écrivain.
C'est l'introduction idéale à l'univers singulier de Patrick Modiano.
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Modianesque en diable

Dans ce court roman, le Nobel de littérature continue à jouer sa partition avec maestria. Il nous entraîne sur les pas de la mystérieuse Noëlle Lefebvre, rassemblant petit à petit les pièces d'un puzzle fascinant.

Bien entendu, c'est toujours le même roman et bien entendu, il est à chaque fois différent. Les inconditionnels de Modiano y retrouveront sa plume délicate et ses promenades dans Paris, sa volonté de retrouver ses souvenirs et celle d'en faire oeuvre littéraire. Quant à ceux qui n'ont pas encore goûté au plaisir de lire l'un des romans du dernier Prix Nobel de littérature français, ils pourront sans crainte découvrir son univers avec ce court roman, qui doit être son trentième.
Tout commence cette fois avec un document retrouvé, une carte de poste restante au nom de Noëlle Lefebvre.
Le narrateur se souvient qu'il a travaillé quelques mois pour le compte de l'agence de détectives La Hutte et qu'on lui avait confié la tâche de retrouver la trace de cette jeune fille mystérieusement disparue. Une première pièce d'un dossier qu'il va rouvrir et tenter de reconstruire.
Outre cette carte de poste restante, quelques lieux fréquentés par la jeune femme, quelques personnes de son entourage vont apparaître. Un certain Roger Behaviour, le 13 de la rue Vaugelas ou le 85 rue de la Convention, la maroquinerie Lancel proche de l'Opéra où Noëlle a travaillé, le Dancing de la Marine, le Cours d'art dramatique Paupelix, Gérard Mourade «Il faudrait encore des détails qui sembleraient à première vue sans aucun rapport les uns avec les autres, jusqu'au moment où de nombreuses pièces du puzzle seraient rassemblées. Et il ne resterait plus qu'à les mettre en ordre pour que l'ensemble apparaisse à peu près au grand jour.»
Comme dans Souvenirs dormants ou encore Pour que tu ne te perdes pas dans le quartier, la magie opère, à tel point que cette enquête – qui est d'abord une quête de la vérité, de la permanence des souvenirs, de la façon de les présenter – va devenir secondaire par rapport au travail de l'écrivain. «À mesure que je tente de mettre à jour ma recherche, j'éprouve une impression très étrange. Il me semble que tout était déjà écrit à l'encre sympathique [… ] Et, en définitive, cela me permettra peut-être de mieux me comprendre moi-même.
Voilà pourquoi Noëlle Lefebvre l'obsède à ce point, voilà pourquoi le lecteur ne tarde pas à le suivre dans cette recherche. Car il pressent qu'il s'agit ici de trouver les clés de l'existence, le moteur qui nous fait avancer, les réponses aux seules questions qui valent. Et sans dévoiler l'épilogue de ce roman, on trouvera au hasard d'une réflexion – «J'ai peur qu'une fois que vous avez toutes les réponses votre vie se referme sur vous comme un piège, dans le bruit que font les clés des cellules de prison» – le secret de l'oeuvre modianesque. Et c'est la raison pour laquelle on
se réjouit déjà du prochain livre. Qui, on le sait sera le même. Et sera bien différent.



Lien : https://collectiondelivres.w..
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C'est par ce livre de Patrick Modiano que je reviens à la lecture, après ces jours de confinement...impossible de lire. étonnamment... impossible. Je ne saurai pas me rappeler le nombre de livres pour lesquels je pourrai déclarer " celui ci m'a sauvé la vie". Alors peut être parce que toute Vie me semblait étrangement reléguée, je ne pouvais plus lire. Comme d'autres ne peuvent plus parler, plus pleurer, je pense que mon traumatisme s'est traduit par cette incapacité à lire et à écrire. mais voilà un jour, un livre vous tombe entre les mains, il vous revient, il remonte de la pile....comme les souvenirs remontent à la surface, et puis un mot entraînant un autre mot voilà vous êtes entrée, ou plutôt vous voilà sortie... Souvenir, mémoire, blank, histoire lacunaire, bribes, éparses... On ne se souvient pas ou plus, on a oublié, parce que c'est trop loin , trop tard, trop beau, ou trop douloureux. La mémoire vous joue des tours de manège. Un nom, un visage, une terrasse de café, une station de métro. J'ai tout revu et réappris. c'est étrange un livre, puissant. Alors je ne sais pas si nous sommes nombreuses et nombreux à ne pas avoir pu lire une ligne, pas pu écrire un seul mot durant cette période qui, que nous le reconnaissions ou pas, restera traumatisante, mais à celles et ceux qui ont connu ce "blank" je conseille la lecture de ce livre. pourquoi celui ci ? Parce que justement ce qui ne peut être lu, un jour réapparaîtra. Je crois au pouvoir des livres. Je n'ai jamais cessé d'y croire. J'avais peut être juste oublié, comme le dit le poète, que les roses sont roses, et tant de jolis choses ! ;)
" Qui veut se souvenir doit se confier à l'oubli, à ce risque qu'est l'oubli absolu et à ce beau hasard que devient alors le souvenir". Maurice Blanchot.
et comme tout se termine par une chanson :
https://www.youtube.com/watch?v=KOE67CF7zaA

