La doctrine juridique s'appuie sur le dualisme coupable/non coupable. La culpabilité est du côté du mal, du diable, des démons et du pêché. L'innocence est du côté de la rigueur, de la piété, de la rédemption. La loi repose sur le jugement. Ce jugement s'appuie sur la doctrine du libre-arbitre universel et de la responsabilité volontaire dans tous les aspects de notre conduite personnelle. Seule exception aux États-Unis : la loi M'Naghten (loi de 1838 en France), qui définit de façon très étroite la folie légale – à savoir l'incapacité à distinguer le bien du mal.
La sexologie médico-légale est une nouvelle branche de la psychiatrie et de la psychologie médico-légales. Comme ses ancêtres, elle est née captive et esclave du jugement médico-légal. Au sein du système judiciaire, elle est discréditée si elle ne souscrit pas à la fiction légale de la responsabilité morale personnelle dans toute manifestation, volontaire ou autre, de la sexualité.
La doctrine judiciaire de la responsabilité morale équivaut pratiquement à une doctrine de causalité, à savoir que la cause et le contrôle du comportement sexuel de chacun sont motivés et déterminés par la volonté. C'est là une explication empreinte de jugement fort éloignée de l'impartialité du déterminisme scientifique. La philosophie déterministe entachée de jugement est présente non seulement dans la loi, mais aussi dans le langage ordinaire et la philosophie morale quotidienne. Cette tendance est jugement est si forte que, même si sa propre vie est en jeu, un délinquant sexuel ne dispose d'aucun discours alternatif qui lui permettrait de s'expliquer. Les experts en sexologie sont tout autant captifs du langage ordinaire. Il faut une vigilance constante et un grand entraînement pour rédiger une histoire sexologique dépourvue de termes impliquant le jugement et la responsabilité morale.
La philosophie du jugement a eu un effet sournois sur la sexologie en construisant deux sortes de sexualité : l'une politiquement correcte, bonne et morale, et l'autre politiquement incorrecte, mauvaise et immorale, voir carrément criminelle. Pour maintenir la façade d'objectivité scientifique, le moral et l'immoral sont en général associés au normal et à l'anormal. Un changement de terminologie peut dissimuler le jugement, mais il ne peut nous en débarrasser totalement, car il y a deux sens au terme « normal » : l'un numérique et statistique, l'autre idéologique et teinté de jugement. Dans l'usage courant, être sexuellement normal revient à être, sinon idéal, du moins acceptable pour ceux qui détiennent le pouvoir de faire appliquer les lois. Toutefois, il n'existe pas de critère absolu. Le normal et l'anormal varient en fonction de l'époque et du lieu, tant sur le plan historique que culturel.
Un quatrième principe d'explication intrapsychique de la fixation ou de la régression est le principe de conflit ou d'incompatibilité entre deux composants ou plus de la psyché, l'un étant plus puissant et dominant que l'autre. On sait, toujours par les lettres de Freud à Fliess, que le principe de conflit avait un rôle majeur dans deux des formulations évolutionelles de Fliess : celle de la bisexualité intrapsychique intrinsèque, et celle de l'attraction sexuelle par l'olfaction et le nez, opposée à la vision et aux yeux. Le principe de conflit, transmuté en principe de conflit intrapsychique, avait un rôle de premier plan dans le système de déterminisme intrapsychique de Freud. Ce principe s'applique au conflit instinctuel et hiérarchique entre le ça instinctuel, le moi et le surmoi. Freud se montre équivoque sur une origine exclusivement intrapsychique du surmoi. Ses combats intrapsychiques majeurs portent sur le bisexualité et le complexe d'Œdipe.
Dans le domaine de la bisexualité, le combat intrapsychique se déroule entre homosexualité et hétérosexualité. Chaque camp peut l'emporter. Par définition, l'homosexualité est une perversion. La défaite de la perversion entraîne donc une alliance avec le refoulement. L'homosexualité refoulée ne disparaît pas, mais devient une homosexualité latente, qui peut réapparaître sous la forme d'une symptomatologie névrotique, la paranoïa par exemple. Il manque deux principes à ce paradigme de déterminisme intrapsychique : l'un pour expliquer pourquoi et chez qui l'hétérosexualité l'emportera, et un autre pour expliquer pourquoi et chez qui l'homosexualité, une perversion en terminologie psychanalytique, l'emportera sans se transformer en névrose.
Il n'y a pas d'issue au dilemme du choix volontaire, sauf à reconnaître que, comme le dicte le bon sens, il est à la fois biologiquement et socialement construit. Ces deux aspects jouent un rôle conjoint dans la détermination du comportement humain ainsi que dans l'idéation ou l'imagerie qui le précèdent ou l'accompagnent. Il n'est nul besoin de choisir son camp dans le débat entre biologie et construction social, pas plus que dans celui entre inné et acquis dont il n'est qu'un des avatars. En réalité, l'inné a besoin de l'acquis et vice-versa. De même, la biologie a besoin de la construction sociale et inversement.