Astrid Shriqui Garain
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Le dernier roman de Modiano, est excellent ! J'y retrouve ce qui m'avait plu, dans "La petite bijou", notamment une atmosphère bien particulière, un côté poétique très prononcé, et un style parfait... Très imagé, ce roman de Modiano aborde ( encore ) ce qui est apparemment la thématique phare, de l'écrivain français : le labyrinthe de la mémoire, où se cache mille et un souvenirs... Dans cette oeuvre hors du temps, hors du monde, tellement, tellement personnelle ( comme "La petite bijou" ), qui est une véritable confession, l'auteur nobellisé, a vraiment déployé un très grand talent, avec des personnages complexes, une vérité qu'on cherche et qu'on ne trouve pas ( d'ailleurs, c'est quoi, la vérité ? ), un style très expressif, avec des décors et une intrigue intemporelle, qui plaise...
Lire "Encre sympathique", c'est aussi l'occasion de s'interroger, avec une quête existentielle qui pose des questions : pourquoi cette quête ? Avons-nous, nous, besoin d'une telle quête ? Que signifie-t-elle, et que signifie-t-elle, dans notre monde tourmenté ? Quoi qu'il en soit, c'est officiel : décidément, j'aime beaucoup Patrick Modiano !
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Avez-vous déjà observé un aquarelliste ? Au départ, sur sa feuille, il n'y a rien. Rien que du pas encore, même pas en devenir. Et puis, sans que vous en compreniez la logique, ses pinceaux nourrissent la planche de taches de couleurs, de traînées d'indices, l'idée s'ébauche. Des îlots de rationalité s'annoncent et ne prennent vraiment sens que par les blancs qui apparaissent, les vides qui révèlent la limite des sujets et offrent, par leur silence, une promesse de sens à la composition.
Dans son roman « Encre sympathique », l'auteur nous entraîne à la recherche de Noëlle Lefebvre, jeune femme disparue à Paris XVe, il y a trente ans. Plus exactement, il expose à la lumière les souvenirs de Jean, le narrateur, enquêteur et futur écrivain. Il s'est vu confier alors un dossier pour retrouver cette femme. Dossier apparemment aussi vide que peu intéressant. A laisser filer, à classer sans suite et à oublier aussitôt ? C'est sans compter la découverte de l'agenda de Noëlle qui écrivait alors « Si j'avais su… » Il n'en faut pas plus au narrateur pour se remettre en piste et tâcher de comprendre le silence qui se cache derrière ces points de suspension.
Patrick Modiano, Prix Nobel de littérature 2014, affectionne le travail de mémoire et les tris qu'il impose. Comme si la sagesse consistait, chez lui, à identifier dans ses propres écrits le contour du connu, le doute du certain et la place des blancs, des vides, seuls capables de laisser croire que le souvenir peut tout combler.
Modiano écrit à l'encre sympathique, son récit ne se révèle à la lumière qu'en décalage avec le temps où il a été enfoui. le style lui est personnel. Nul autre ne maîtrise comme lui les nostalgies juxtaposées, les mélancolies teintées d'inquiétudes, les recherches confuses d'une pensée qui existe déjà mais doit encore naître au jour. Chaque phrase, chaque idée, chaque étape du récit prend peu à peu son sens en laissant naître, à côté d'autres phrases, d'autres idées, d'autres moments, des blancs, des espaces de silence, d'oubli à remplir. Et le lecteur assiste au lent et fascinant effet d'un bain révélateur qui peu à peu fait apparaître le souvenir ultime, objet même de la quête de l'auteur.
« Modianesque ! », diront les inconditionnels de l'auteur. Plaisant et facilement abordable diront probablement ceux qui découvre cette plume. Pour ma part, j'ai aimé ce Modiano, comme je l'avais apprécié précédemment sous d'autres titres et comme je l'aimerai encore lors d'une prochaine rencontre.
Roman lu dans le cadre du défi de Madame-Lit que je salue avec plaisir.
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"Encre sympathique " est mon premier Modiano.
Avec le temps, l'histoire s'est un peu effacée de ma mémoire.
Mais est-ce vraiment important ?
Est-il nécessaire de se souvenir de tout ?
Cette question, je me l'étais déjà posée lors de ma lecture, et ça, je m'en souviens parfaitement.
Toute comme cette petite musique mélancolique que l'écriture de Modiano restitue à merveille.
Une musique empreinte de nostalgie qui a fini par m' entraîner également dans mes propres souvenirs, au temps où j'arpentais avec avidité les rues de Paris.
"Encre sympathique ", c'est une enquête sur un passé qui tente sans cesse de se derober, qui se brouille souvent mais qui reste inscrit quelque part dans les méandres de la mémoire.
Qu'il est plaisant pour moi de me perdre dans un imaginaire aussi envoûtant.











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Qu'est-ce qui pousse le narrateur, un jeune homme d'une vingtaine d'années au début du récit, à mener une enquête pour découvrir ce qu'est devenue une certaine Noëlle Lefebvre, signalée disparue par un dénommé Georges Brainos auprès de « Hutte » le patron du narrateur ?
« Encre sympathique » commence comme un polar américain de Raymond Chandler, avec un privé chargé de retrouver une personne disparue mystérieusement. Mais très vite Patrick Modiano abandonne les codes du genre – le narrateur n'a rien d'un Philip Marlowe – pour une tonalité plus mélancolique et énigmatique.
Ce qui n'est au départ qu'une mission confiée pour un premier emploi au narrateur en effet, va se transformer en quête à partir de maigres indices : une carte pour aller chercher le courrier de Noëlle Lefebvre à une poste restante, un agenda tenu de sa main et oublié dans le tiroir de chambre obscure, un personnage d'apprenti comédien, un dancing sur le point d'être démoli … Comme toujours avec Modiano on arpente les rues de Paris – ici le 15ème arrondissement – à la recherche d'une trace d'un passé révolu. Mais le jeu de piste nous conduira aussi jusqu'à Rome, où on évoquera des souvenirs de la région d'Annecy.
Remémoration, passage du temps, recherche de ses maigres traces, on retrouve bien là tous les thèmes chers au Prix Nobel de littérature qu'on connaît. Patrick Modiano maîtrise l'art de l'ellipse, et celle du récit labyrinthique pour cerner son sujet : il procède de façon concentrique et apparemment décousue, avant de retrouver celle qu'il recherche, alors que le narrateur lui-même ne sait pas ce qui le pousse à aller de l'avant.
« Il y a des blancs dans une vie » dit son personnage principal. Cela revient régulièrement, comme un mantra que l'auteur nous livrerait en, guise d'explication. Et l'époque dont il s'agit ne peut être détaillée par Internet. Tant mieux : « Aujourd'hui, j'entame la soixante-troisième page de ce livre en me disant que l'Internet ne m'est d'aucun secours…. Tant mieux, car il n'y aurait plus matière à écrire un livre. Il suffirait de recopier des phrases qui apparaissent sur un écran, sans le moindre effort d'imagination. »

Dieu merci, pas d'Internet pour parler de Noëlle Lefebvre, mais un récit caché qui ne se révèle qu'à l'aide d'une encre sympathique, et c'est tout le charme de cette écriture.

Lien : http://versionlibreorg.blogs..
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Une fois de plus, je suis tombée sous le charme de la plume particulière de ce grand auteur. Son oeuvre forme comme une grande forêt, avec des sentiers qui nous emmènent en terrain connu et sur lesquels on se sent en sécurité. Bon je n'ai pas de talent pour les métaphores, restons-en là. J'aime beaucoup ses livres qui font vibrer une corde sensible en moi, j'ai l'impression de me fondre dans ce décor, à la fois répétitif et si subtil.

L'encre sympathique est cette encre invisible, souvent du jus de citron avec laquelle nous avons tous jouer en étant enfant. On fait apparaître le texte peu à peu en l'exposant à une flamme. C'est ici une métaphore de la mémoire, thème cher à l'auteur, notre mémoire qui n'est pas toujours fiable, qui a des trous, mais qui peut aussi se révéler surprenante.

Le narrateur, Jean, est écrivain, il a commencé sa carrière comme apprenti-détective chez Hutte, ça ne vous rappelle rien ? C'est le patron du héros de Rue des boutiques obscures. J'ai eu un immense plaisir à le retrouver et je m'attendais à une enquête tournant autour de la deuxième guerre mondiale et de l'identité juive, autres thèmes cher à Modiano. Mais non, le jeune Jean est envoyé sur les traces de Noëlle Lefebvre, une jeune femme qui a disparu de Paris quelques semaines auparavant. un client, peu recommandable selon Hutte, lui a demandé de la retrouver. Il envoie Jean enquêter dans le quinzième arrondissement avec une carte permettant de retirer le courrier en poste restante et dans un bistrot du quartier où il rencontre un comédien ami de Noëlle qui la recherche aussi. Jean ne restera que quelques mois dans l'agence de détectives, il emportera le dossier de Noëlle en souvenir et continuera sa quête durant plus de trente ans, de façon ponctuelle. Sans qu'il le sache, sa recherche le mènera dans son propre passé, avec un dénouement surprenant.

J'ai beaucoup aimé cette promenade dans un Paris oublié, dans des quartiers qui avaient un autre visage dans les années 1960 et ses bribes de souvenirs qui forment un puzzle peu à peu. Ce roman est un excellent cru et pour moi un coup de coeur, comme très souvent.
Lien : https://patpolar48361071.wor..
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